quelques questions simples au sujet de base élèves 1er degré


article de la rubrique Big Brother > base élèves, non !
date de publication : dimanche 13 décembre 2009
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La mise en place par l’Education nationale de l’“application informatique” Base élèves premier degré (BE1D) entraîne l’attribution à chaque enfant d’un INE (Identifiant national élève) dès son entrée en maternelle. Cet identifiant qui l’accompagnera jusqu’à sa sortie du système éducatif sera répertorié dans une Base nationale des identifiants élèves (BNIE). La généralisation de cet identifiant national permettra à terme l’interconnexion avec des fichiers constitués par d’autres administrations. C’est un problème important qui soulève de nombreuses questions et qui doit être abordé de façon précise ...


Près de 700 parents d’élèves ont déposé plainte contre Base élèves 1er degré, le 9 décembre dernier, rejoignant ainsi le millier qui avaient fait la démarche avant l’été. Tous protestent contre le fichage obligatoire des enfants dès leur entrée en maternelle. Un fichage mis en place par arrêté le 20 octobre 2008 [1], sans aucune concertation ni aucun débat parlementaire, et sur lequel bien peu d’informations sont disponibles.

Le ministère de l’Education nationale a choisi de ne pas réagir, se contentant de répéter que « l’application informatique Base élèves premier degré » vise à permettre à la fois « la gestion administrative et pédagogique des élèves de la maternelle au C.M.2 » et un « traitement automatisé et fiable des statistiques » [2].

Base élèves et la BNIE sont ainsi mises à contribution pour assumer deux fonctions que l’on n’a pas l’habitude d’associer : la gestion – elle commence au niveau de l’école, mais elle comporte également une fonction de “dédoublonnage” – et l’établissement de statistiques nationales.

Cela amène notre première question :

  • Question 1 : pourquoi la BNIE n’est-elle pas scindée en deux, la partie gestion de la BNIE d’une part, et un fichier des cursus à des fins statistiques d’autre part ? Ces derniers sont-ils anonymés ?

Dans sa présentation de BE1D, le ministère affirme que « les données ne sont pas conservées au-delà de l’année de fin de scolarité de l’élève dans le premier degré » [1] – donc pendant une durée n’excédant pas une dizaine d’années. Cette affirmation est sans doute aujourd’hui formellement exacte, mais la réalité n’est pas aussi simple.

Les données des élèves du second degré sont actuellement saisies dans SCONET, et celles des étudiants dans SISE (Système d’information sur le suivi des étudiants). De son côté, la BNIE est actuellement interconnectée à BE1D, mais ne l’est pas encore aux deux autres systèmes d’information.
A terme, lorsque l’INE version BNIE sera généralisé à tout le système éducatif, certaines données pourront alors être conservées pendant une longue durée – la CNIL a accordé 35 ans au ministère qui en souhaitait 40 [3].

Le ministère affirme qu’« il n’y a pas d’interconnexion avec d’autres fichiers de l’État ». Mais le problème est qu’un identifiant sert essentiellement à “rapprocher” des fichiers, et ... quand l’outil est en place, comment résister à la tentation de s’en servir. D’ailleurs SCONET est déjà interconnecté avec les fichiers du domaine de l’emploi [4].

  • Question 2 : le ministère envisage-t-il de mettre fin aux interconnexions existant actuellement entre ses propres fichiers et ceux constitués par d’autres administrations ? Quelles mesures prévoit-il de prendre pour empêcher toute interconnexion entre BE1D et d’autres fichiers de l’Etat ? ou avec des fichiers du secteur commercial ?

L’usage de l’INE – ancienne ou nouvelle version – se répand dans les actes administratifs et la gestion au quotidien : on le trouve aujourd’hui sur les factures de cantines, les collantes du bac, les certificats etc... sans que l’on sache comment il est établi.

  • Question 3 : le ministère a-t-il l’intention de rendre publique la méthode suivie pour créer l’identifiant INE d’un élève ? Et de préciser dans quelle mesure il est signifiant ?

L’existence dans SCONET [5] de l’item nationalité – ainsi que profession et code PCS (nomenclature des Professions et Catégories Socioprofessionnelles) des parents – n’est pas faite pour rassurer.

  • Question 4 : le ministère envisage-t-il de limiter les données à caractère personnel enregistrées dans SCONET à celles qui sont prévues dans l’arrêté du 20 octobre 2008 ?

Nul doute que des réponses sincères et satisfaisantes du ministère à ces quelques questions ne pourraient que rassurer les parents dont l’inquiétude à propos de Base élèves 1er degré est bien légitime.

Alors que

  • les exemples sont trop nombreux de fichiers qui ont été très rapidement détournés de leur finalité initiale – citons l’exemple du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), créé en 1998 pour centraliser les empreintes génétiques des criminels sexuels, et dont on peut se demander aujourd’hui s’il ne va pas ficher toute la population [6],
  • l’appétence de nos gouvernants pour le fichage de leurs contemporains semble sans limites – l’exemple le plus récent étant l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement autorisant la création de fichiers de police, par simple arrêté ministériel [7],
  • les pouvoirs déjà insuffisants des organismes de contrôle comme la CNIL [8] ne font que diminuer,

comment ne pas partager l’inquiétude des parents [9] qui voient dans Base élèves la première étape d’une entreprise de fichage généralisé de la population – l’école étant chargée d’amorcer le travail en constituant un fichier national de la jeunesse ?

Notes

[2Cf. la présentation de
Base élèves premier degré sur le site du MEN : http://www.education.gouv.fr/cid244....

[4C’est ce que Benoist Apparu a reconnu dans son rapport sur la réforme du lycée – voir cette page.

[6Voir : article 3610.

[9Et celle des directeurs d’école qui, au risque de se voir sanctionnés, refusent d’entrer les données de leurs élèves dans Base élèves.


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