“on peut tout faire avec des baïonnettes sauf s’asseoir dessus”


article de la rubrique Big Brother > base élèves, non !
date de publication : mercredi 21 mai 2008
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Des parents protestent et refusent Base élèves 1er degré, un système que le ministère de l’Education nationale tente de mettre en place en l’absence de tout véritable dialogue.
Comment peut-on envisager d’imposer par la force une application informatique qui, sauf erreur, ne repose sur aucune base juridique ?

La méthode forte utilisée à Grenoble est un aveu de faiblesse indigne d’une démocratie.


Mardi 20 mai 2008, une formation à Base élèves était organisée à l’Inspection académique (IA) de Grenoble à l’intention des directeurs d’école. Des parents opposés à la mise en place de ce fichage des enfants s’étaient donnés rendez-vous pour essayer de bloquer pacifiquement l’accès à l’IA ; une quinzaine d’entre eux (en majorité des femmes) ont été malmenés par une vingtaine de représentants des forces de l’ordre équipés de matraques, flashballs et gaz lacrymogènes ... Les armes de dissuasion n’ont pas été utilisées mais devant tant de violence affichée les directeurs d’école ont quitté l’IA.

Voici le témoignage d’une maman.

Aujourd’hui, la police est intervenue en force et de manière très violente contre notre blocage (au moins 20 policiers en tenue de combat contre une quinzaine de parents d’élèves). Les 6 ou 7 directeurs que l’on avait bloqués sont tous partis immédiatement (certains en pleurs) pour que les policiers ne nous fassent pas de mal !

Je reste sous le choc de la violence employée par les policiers aujourd’hui.

Une fois les directeurs partis, les policiers sont restés en rang serrés devant l’entrée de l’IA (l’Inspection académique) face à nous. Le Secrétaire général de l’IA se promenait au milieu des policiers, un petit sourire aux lèvres. Il faut dire qu’avant l’intervention de la police, il essayait de convaincre les directeurs que le combat contre Base élèves était perdu d’avance !

Non, notre combat n’est pas inutile ! Il reste encore beaucoup de personnes qui ne savent pas encore ce qu’est Base élèves et qui, dès qu’on leur explique ce dont il s’agit, prennent fait et cause pour nous !

Il faut empêcher les directeurs de rentrer les données dans Base élèves. Et les blocages des formations restent l’un des moyens les plus efficaces pour les en empêcher (avec les lettres de refus individuelles) ! Que ce soit par notre présence, par les questions que nous posons, par les arguments que nous développons, cela sert toujours d’être là, même si à la fin les directeurs rentrent malgré tout dans le bâtiment pour suivre la formation.

Notre lutte ne doit pas s’arrêter là et malgré la trouille que j’ai eue aujourd’hui, je retournerai à nouveau devant l’IA si un nouveau blocage est prévu !

Il y a huit jours, Michel Destot, député-maire de Grenoble,
avait adressé la lettre suivante à une mère d’élève qui lui avait écrit au nom du Collectif isérois pour le retrait de base élève (Cirbe).

Grenoble, le 13 mai 2008

Vous avez bien voulu attirer mon attention sur vos vives inquiétudes concernant la mise en place de l’application informatique « Base élève 1 er degré ».

Soyez assurée que le courrier que vous m’avez adressé, au nom du Collectif isérois pour le retrait de Base élèves, a retenu toute mon attention et que je suis sensible aux questions que vous soulevez.
Suite à l’entretien que vous avez eu avec MM. David BOUSQUET et Pascal GARCIA, mes assistants parlementaires, j’ai bien noté que vous dénoncez vivement l’absence de concertation préalable à la mise en place d’un tel fichier. De plus, vous regrettez que des informations concernant les élèves puissent être saisies sans que leurs parents en soient informés, et donc sans leur consentement, alors même que la nature et le nombre des informations recensées dépasse l’objectif annoncé de gestion du parcours scolaire.

J’ai bien noté également que, selon vous, la création de cette base de donnée pose des questions d’éthique, de morale et remet en cause les libertés individuelles de chacun, tout en plaçant l’Education nationale dans un rôle de contrôle jusqu’alors dévolu à la police et à la justice.
Comme vous le savez, j’ai déjà adressé une question écrite sur ce sujet à M. Xavier DARCOS, Ministre de l’Education nationale. Sa réponse, publiée au Journal officiel le 13 novembre 2007, n’apporte aucune garantie réelle face au risque de voir un jour ce fichier utilisé à des fins autres que scolaires.

Par ailleurs, le 25 juin dernier, le conseil municipal de Grenoble avait adopté à l’unanimité un voeu manifestant son opposition à la mise en oeuvre de cet outil. La mise en place de ce logiciel s’est malheureusement poursuivie depuis, sans qu’aucune réponse satisfaisante n’ait été apportée aux interrogations des enseignants et des parents, dont je partage les inquiétudes. Le ministère de l’Éducation nationale doit très vite rouvrir le débat sur ce sujet. C’est le souhait du conseil municipal qui a adopté un voeu demandant « à nouveau l’abandon du fichier informatique centralisé Base élèves », lors de sa séance du 4 avril.

Restant bien entendu désireux de vous aider dans vos démarches, je vous informe que j’interviens ce jour auprès de M. Xavier DARCOS, Ministre de l’Education nationale, afin de le sensibiliser à nouveau à vos revendications et inquiétudes. J’adresse également un courrier à l’ensemble des Maires de ma circonscription, en leur communiquant le dernier voeu adopté par le conseil municipal de Grenoble.

Je ne manquerai pas de vous communiquer les suites qui seront réservées à ces démarches.

Michel DESTOT

« L’histoire de la résistance à Vichy, celle des insoumis lors de la guerre d’Algérie montrent que la question de la rébellion contre la légalité au nom de la légitimité n’est pas une casuistique juridique. » [1]

P.-S.

Pour terminer, une vidéo : http://www.dailymotion.com/video/x5....

Notes

[1Nuri Albala et Evelyne Sire-Marin, « Jusqu’où obéir à la loi ? », Le Monde diplomatique, mai 2006.

Dans cet article, les auteurs rappellent la théorie dite des “ baïonnettes intelligentes ” : « Un soldat est tenu de désobéir à un ordre “ manifestement illégal ”, c’est-à-dire à un commandement de l’autorité légitime qui contrevient aux droits humains fondamentaux »


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