Vincent Fristot : base élèves, une entreprise irrégulière de fichage d’envergure nationale


article de la rubrique Big Brother > base élèves, non !
date de publication : dimanche 14 juin 2009
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Le 12 juin 2009, à Jussieu, lors de la Journée d’étude CREIS-Terminal sur le thème Des technologies de surveillance à l’école, Vincent Fristot, auteur avec Mireille Charpy de recours devant le Conseil d’Etat, a fait un exposé sur Base élèves 1er degré [1].

Voici le plan de son intervention.


Introduction

  • En 2007, surprise de parents d’élèves en maternelle et élémentaire, devant la collecte de nombreuses données personnelles sans information
  • Réunions publiques, constitution d’un premier dossier début 2008 après demande de documents administratifs au ministère de l’Education nationale (MEN) et saisine de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)
  • Collecte de nombreuses données sensibles relatives à des millions d’élèves sans débat parlementaire, sans acte réglementaire publié

Une mise en place de BE1D en catimini

Une simple déclaration du MEN à la CNIL le 24 déc 2004

  • 59 champs de données par élève dont la nationalité, date entrée en France, langue et culture d’origine, besoins éducatifs particuliers
  • 6,5 millions d’élèves concernés
  • Des données seront conservées pendant 15 ans
  • Finalités « principales » :
    • Gestion locale des élèves, inscription admission
    • Pilotage pédagogique, suivi des parcours scolaires
    • Alimentation de statistiques académiques et nationales

La BNIE, face cachée de Base Elèves

  • Aucun texte réglementaire relatif à la BNIE, base nationale des identifiants élèves (13 millions) ; déclaration à la CNIL du 15 fév 2006
  • Création d’un identifiant unique national à partir de l’état civil de l’élève pour toute la scolarité, 35 ans
  • Une interconnexion Base Elèves – BNIE cachée au public

Un large mouvement d’opposition

de la part de :

  • Parents d’élèves, motions en conseils d’école, interventions lors des formations de directeurs
  • Nombreux élus, position des conseils municipaux
  • DDEN (Délégués départementaux Education nationale)
  • 8 nov 2008 : création du Collectif national de résistance à base élèves (CNRBE) qui regroupe parents d’élèves, enseignants, syndicalistes
  • « Appel à la résistance citoyenne contre le fichage des enfants » – il est signé aujourd’hui par plus de 200 directeurs
  • 25 avril 2009 : journée nationale de rencontre, à Bourg-lès-Valence – voir le communiqué

L’arrêté contesté du 20 octobre 2008

  • Art 3 : données à caractère personnel :
    • I. Identification et coordonnées de l’élève, dont l’INE
    • II. Identification du ou des responsables légaux de l’élève
    • III. Autres personnes à contacter en cas d’urgence
    • IV. Scolarité de l’élève
    • V. Activités périscolaires
  • Art 5 : durée de conservation
    Dernière mise à jour de chaque année
    Scolarité : les mises à jour successives de chaque année
    Conservation données : « terme de l’année civile » fin du 1er degré

Des risques majeurs

Une atteinte aux libertés

  • Fichage exhaustif et actualisé de la jeunesse en France, dès 3 ans, de la cellule familiale
  • Stockage du parcours scolaire pendant 35 ans
  • L’INE, c’est la porte ouverte à des interconnexions futures
  • Enregistrement du nom de l’établissement scolaire, y compris d’établissements spécialisés

Atteinte à la vie privée, particulièrement s’agissant de jeunes enfants

Une dérive du service public de l’éducation nationale

  • Des données personnelles des familles sortent de l’école, sans justification
  • Une atteinte à la relation de confiance entre parents et enseignants
  • Transformation substantielle du rôle des pédagogues, agents d’un système de
    surveillance.

C’est la création d’un casier scolaire pour nos enfants

La CNIL est défaillante

D’après l’article 11 de la loi Informatique et Liberté, « [la CNIL] veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en oeuvre conformément aux dispositions de la présente loi. »

CNIL publie le 10 avril 2008 un communiqué « Base Elèves 1er degré : mode d’emploi » sous forme de questions-réponses :

  • Question : « Les parents ont-ils la possibilité de refuser que les informations concernant leur enfant soient enregistrées dans la “base élèves” ? »
    Réponse : « En France, l’inscription scolaire est obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans. Les parents ne peuvent donc pas s’opposer à ce que l’école collecte et enregistre dans son fichier des informations relatives à leur enfant. »
  • Dans ce même communiqué du 10 avril 2008 :
    « Des boîtiers dédiés garantissent qu’une authentification forte à deux facteurs est réalisée pour accéder à l’application » (alors que la distribution des clés OTP ne débute que fin 2008)
  • Question : « Les directeurs d’école ont-ils la possibilité de refuser la Base élèves ? »
    Réponse : « Ils s’exposeraient à des mesures de sanction de la part de leur hiérarchie ».
  • Aucune allusion aux nombreux problèmes liés à Base Elèves dans les rapports annuels de la CNIL

Les actions engagées

Actions juridiques

  • Deux recours devant le Conseil d’Etat
  • Rapport alternatif devant le comité des Droits de l’Enfant (ONU) Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 nov 1989
  • Plus de 700 plaintes contre X auprès du Procureur de la République

Plaintes au Pénal

  • Non respect des formalités préalables à la mise en oeuvre d’un traitement : procédure d’autorisation lors d’interconnexion BE1-BNIE et fichiers des maires
  • Collecte de données sans garantie pour la sécurité de ces données
  • Conservation des données excessive au regard des finalités
  • Absence d’information préalable à la collecte de données, notamment sur l’INE

Recours administratifs

  • 13 juin 2008 : demande d’annulation des actes de mise en oeuvre de BE1D
  • 22 décembre 2008 : demande d’annulation de l’arrêté du 20 octobre 2008 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au pilotage et à la gestion des élèves de l’enseignement du premier degré

Loi Informatique et Libertés du 6 jan 1978 modifié

  • Collecte de données à caractère personnel
    • Spécialité : finalité précise, proportionnalité de la collecte / finalité
    • Consentement des personnes (sauf si mission de service public) et information préalable
  • Principes rappelés (rapport Türk, Sénat 03/2003) :
    • Durée de conservation ne peut excéder la durée nécessaire à la réalisation des finalités
    • Transparence : Droit d’accès, rectification, opposition

Principaux moyens développés

  • Interconnexion BE1D-BNIE cachée au public
  • Transmission d’informations aux maires sans que les personnes en soient informées
  • Refus du droit d’opposition inscrit dans la loi
  • Disproportion 50 données collectées / liberté des personnes au regard des objectifs affichés notamment s’agissant de jeunes enfants
  • Irrégularité du traitement de données liées à la santé (intitulé de certains établissements)

Conclusion

  • BE1D s’inscrit dans le contexte idéologique de détection précoce des délinquants, et du risque 0.
    Contrôle de toute une population ?
  • Actions citoyennes visant à une application stricte de la loi Informatique et Liberté
  • Fuite en avant : Projet FAERE, reconstitution de parcours scolaires avec géolocalisation des élèves,
    Interconnexion des fichiers pour repérage des « décrocheurs » instruction donnée aux préfets, recteurs du 22 avril 2009 , Géolocalisation des élèves
    en retard scolaire – arrêté du 28 janvier 2009 (INSEE)

Pour en savoir plus :

Notes

[1Vincent Fristot est parent d’élèves du premier degré à Grenoble, et membre du Collectif national de résistance à Base Elèves.

Les thèmes évoqués au cours de cette journée d’étude du Creis
 : Fichier Base élèves, biométrie, vote électronique à l’Université.


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