base élèves : la sénatrice Nicole Borvo pose les bonnes questions ... mais où sont les réponses ?


article de la rubrique Big Brother > base élèves, non !
date de publication : mercredi 23 septembre 2009
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C’est Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État chargée de l’outre-mer qui a répondu le 22 septembre à la question orale que Nicole Borvo Cohen-Seat, sénatrice de Paris, présidente du groupe CRC-SPG, avait adressée au ministre de l’Education nationale à propos du fichier « Base élèves ».

Le Collectif national de résistance à base élèves (CNRBE) exprime sa déception devant l’absence de véritables réponses aux questions posées. A la suite du communiqué du CNRBE que nous reprenons ci-dessous, vous trouverez le compte-rendu des échanges entre la sénatrice et la secrétaire d’État, qui se sont déroulés au Sénat, au cours de la matinée du 22 septembre 2009.


Communiqué du CNRBE [1]

La sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat pose les bonnes questions, où sont les réponses ?

Le CNRBE salue l’initiative de Nicole Borvo Cohen-Seat, sénatrice de Paris, qui a interpellé oralement Luc Chatel, ministre de l’Education Nationale sur le dossier Base élèves, ce mardi 22 septembre au Sénat. M. le ministre n’est pas venu répondre devant la représentation nationale et a chargé la Secrétaire d’État à l’Outre-Mer, Marie-Luce Penchard de répondre à sa place.

Nicole Borvo Cohen-Seat a situé sa question dans l’actualité en faisant le lien avec la suppression annoncée de la défenseure des enfants et a demandé au ministre quelles suites il entend donner aux observations et recommandations du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies parues le 11 juin dernier, que la France se doit de respecter [2].

Le CNRBE rappelle sa demande, adressée à Nicolas Sarkozy [3] et Luc Chatel, d’annulation des sanctions concernant 4 enseignants : Jean-Yves Le Gall dans l’Isère (muté d’office le 29 mai), Isabelle Huchard et Bastien Cazals dans l’Hérault (retrait de poste de direction, le 27 août) et François de Lillo dans l’Ariège, muté d’office le 31 août.

Malheureusement, la réponse de Mme la Secrétaire d’État chargée de l’Outre-Mer Marie-Luce Penchard est dans la même ligne que celle de Luc Chatel publiée le 01/09/2009 [4]. Elle n’apporte aucun élément nouveau et n’évoque pas l’INE, se contentant de présenter la mise en place de Base élèves comme un succès et un allégement significatif du travail des directeurs.

Une fois de plus, le ministère ne répond pas aux questions posées, ignore les recommandations du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies et persiste dans son refus de prendre en compte l’existence de la Base Nationale des Identifiants Elèves (BNIE), conçue pour conserver les données nominatives de tous élèves pendant 35 ans.

Le 22 septembre 2009.

Le Collectif National de Résistance à Base Elèves


Question orale sans débat concernant le fichier « Base élèves » [5]

Sénat, 22 septembre 2009.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 606, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, sur le fichier « Base élèves premier degré » et surtout sur les observations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU relatives à la situation en France, rendues publiques le 11 juin dernier.

Constatant notamment que les objectifs et l’utilité de ce fichier ne sont pas clairement définis, le Comité se dit « préoccupé par le fait que cette base de données puisse être utilisée à d’autres fins, telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière, et par l’insuffisance des dispositions légales propres à prévenir son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations. » Par ailleurs, il a noté « avec préoccupation que les parents ne peuvent pas s’opposer à l’enregistrement de leurs enfants dans cette base de données, n’en sont souvent pas informés, et pourraient avoir des réticences à scolariser leurs enfants ».

En outre, « rappelant les recommandations formulées par le Comité des droits de l’homme […], le Comité engage instamment l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour garantir que la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles sont compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la Convention [relative aux droits de l’enfant] ».

Plus généralement, « le Comité recommande en outre à l’État partie de ne saisir dans les bases de données que des renseignements personnels anonymes et de légiférer sur l’utilisation des données collectées en vue de prévenir une utilisation abusive des informations ».

Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir m’indiquer les suites que le ministre de l’éducation nationale et le Gouvernement entendent donner à ces recommandations. Au vu des éléments relevés par l’avis du Comité des droits de l’enfant, il serait, me semble-t-il, cohérent que les sanctions prises par les rectorats à l’encontre de ceux qui se sont opposés à ce fichier soient levées.

Enfin, pourriez-vous m’éclairer sur les raisons pour lesquelles les écoles privées catholiques sous contrat ont été autorisées, en septembre 2008, à créer leur propre fichier des écoles et leur propre base des « identifiants élèves », respectivement dénommés BASEC et INEC ?

Mme Nathalie Goulet. Bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État chargée de l’outre-mer. Madame la sénatrice, vous interrogez M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, et le Gouvernement à la fois sur les objectifs et la fiabilité du fichier « Base élèves premier degré ». Je tiens à vous rassurer sur ces deux points.

Le principe de ce fichier est simple : il s’agit d’une application informatique, mise à la disposition des directeurs d’école et des maires, pour faciliter la gestion des élèves et assurer ainsi un suivi efficace et simple des élèves du premier degré sur le plan tant administratif que pédagogique.

Vous le savez, ces procédures étaient auparavant assurées par les municipalités, par les académies ou par les écoles elles-mêmes, sans présenter toutes les garanties de sécurité technique et juridique.

Aujourd’hui, la modernisation de l’application constitue une véritable avancée en matière d’équité de traitement des territoires.

En effet, le fichier « Base élèves premier degré » a permis d’alléger significativement le travail de préparation de rentrée des directeurs d’école et de rendre ces derniers plus disponibles pour les parents d’élèves. Si des résistances se sont manifestées lors de la mise en place de ce nouvel outil de performance, elles n’ont pas été très nombreuses.

En cette rentrée 2009, plus de 90 % des écoles fonctionnent avec ce fichier ; ce succès est incontestablement dû à l’engagement des directeurs d’école, qui ont par ailleurs reçu une formation approfondie pour son utilisation.

Sur la fiabilité du système, il convient de préciser que l’application est en tout point conforme à la législation en vigueur, puisqu’elle a fait l’objet de l’ensemble des procédures de déclaration prévues par la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La nature des données y figurant ainsi que leurs destinataires sont connus de tous.

De plus, le ministère de l’éducation nationale s’est engagé à ce que le fichier ne puisse faire l’objet d’aucune interconnexion avec toute autre application gérée par un autre ministère ou un organisme public. Une notice d’information a été remise à la rentrée aux parents d’élèves, mentionnant leurs droits d’accès et de modification.

Par ailleurs, je voudrais souligner que toutes les informations qui n’étaient pas strictement nécessaires à la gestion des effectifs des élèves ont été retirées de la liste de données, notamment la nationalité ou l’origine ethnique des élèves et de leurs parents.

Mme Nathalie Goulet. Heureusement !

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État. Sont dorénavant recensées les seules informations concernant les coordonnées de l’élève, ainsi que celles des responsables légaux de l’enfant.

Les données liées à la scolarité de l’élève ne portent que sur des champs restreints : classe, date d’inscription, d’admission ou de radiation. Enfin, la durée de conservation des données est limitée à la scolarité de l’élève dans le premier degré.

Madame la sénatrice, comme vous pouvez le constater, l’opposition à ce fichier n’est donc pas fondée.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la secrétaire d’État, je ne suis pas totalement satisfaite : vous n’avez répondu ni sur les sanctions ni sur les écoles privées catholiques.

Les termes « gestion » et « pilotage » du premier degré que vous avez employés au sujet des données recueillies ne permettent pas de définir avec précision la finalité du traitement, contrairement à ce que requiert l’article 6, 2°, de la loi Informatique et libertés.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel dossier est entouré d’un flou artistique. L’ensemble de ces questions mériteraient d’autant plus un débat parlementaire que, avec « Base élèves », se met en place un système qui semble en contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant.

Je vous ai entendue préciser que les données concernant, notamment, la nationalité ont été retirées de la base. La précision est intéressante : je ne savais pas que des données de ce type figuraient dans le fichier ! Sans doute cette décision ponctuelle a-t-elle été prise pour tenir compte des critiques émanant du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, mais cela n’enlève rien au caractère aberrant de l’ensemble !

Je précise, en outre, que la donnée servant d’identifiant contenue dans ce fichier peut être utilisée pendant trente-cinq ans. Du fait de l’absence totale d’évocation de la Base nationale des identifiants élèves, il sera donc possible de conserver les données relatives à un élève depuis longtemps devenu adulte. On peut tout de même se poser des questions…

Alors que la Défenseure des enfants disparaît de notre paysage institutionnel, on est en droit de s’interroger, car ses différentes prestations sont toutes très utiles. Comment faut-il interpréter le fait que la France ne juge plus indispensable d’être dotée d’une instance chargée de veiller au respect des droits de l’enfant ? C’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.

Je souhaite, pour conclure sur une partie de la question à laquelle vous ne m’avez pas répondu, la levée des sanctions prononcées à l’encontre de ceux qui ont manifesté des craintes justifiées sur ce fichier.

Notes

[1Voir également sur le site du CNRBE : http://retraitbaseeleves.wordpress.....

[2Observations finales du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies :
http://www2.ohchr.org/english/bodie....

[3Voir cette page.

[4Voir les analyses de cette réponse sur le site LDH-Toulon et sur celui du CNRBE.

[5Source : le compte-rendu intégral des débats, sur le site du Sénat.


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