ce fichage que des enseignants continuent à refuser


article de la rubrique Big Brother > base élèves, non !
date de publication : lundi 12 avril 2010
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Le “puçage” des animaux domestiques – implantation sous-cutanée d’une puce électronique RFID – est obligatoire. Il le sera bientôt pour les animaux d’élevage [1]. On a commencé à “pucer” des humains (pédophiles, malades ... ). Comment ne pas redouter que l’on en vienne un jour prochain à implanter à chaque enfant une puce sous-cutanée contenant les informations essentielles le concernant ?

Nous n’en sommes pas encore là... mais la mise en place de “Base élèves 1er degré” et de la “Base nationale des identifiants élèves” (BNIE) qui l’accompagne [2] pose la question du respect des droits de l’enfant.

Des enseignants refusent ce fichage. Ils sont sanctionnés par leur administration...


“Base élève”, le fichier qui rend les profs indisciplinés

par Anna Topaloff, Marianne2.fr, 11 avril 2010


Le 30 mars dernier, deux directeurs d’école primaire ont été démis de leur fonction pour avoir refusé de remplir le fichier « Base Elève » [3]. Appartenant au mouvement de « Désobéissance civile », très en vogue à l’Education Nationale, ils font jouer « l’objection de conscience » au nom de leur « devoir de protection des élèves ». Concrètement, que reprochent-ils à ce registre compilant des informations sur tous les enfants dès leur entrée au CP ?

Expérimenté dans certaines académies depuis 2005, il est censé permettre la gestion administrative et le suivi pédagogique des élèves. Louable intention qui répond à une exigence de partage des informations entre les différents acteurs qui interviennent dans la scolarité des élèves : les directeurs d’école remplissent donc ce fichier qu’ils transmettent aux maires (au titre, notamment, de son rôle de contrôleur de l’obligation scolaire) et au ministère.

En 2008, Xavier Darcos, le ministre de l’Education Nationale avait lui-même qualifié ce fichier de « liberticide » [4]. Il faut dire qu’à l’origine, il comportait des données pour le moins sensibles : la religion pratiquée par l’enfant, le pays d’origine de ses parents ou la langue parlée au domicile. Autant d’informations permettant de dresser le profil « ethnique » des élèves. Et, surtout, d’apporter des informations susceptibles de localiser les familles sans-papiers. Sous l’impulsion du ministre, un texte expurgé de ses éléments les plus controversés a donc été publié en octobre 2008 et mis en application à la rentrée scolaire 2009. Mais cette nouvelle version continue de susciter des inquiétudes tant du côté des fonctionnaires de l’Education Nationale, que des parents d’élèves, des associations de défense des Droits de l’Homme et même de… l’ONU ! En France, l’autorité française chargée de veiller au respect de la vie privée en matière de fichier informatique, la CNIL, n’a rien trouvé à redire. Contactée par Marianne2.fr, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés n’a pas souhaité y revenir. Pourtant, en juin dernier, le comité des Droits de l’Enfant de l’ONU, lui, a vivement rappelé la France à l’ordre [5]. Près d’un an plus tard, ni le gouvernement, ni le nouveau ministre ne lui ont répondu…

Pour ses détracteurs, la nouvelle version de « Base Elève » n’a pas évacué la question de la localisation des familles sans-papiers. « Le lieu de naissance des parents à été supprimé mais pas celui de l’élève, ce qui ne change pas grand-chose. Un enfant né au Congo, par exemple, a plus de chance de vivre avec des parents sans-papiers que celui né à l’hôpital du coin…Et comme l’adresse où vit l’enfant est inscrite, il suffit à la Police Municipale d’aller vérifier », explique Jean-Claude Vitran, président du groupe de travail sur les libertés et les techniques de l’information et de la communication au sein de la Ligue des Droits de l’Homme. Il est somme toute logique qu’un directeur d’école primaire connaisse le lieu de naissance et l’adresse des élèves qui fréquentent son établissement. Même Claude Didier, le directeur qui vient d’être sanctionné, en convient. Ce qui l’inquiète, c’est que ces données soient transmises à la Mairie et « au Ministère de l’Education Nationale qui pourrait les faire parvenir au Ministère de l’Immigration et, du coup, faire de moi un collaborateur de la chasse aux sans-papiers ». [6]

La mise à disposition de ce registre à d’autres services, c’est justement ce qui alarme le comité des Droits de l’Enfant de l’ONU. En juin 2009, il pointait « l’insuffisance des garde-fous légaux empêchant son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations » et s’interrogeait sur son utilisation pour « la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière » [5]. À la LDH, on imagine déjà les « discriminations » dont pourraient être victimes « les chômeurs, les anciens prisonniers et les Français aux noms étrangers » si ces informations tombaient dans les mains des autorités policières, judiciaires ou sociales. Car, grâce à « Base Elève », on peut savoir la profession des parents, leur lieu d’habitation et leur nom… Le livret scolaire de l’élève (ses absences, ses notes et ses avertissements) est aussi intégré au registre qui, mis entre les mains d’employeurs, obligera le futur candidat à l’embauche à justifier une adolescence indisciplinée : « et ce pendant 35 ans ! », s’insurge Claude Didier, le directeur « désobéissant ».

Au fond, toutes ces polémiques pourraient être balayées par la décision du Ministère de l’Education Nationale de rendre de registre anonyme. Même les opposants les plus virulents à « Base Elève » reconnaissent l’utilité d’un recensement des parcours scolaires ou des situations sociales des jeunes scolarisés en France : « cela pourrait être instructif de savoir combien d’élèves de CM2 mangent à la cantine grâce aux services sociaux où combien d’élève de 3e disposent d’un bureau au calme pour faire leurs devoirs Mais quel est l’intérêt de connaître leur nom ? », s’interroge Jean-Claude Vitran.
On aurait aimé poser cette question à la CNIL.

Anna Topaloff



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