base élèves : lettre ouverte du CNRBE et questions écrites au ministre de l’Education nationale


article de la rubrique Big Brother > base élèves, non !
date de publication : vendredi 17 juillet 2009
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Luc Chatel ayant succédé le 23 juin à Xavier Darcos à la tête du ministère de l’Education nationale, le Collectif National de Résistance à Base Elèves a adressé une lettre ouverte au nouveau ministre. Quelques jours plus tard était publiée la réponse du ministre aux questions écrites adressées au ministère de l’Education nationale par quatre sénateurs au sujet de Base élèves.

Nous reprenons ces documents.

[Première mise en ligne le 30 juin, revue et complétée le 17 juillet 2009]



Lettre ouverte du Collectif National de Résistance à Base Elèves
 [u]

Monsieur le Ministre de l’Education Nationale,

Vous avez la charge du dossier Base élèves 1er degré en cours d’installation, fortement contesté par des parents, enseignants, simples citoyens, syndicats, élus, associations.

Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a rendu publiques ses conclusions le 11 juin 2009.
Ses recommandations s’appuient sur la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, texte de droit international ratifié par la France et qui s’impose donc à notre ordre juridique interne.

Le Comité recommande que seules des données anonymes soient entrées dans des bases de données et que l’utilisation des données collectées soit régulée par la loi de manière à en prévenir un usage abusif. Le Comité souligne de nombreuses préoccupations concernant Base Elèves.

C’est pourquoi nous vous demandons :

  • de renoncer au recueil et au traitement centralisé de données personnelles contenues
    dans Base élèves 1er degré, dans Sconet (son équivalent pour le second degré), et dans
    tout autre fichier centralisé du même ordre ;
  • de renoncer à la base nationale des identifiants élèves (BNIE), qui permet de multiples
    interconnexions actuelles et futures avec d’autres bases administratives ;
  • de retirer toutes les sanctions prises contre les directeurs d’école qui n’ont pas mis en
    oeuvre « Base Elèves premier degré ».

Nul ne comprendrait que des enseignants soient sanctionnés pour avoir agi de manière
conforme, et qui plus est par anticipation, aux recommandations du Comité des droits de
l’enfant de l’ONU.

Le CNRBE rappelle sa demande d’une vraie protection des données relatives aux enfants et à leurs proches recueillies dans le cadre de leur scolarité : aucune donnée nominative ne doit sortir des établissements.

Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en notre attachement à la défense des droits et de l’intérêt
supérieur de l’enfant.

Le 30 juin 2009

Le Collectif National de Résistance à Base Elèves


Voici les quatre questions écrites adressées au ministère de l’Education nationale, auquel le nouveau ministre Luc Chatel a répondu le 2 juillet 2009 :

Question écrite de Robert Tropeano (Hérault) (Publiée le 28 mai 2009) [1]

Utilisation du fichier informatisé « base-élèves »

M. Robert Tropeano attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur les inquiétudes suscitées par la mise en place du fichier informatisé « base-élèves » dans le premier degré de l’éducation nationale. Enseignants, associations de parents d’élèves et citoyens regrettent l’absence de concertation préalable sur le sujet. En effet, l’extension de ce fichier à utilité « statistique » aux élèves de moins de six ans, âge légal de la scolarité, interroge. De même, son caractère anonyme semble être remis en cause par la référence à un numéro d’identifiant national qui suivra l’élève jusqu’à sa sortie du système éducatif et dont les informations seront conservées longtemps après. Il souhaite en conséquence connaître les limites que fixe le Gouvernement à l’utilisation de ce fichier.

_________________________

Question écrite d’Alain Fauconnier (Aveyron) (Publiée le 21 mai 2009) [2]

Fichier informatique "Base élèves 1er degré"

M. Alain Fauconnier attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur les légitimes inquiétudes que suscite le traitement du fichier informatique "Base élèves 1er degré". Il apparaît en effet que les données collectées dans cette base alimentent le traitement de la base nationale des indentifiants élèves (BNIE) avec conservation de l’état civil de l’élève et son parcours scolaire pendant 35 ans, ce qui est totalement contraire à ce qui a été déclaré lors de la création de la "Base élèves 1er degré". En outre, le ministère de l’éducation nationale n’a pas assuré l’information des enfants, des parents et des proches concernés par l’application "Base élèves". De nombreux parents, en conséquence, refusent de transmettre les informations concernant leurs enfants aux directeurs d’établissements scolaires qui, de ce fait, se voient sanctionnés par les inspecteurs pour ne pas avoir renseigné la base. Conscient des difficultés qu’occasionne cette situation, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu’il compte prendre pour préserver le droit au respect de la vie privée des élèves.

_________________________

Question écrite de Michel Teston (Ardèche) (Publiée le 16 avril 2009) [3]

Fichier informatique "Base élèves"

M. Michel Teston appelle l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur les vives inquiétudes que suscite la mise en œuvre généralisée du fichier informatique « Base élèves 1er degré ». Si la décision de retirer certaines données relatives notamment à la catégorie sociale des parents, à la nationalité ou à l’origine ethnique des enfants a été accueillie avec satisfaction, la collecte et le stockage d’informations personnelles sur de jeunes élèves demeurent préoccupants.

Tout d’abord, bien que la CNIL, dans sa recommandation du 10 avril 2008, ait rappelé que l’inscription scolaire n’est obligatoire que pour les enfants de 6 à 16 ans, le fichier intègre, sans aucune justification, ceux âgés de moins de 6 ans. De même, alors que le fichier « Base élèves 1er degré » est censé revêtir un caractère anonyme au-delà du niveau académique, chaque élève se verra attribuer un numéro unique qui le suivra jusqu’à sa sortie du système éducatif. Cet identifiant doit permettre la constitution de la Base nationale des identifiants élèves (BNIE) dont la conservation des données a été fixée à 35 ans. En outre, aucune concertation préalable à la mise en œuvre du fichier n’a été menée avec les parents d’élèves et les enseignants. De nombreux parents refusent de transmettre les informations concernant leur enfant aux directeurs d’établissements scolaires qui se voient sanctionner par les inspecteurs d’académie pour ne pas avoir renseigné la base. Enfin, il n’existe aucune garantie quant à l’usage qui, à terme, pourrait être fait du fichier.

Le Comité des droits de l’enfant, organisme de l’ONU, a, à cet égard, interpellé l’État français : « A quelle mission de service public servira le stockage au niveau national de données nominatives et indiquez les raisons pour lesquelles le droit d’opposition prévu par la loi ne s’applique pas à ce dispositif. Veuillez également informer le Comité des conséquences éventuelles que pourrait entraîner le refus des parents de fournir les informations requises sur leurs enfants ».

Aussi, il lui demande, d’une part, de l’informer de la réponse de la France au Comité des droits de l’enfant et, d’autre part, de lui indiquer les mesures qui seront prises pour préserver le droit au respect de la vie privée des élèves.

_________________________

Question écrite de Nicole Borvo (Paris) (publiée le 27 novembre 2008) [4]

Mise en oeuvre de la base nationale des identifiants élèves

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur l’application de l’arrêté du 20 octobre 2008 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au pilotage et à la gestion des élèves de l’enseignement du premier degré.

Cet arrêté intervient après que de nombreux citoyens se sont mobilisés contre les dangers du fichier « Base Élèves ». A ce sujet ne serait-il pas cohérent que soient retirées les sanctions prises par les rectorats à l’encontre de ceux qui se sont opposés à « Base Élèves » et auxquels le ministère vient de donner raison par la publication de l’arrêté du 20 octobre 2008 ? Par ailleurs, ne serait-il pas souhaitable que le ministère de l’éducation nationale reçoive rapidement les organisations associatives et syndicales concernées pour donner toutes les garanties nécessaires quant à l’utilisation éthique des technologies de l’information et de la communication conforme à la fois aux besoins du service public et à la garantie des droits des élèves et de leurs familles, y compris en ce qui concerne la mise en œuvre de la base nationale des identifiants élèves.

Voici la réponse faite par le ministre à la question d’Alain Fauconnier – elle a été publiée le 2 juillet 2009, page 1693 du Journal officiel du Sénat  [5].

Réponse du Ministère de l’éducation nationale

L’arrêté pris par le ministre de l’éducation nationale en date du 20 octobre 2008, publié au Journal officiel du 1er novembre 2008, précise les finalités et le contenu de l’application informatique « Base élèves 1er degré ». Cette application est une aide à la gestion des élèves du premier degré et n’est utilisée que par les acteurs locaux : directeurs d’école, inspecteurs de l’éducation nationale chargés de circonscription et inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale. Les maires, à leur demande, peuvent également utiliser cette application, dans la limite de leurs attributions, notamment pour l’inscription scolaire. Cet outil facilite le travail administratif des directeurs d’école et leur permet d’éditer les différentes listes d’élèves dont ils ont besoin, sans ressaisie, ni perte de temps. Le calcul des effectifs de l’école est également automatisé, ce qui évite le recours à des enquêtes lourdes et fastidieuses. Le numéro associé à l’élève est strictement interne à l’éducation nationale et permet de garantir le comptage exact des effectifs d’élèves (pas de doublons entre écoles). La durée de conservation des données personnelles contenues dans cette application n’excède pas la fin de la scolarité de l’élève dans le premier degré et non trente-cinq ans comme l’affirme l’honorable parlementaire. Cette application de gestion n’est pas un fichier unique puisque les données sont réparties dans trente bases, une pour chaque académie, et ses utilisateurs n’accèdent qu’aux données des élèves dont ils sont responsables (école, circonscription, département). L’administration centrale et les rectorats n’ont pas de droit d’accès à l’application « Base élèves 1er degré ». Ils ne reçoivent que des données statistiques anonymes, pour le constat de rentrée et la prévision des effectifs. Il n’y a pas d’interconnexion avec d’autres systèmes d’information de l’état ayant d’autres finalités (police, immigration, santé...), conformément à la déclaration déposée auprès de la CNIL.

P.-S.

Des députés ont également adressé des questions écrites au ministère de l’Education nationale à propos de Base élèves [6].

Nous reprenons la lettre, adressée au collectif du Lot de résistance à Base élèves, par Dominique Orliac, députée du Lot et conseillère générale de Cahors :

Dans un courrier du 25 juin dernier, vous me faites part de vos inquiétudes relatives à la « Base Elèves » et m’informez du dépôt d’une quarantaine de plainte le mercredi 1er juillet, ce dont je vous remercie vivement.

C’est avec un intérêt tout particulier que j’en ai pris connaissance, tant la question que vous soulevez comporte des enjeux cruciaux en terme de garantie des droits individuels. Le système que vous évoquez, et contre lequel votre Collectif mène un combat admirable, constitue une atteinte sans précédent à la vie privée des enfants et de leurs familles. S’il peut sembler, au premier abord, opportun d’utiliser un tel outil informatique pour faciliter la gestion administrative, il ne fait nul doute que cette « Base Elèves », telle qu’elle est mise en oeuvre et utilisée, constitue un grave danger. En effet, ce fichier, présenté comme permettant d’établir un suivi statistique des effectifs d’élèves, un pilotage et un suivi des parcours scolaires des élèves, nous fait craindre des dérives inacceptables, telles qu’une atteinte indéniable à la vie privée des familles et une discrimination par le biais de collecte d’un certain nombre de données qui relèvent purement du domaine personnel et confidentiel.

Si certaines informations sont pour l’heure facultatives, je nourris, tout comme vous, de vives inquiétudes quant à l’usage qui, à terme, pourrait être fait de cette « Base Elèves ». En effet, un éventuel détournement des données n’est pas à exclure. Rien ne semble garantir la confidentialité des fichiers dont les usages ultérieurs pourraient fortement inquiéter les citoyens qui sont attachés aux libertés individuelles et aux valeurs républicaines. Sans compter que la généralisation de ce système met les directeurs d’établissement et les enseignants face à un cas de conscience intolérable.

Aussi, nous devons faire preuve d’une extrême vigilance et je ne peux que soutenir votre point de vue sur le sujet, dans la mesure où le gouvernement n’a, pour l’heure, adopté aucune garantie substantielle pour préserver les droits individuels des élèves et notamment leur droit au respect de la vie privée. J’avais d’ailleurs interpellé Xavier DARCOS, alors Ministre de l’Education Nationale, en juin 2008, lui demandant de renoncer à son projet, dans un souci de préservation des droits fondamentaux qu’il mettait gravement en péril, et ce, dans le respect des valeurs républicaines.

D’autres parlementaires ont également dénoncé ces atteintes, mais, pour l’heure, le gouvernement n’entend pas reculer. C’est pourquoi, je veux vous assurer que je reste plus vigilante que jamais sur cette problématique aussi sensible que fondamentale.

Cahors, le 29 juin 2009

Dominique Orliac


Notes

[uRéférences  :

  • les Observations finales du Comité des droits de l’enfant sur la France du 11 Juin 2009, et notamment les articles 20, 21, 50, 51, et l’article 6. Original en anglais : CRC/C/FRA/CO/4

Contacts :

mail : base-eleves@orange.fr
téléphone : 02 96 20 39 60 ; 05 65 49 20 11
postal : CNRBE , Le Py, 12400 Montlaur

[5Alain Fauconnier et Michel Teston ont reçu exactement la même réponse (“copier-coller”) ; en revanche, Nicole Borvo et Robert Tropeano ont reçu cette même réponse amputée de « et non trente-cinq ans comme l’affirme l’honorable parlementaire ».

[6Des questions écrites adressées par des députés : http://blog.dalloz.fr/blogdalloz/fi....


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