menaces sur l’aide juridictionnelle


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date de publication : lundi 26 octobre 2015
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Le dernier projet du gouvernement dans le domaine de la justice est une refonte des montants de l’indemnisation des avocats qui acceptent d’intervenir au titre de l’aide juridictionnelle. La LDH a condamné cette réforme l’estimant "dangereuse".

Près de cent cinquante avocats du barreau de Toulon ont manifesté leur colère, ce lundi après-midi, sur les marches du palais de justice, à propos de cette réforme.

A l’unanimité, les avocats du barreau de Toulon s’associent à la grève nationale générale (ils se présentent aux audiences en sollicitant le renvoi des affaires). Ce mouvement concerne toutes les audiences sans exception, les désignations (secteur assisté et secteur libre) et les permanences gratuites jusqu’à mercredi.
Les professionnels varois s’associent à toute nouvelle action qui serait décidée par le Conseil national des barreaux ou la conférence des bâtonniers à compter du 28 octobre [1].


les avocats du barreau de Toulon manifestent leur colère (Photo V-M)

De nombreuses associations apportent leur soutien au combat des avocats. Une tribune collective publiée par LeMonde.fr témoigne du soutien que de nombreuses associations — dont la Ligue des droits de l’Homme — apportent à ce combat des avocats.

Aide juridictionnelle : « Une justice pour tous au nom de la démocratie !

Tribune publiée dans Le Monde.fr le 24 octobre 2015


Qu’est-ce qu’un avocat sinon celui qui défend tout individu sans distinction, quelles que soient sa fortune ou ses origines ? L’aide juridictionnelle est le moyen pour tous d’accéder à la justice, à la même justice pour tous. C’est le principe fondamental de l’égalité et de l’égalité des armes devant le juge.

Alors que le besoin de justice n’a jamais été aussi grand, compte tenu notamment de la crise économique qui fragilise les plus faibles, majeurs ou mineurs, et de la complexité du droit, le budget de la justice en France demeure cependant un des plus faibles d’Europe, le plaçant au 37e rang sur 43 pays européens, derrière l’Azerbaïdjan ou l’Arménie.

S’attaquer à l’aide juridictionnelle, c’est s’attaquer à la fonction essentielle de la justice, à savoir rétablir l’égalité des armes entre les parties. La garde des sceaux s’était présentée à la Convention nationale des avocats de Montpellier le 30 octobre 2014 comme celle qui oserait s’attaquer à la réforme de l’aide juridictionnelle, système à bout de souffle, et s’engageait à en doubler le budget.

Les plus faibles privés de justice

Pourtant ce gouvernement n’a de cesse de se désengager du financement de ses missions de service public :
- Il multiplie les obstacles entre le justiciable et le juge pour réaliser des économies en réduisant la place des juridictions.
- Il refuse toute forme de rémunération aux avocats spécialisés dans la défense des particuliers et des mineurs qui acceptent d’intervenir au titre de l’aide juridictionnelle, et les contraint de travailler à perte au nom de leur serment.
- Il prévoit de diminuer encore leur indemnisation dont le caractère dérisoire est unanimement reconnu et particulièrement pour les contentieux de masse et qui concerne les classes populaires : litiges locatifs (en référé – 62,5 % et au fond – 23,5 %), procédures prud’homales (en référé – 41,66 % et au fond – 15 %), divorces (– 11,71 % en moyenne) et autres affaires familiales (–13,33 %).

Que l’on ne s’y trompe pas : une justice de qualité pour tous, à laquelle nous sommes tous attachés, a nécessairement un coût. Si le gouvernement n’entend plus l’assumer, ce sont les justiciables les plus faibles qui seront privés de la possibilité d’avoir accès à un avocat pour faire valoir leurs droits. Or, une société sans avocat est une société sans défense, une société sans défense est une société sans justice et une société sans justice n’est plus une démocratie.

Dans l’intérêt des justiciables, des précaires, des exclus et des mineurs, nous appelons le gouvernement à retirer cette réforme qui casse la politique d’accès aux droits pour tous et proposer, enfin, une vraie réforme de l’aide juridictionnelle.

Signataires


Delphine Boesel, présidente de l’Observatoire international des prisons, SF
Florian Borg, président du Syndicat des avocats de France,
Christophe Caron, Natacha Grelot et Carlos Lopez, secrétaires nationaux du SNPES-PJJ-FSU,
Françoise Dumont, présidente de la Ligue des droits de l’Homme,
Chantal Gauthier, présidente du Mouvement national des chômeurs et précaires,
Françoise Martres, présidente du Syndicat de la magistrature,
Gabrielle Ripplinger, présidente du Genepi,
l’association Droit au logement.

La LDH avait publié, dès le 10 septembre 2015, le communiqué suivant :

RÉFORME DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE, UN PROJET DANGEREUX

Communiqué LDH

Un projet de refonte des barèmes de l’aide juridictionnelle communiqué par le ministère de la Justice inquiète à juste titre les professionnels du droit – et au-delà tous ceux qui défendent les droits fondamentaux.

Le droit de saisir le tribunal pour faire valoir ses droits, le droit à un avocat dignement rémunéré pour assurer une défense aux publics économiquement fragiles méritent mieux que les barèmes proposés, qui vont se traduire par des baisses d’indemnisationpour les avocats dans des domaines essentiels : devant les tribunaux d’instance où se débat au quotidien le droit du logement, les conseils de prud’hommes ou les juges aux affaires familiales !

La LDH demande à ce qu’aucune baisse d’indemnisations ne puisse intervenir, appelle à rediscuter le projet soumis et soutiendra les mobilisations à venir.

Paris, le 10 septembre 2015

Notes

[1Information publiée le lundi 26 octobre 2015 à 15h55 sur le site web de Var Matin.


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