HRW critique la mise en oeuvre des procédures d’éloignement dans le cadre de la lutte antiterroriste


article de la rubrique justice - police > justice
date de publication : jeudi 7 juin 2007
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Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’éloignement du territoire national est l’un des moyens auquel les autorités françaises ont recours ; il a été utilisé contre plus de 70 personnes, dont 15 prêcheurs radicaux musulmans. L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch a publié mercredi 6 juin un rapport très critique sur cette politique préventive.

« La France a le droit d’éloigner des ressortissants étrangers qui menacent la sécurité nationale, à condition de respecter les droits humains dans la procédure. Mais comme le montre la décision récente du Comité des Nations Unies contre la torture, les garanties de la France dans ces cas ne sont pas satisfaisantes. »

Les différentes parties du rapport sont téléchargeables à parti de la page http://hrw.org/french/reports/2007/....


Terrorisme : la mise en oeuvre des procédures d’éloignement critiquée

par Piotr Smolar, Le Monde daté du 7 juin 2007

L’éloignement du territoire national est un des outils aux mains des services antiterroristes français. Employé contre plus de 70 personnes, dont 15 prêcheurs radicaux musulmans, depuis les attentats du 11 septembre 2001, il fait l’objet d’un rapport très critique de Human Rights Watch, rendu public mercredi 6 juin. L’organisation de défense des droits de l’homme s’alarme des « garanties insuffisantes » qu’assure cette politique préventive.

L’éloignement repose sur deux mécanismes. Le premier est l’interdiction du territoire, prononcé par un tribunal en complément d’une condamnation pénale. Il vise souvent des activistes islamistes pris dans les larges mailles juridiques de l’« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».

Le deuxième est l’expulsion administrative, décidée par arrêté ministériel. Elle concerne des prêcheurs radicaux et peut faire l’objet d’un recours — non suspensif — devant un tribunal administratif.

La justification de l’expulsion par des notes de renseignement parfois douteuses est contestée. HRW s’inquiète du fait que « les critères minima » acceptés « peuvent aboutir à des expulsions basées sur des informations non vérifiables, difficiles à réfuter ». Pour l’organisation, « l’expulsion d’imams accusés de prêcher la haine équivaut à une ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d’expression ».

Human Rights Watch s’émeut du renvoi d’étrangers vers des pays, tel l’Algérie, qui sont connus pour « des dispositions insuffisantes en matière de procès équitable et un piètre bilan sur le plan de la torture ». Le 11 mai, le comité des Nations unies contre la torture a condamné la France après l’expulsion, en août 2006, vers la Tunisie, d’Adel Tebourski - impliqué dans l’enquête sur l’assassinat de Massoud —, pour ne pas avoir tenu compte du risque de violences auquel il était ainsi exposé.

« Le danger majeur est que, dans leur précipitation à procéder à l’éloignement, les autorités renvoient des personnes vers des pays où elles risquent d’être torturées ou soumises à des traitements cruels, inhumains ou dégradants », note le rapport. Le ministère de l’intérieur peut accélérer les délais, en invoquant « l’urgence absolue » d’une expulsion. Il le fait d’autant plus qu’existe un « consensus national » pour expulser les radicaux, quitte à négliger le droit à la vie familiale et privée, souvent violé selon HRW.

L’organisation cite l’exemple de Samir Korchi, un Marocain de 32 ans condamné en décembre 2004 à quatre ans de prison pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Le 28 février 2005, six semaines avant sa libération, il a été visé par un arrêté préfectoral d’expulsion. Puis, deux jours avant la sortie, le ministère de l’intérieur a signé à son tour un arrêté, invoquant l’urgence absolue et court-circuitant ainsi tout recours. Le 14 avril, M. Korchi était placé en centre de rétention puis expulsé.

S’inquiétant de l’impact négatif de cette politique chez les musulmans, le HRW avance des propositions. Il faudrait « clarifier la matérialité et le degré d’intensité de la menace » avant de décider d’une expulsion ; permettre à toute personne faisant l’objet d’un éloignement du territoire d’y demeurer jusqu’à l’extinction des voies de recours liées, dans son pays d’origine, au risque de torture ou de mauvais traitement ; utiliser plus souvent la voie alternative qu’est l’arrêté d’assignation à résidence.

Piotr Smolar

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