Henri Leclerc : l’émotion est trop grande ... mais il nous faut savoir garder raison


article de la rubrique justice - police > justice
date de publication : mercredi 17 mai 2006
version imprimable : imprimer


Après l’assassinat et le viol du petit Mathias.


Un suspect a été mis en examen pour l’enlèvement, l’assassinat et le viol du petit garçon de quatre ans la semaine dernière.

Interpellé vendredi 12 mai et placé en garde à vue, cet homme, décrit comme un marginal, a reconnu ce week-end l’ensemble des faits. Mis en examen pour « meurtre précédé d’un viol sur mineur de moins de quinze ans », il a été écroué. Son casier judiciaire est « officiellement » vierge, mais l’homme présenterait un « passé litigieux » en matière de moeurs, a indiqué à l’AFP une source proche de l’enquête.

Lundi 15 mai 2006, nous avons reçu le courriel suivant :

J’habite à Moulins-Engilbert (Nièvre), où un homme, ayant purgé des peines de prison pour délit sexuel sur mineur a bénéficié de deux amnisties, a donc un casier judiciaire aussi blanc que neige, a donc bénéficié d’une liberté totale, et a tué après l’avoir violé, un petit Mathias de 4 ans et demi.

Son papa et sa maman aussi avaient le droit de vivre heureux avec leur petit ange.

Que proposez vous pour ce genre de criminel ? Comment éviter de telles
aberrations ? Si c’était votre enfant ou petit enfant, tiendriez vous le même discours ?

Merci de me répondre.

Nous avons transmis cette demande à Henri Leclerc qui nous a autorisé à publier sa réponse :

Il est toujours très difficile de répondre à ce genre de lettres. L’émotion est trop grande après des crimes qui bouleversent et révoltent chacun de nous mais il nous faut savoir garder raison.

Tout d’abord si cet homme avait été amnistié c’est que les faits pour lesquels il avait été condamné n’étaient pas bien graves puisqu’en général les amnisties ne portent que sur les peines d’amende et les peines inférieures à trois mois de prison (huit mois ou douze mois avec sursis selon les lois) - et encore les infractions sexuelles sur les enfants sont souvent écartées de la loi d’amnistie.

Ensuite je rappelle que ce n’est pas parce que le procureur annonce que cet homme a avoué qu’il est forcément coupable. Il y a en ce domaine, hélas des précédents. Il devra être jugé, conformément à la loi et, jusqu’à sa condamnation, il est présumé innocent. S’il est reconnu coupable il devra être condamné à une peine "en fonction des circonstances et de la personnalité de l’auteur".

Le crime est évidemment atroce et cet homme encourt - si j’ai bien compris ce que rapporte la presse (meurtre d’un enfant de moins de quinze ans précédé de viol)- la "perpétuité réelle" c’est dire une totale impossibilité de sortir avant trente ans quelles que soient les mesures de réduction de peine, et même au bout de trente ans dans des conditions particulièrement complexes.

Nous critiquons d’ailleurs cette peine qui certes nous permet de répondre aux exigences d’une opinion indignée mais dont nul ne peut prétendre qu’elle a une quelconque efficacité pour retenir ceux qui se livrent à de tels actes et qui n’est en définitive qu’un ersatz de la peine de mort.

De tels crimes sont hélas des classiques de l’histoire criminelle (voir le film " le juge et l’assassin " de Bertrand Tavernier). Ils étaient autrefois toujours ou presque suivi d’une exécution de leur auteur. Je n’ai pas le temps de me référer aux statistiques mais je suis certain que leur nombre est sur un courbe descendante au fur et à mesure d’une progression de la socialisation et que l’abrogation de la peine de mort n’a rien changé [1].

Je sais d’expérience que nos réponses qui tiennent le langage de la raison sont rarement bien accueillies. Mais il nous faut convaincre qu’il n’y a pas plus de "monstres" qu’il n’y a de "sous-hommes", et que la réponse de la société, la peine, doit être, comme le dit la Déclaration des droits de l’Homme « strictement et évidemment nécessaire ».

Henri Leclerc

Notes

[1Note de LDH-Toulon

Dans son étude datant de 2002 sur Les homicides - accessible sur Internet : http://classiques.uqac.ca/contempor... - le sociologue Laurent Mucchielli écrit « que les données policières indiquent une stabilité globale des faits enregistrés au cours des trente dernières années. Après avoir crû pour atteindre un maximum au milieu des années quatre-vingt, l’ensemble des homicides, tentatives d’homicides et coups et blessures suivis de mort est retombé en l’an 2000 à un niveau légèrement inférieur à celui qu’ils avaient au début des années soixante-dix. Les statistiques sanitaires (INSERM) offrent le même constat de stabilité sur la période. »


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP