le but n’est pas la réhabilitation, c’est l’acquittement (de Papon)


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date de publication : mars 2004
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Mars 2004 : Maurice Papon fait appel de sa condamnation pour "complicité de crimes contre l’humanité"

Condamné à dix ans de réclusion criminelle par la cour d’Assises de la Gironde le 2 avril 1998, et incarcéré en octobre 1999, Maurice Papon, 93 ans, a été libéré en septembre 2002 pour raisons de santé.[Source : Nouvel Obs - 5 mars 2004.]

© Dominique Hasselmann

L’avocat de Maurice Papon, Me Francis Vuillemin, a interjeté appel vendredi à Bordeaux, contre la condamnation de son client à dix ans de prison par la cour d’assises de la Gironde, le 2 avril 1998, pour complicité de crimes contre l’humanité.

"Nous souhaitons que Maurice Papon puisse bénéficier d’un second procès, juste et équitable celui-là, soit en vertu du droit d’appel des décisions de cour d’assises, soit en vertu de la procédure en cassation", a expliqué Me Vuillemin, qui essaie toutes les voies de recours pour obtenir un nouveau procès.

"Le but n’est pas la réhabilitation, qui suppose une culpabilité, le but c’est l’acquittement", a-t-il ajouté.

Selon lui, "le pourvoi en cassation de M. Papon doit être examiné par l’assemblée plénière de la cour de de cassation le 11 juin prochain mais, d’ici-là, la chambre criminelle de la cour de cassation devra se prononcer sur l’appel que nous avons formé aujourd’hui".

Présomption d’innocence

Selon l’analyse de Me Vuillemin, la décision de la commission de réexamen de la cour de cassation, intervenue le 26 février, ayant "rendu non-définitive la condamnation", l’appel est possible. Pour lui, Maurice Papon peut désormais bénéficier de la nouvelle loi sur la présomption d’innocence qui a mis en place en 2000 une procédure d’appel des condamnations en cour d’assises.

Pour l’avocat bordelais Gérard Boulanger, qui défend plusieurs parties civiles dans le dossier Papon, cette nouvelle démarche relève de "la gesticulation médiatique".
"Tout cela vise à maintenir une fiction, pour faire croire que la procédure se poursuit et continuer à dire que Papon reste présumé innocent", a-t-il déclaré.

Sept. 2002 : Suspension de peine pour Maurice Papon

Communiqué de la LDH
Paris, le 18 septembre 2002

La LDH prend acte de la décision rendue par la chambre de l’instruction près la Cour d’appel de Paris conduisant à la suspension de la peine de Maurice Papon et donc à sa mise en liberté.

Cette décision a pu être prise à la suite des modifications législatives qui confient aux magistrats la responsabilité d’apprécier la compatibilité de la détention avec l’état de santé de la personne incarcérée.

La LDH constate que la situation d’aujourd’hui aurait été différente si l’institution judiciaire n’avait pas, pendant 17 ans, usé de bien des échappatoires pour ne pas juger Maurice Papon. Elle comprend et s’associe à l’émotion des victimes, qui, comme la LDH, ne pourront que constater que Maurice Papon en définitive n’aura jamais assumé la totalité de ses responsabilités, celles de Bordeaux en 1942 ou celles de Paris en 1961.

Juillet 02 : condamnation de la France par la CEDH

Une condamnation de forme et non sur le fond

Jeudi 26 juillet 2002, saisie par les avocats de Maurice Papon, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France. La CEDH ne conteste pas " l’extrême gravité " des faits reprochés à Papon, mais elle estime que la procédure qui obligeait (en 1999) un condamné à se constituer prisonnier à la veille de l’examen de son pourvoi en cassation, était contraire à une convention européenne. Il s’agit d’une condamnation de forme et non sur le fond comme l’a déclaré la LDH . Néanmoins, cette décision ouvre la voie à un réexamen de la situation de l’ancien fonctionnaire de Vichy.

La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), qui était partie civile, a pris acte jeudi avec "une profonde amertume" de cette condamnation de la France pour avoir privé Maurice Papon d’un procès équitable. "C’est l’Etat qui est en cause, non les parties civiles", a souligné Christian Charrière-Bournazel, avocat de la LICRA au procès Papon, dans un communiqué. "Le sens du juste et de l’équité n’aura profité qu’à l’accusé au terme d’un marathon judiciaire qui n’aura servi qu’à étouffer une fois pour toute la voix des morts", a conclu l’avocat de la LICRA.

De son côté, Michel Slitinski, partie civile au procès de Bordeaux , a trouvé le jugement de Strasbourg "assez surprenant" : "ils parlent d’un procès qui est inéquitable, c’est quand même grossier", a-t-il déploré sur LCI, "car on sait très bien que le procès a été passé par 18 ans d’instruction, qu’il a duré plusieurs mois, que c’est un tribunal populaire appelé de ses voeux par Papon qui s’est constitué, et qu’en définitive tout le monde a eu la parole de manière correcte."

"C’est un paradoxe insupportable sur le plan moral : l’Etat français a été condamné hier par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir refusé le pourvoi en Cassation de Maurice Papon. Or, c’est justement au nom des droits de l’homme, et pour complicité de crime contre l’humanité, que ce même Papon a été condamné par la France à 10 ans de réclusion en 1998. [...] Papon, ce vieillard arrogant qui refuse toute responsabilité dans la déportation des juifs trouve l’occasion de se poser à son tour en victime et gagner du temps pour faire oublier ses crimes. "
Thierry de Cabarrus - L’UNION (Reims) - 26 juillet 2002

Honoré - Charlie Hebdo - 07/03/01

Janvier 01 : demandes de libération de Papon

COMMUNIQUE DE LA LIGUE DES DROITS DE L’HOMME
Paris, le 17 janvier 2001

Maurice Papon ne doit pas être une exception

Diverses voix se sont élevées pour demander que Maurice Papon ne termine pas ses jours en prison. Maurice Papon a opposé un tel dédain face à ses victimes, les faits pour lesquels il a été condamné sont si graves et l’homme a si longtemps, et jusqu’au bout, tenté d’échapper à ses responsabilités, que l’on comprend parfaitement l’émotion qu’une telle demande peut susciter.

Mais, à l’inverse de ce qui a guidé Maurice Papon tout au long de sa vie, l’humanité et la dignité des hommes sont le fondement de toute société démocratique. Finir sa vie en prison, y mourir n’est pas acceptable dans une société qui se veut respectueuse de ces principes.

Mais cela ne concerne pas le seul M. Papon. Il existe dans les prisons bien d’autres personnes dont la détention ne répond pas aux principes de dignité et d’humanité.

Il appartient aux pouvoir publics qui disposent des moyens juridiques nécessaires de mettre un terme, de manière générale, à cette situation. M. Maurice Papon ne doit pas être, une nouvelle fois, une exception.


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