atrocités carcérales à Nouméa


article  communiqué de la LDH de Nouvelle-Calédonie  de la rubrique prisons
date de publication : samedi 29 octobre 2011
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[AFP – 25 octobre 2011] – Un détenu de 23 ans a été retrouvé pendu dans sa cellule au quartier disciplinaire du Camp Est, prison vétuste et surpeuplée de Nouvelle-Calédonie. Le détenu, multirécidiviste pour vols, s’est pendu aux barreaux de sa cellule avec un drap et a été découvert par les surveillants dans la nuit de dimanche à lundi, a indiqué Claude Cortes, secrétaire général de FO pénitentiaire.

Le jeune homme avait été placé à l’isolement après avoir été mis en cause avec d’autres prisonniers pour le passage à tabac d’un co-détenu de 24 ans, qui était décédé sous la violence des coups le 13 octobre.
Les conditions de détention au Camp Est, dont les bâtiments datent de l’époque du bagne, sont réputées très dures, et le taux de surpopulation y atteint 240%.

La Ligue des droits de l’Homme et du citoyen de Nouvelle-Calédonie publie un communiqué pour dénoncer la situation qui règne dans la prison du territoire. Une situation qui n’a guère évolué depuis la visite qu’y a effectuée une délégation de parlementaires en janvier 2010.


Communiqué de la LDHC de Nouvelle-Calédonie

Nouméa, le 28 octobre 2011

Atrocités carcérales à Nouméa

Chaque jour, chaque minute qui passe, l’horreur perdure au Camp Est : ce qui s’y déroule quotidiennement est au delà de l’imaginable ! L’interrogation de tous ceux qui ont visité les lieux est toujours la même : mais comment font-ils pour tenir ? Pourquoi cela n’implose-t-il pas davantage ? C’est d’ailleurs le constat des Contrôleurs des lieux de privation de liberté récemment en mission sur le Territoire : jamais ils n’ont vu des conditions de détention aussi infamantes, nous ont-ils déclaré.

La prison est un lieu de restriction de la liberté de mouvement, une institution qui doit permettre la réinsertion de ceux qui ont enfreint la loi, certainement pas une antichambre de l’enfer ou un lieu de torture !

Car comment qualifier autrement ces cellules de 12m2, suintantes, dégueulasses de crasse et de miasmes, dans lesquelles sont entassés 6 détenus dans la force de l’âge, dans l’impossibilité de se mouvoir 22 heures sur 24 ? Allez vous promener sur la « belle plage du Camp Est » à la tombée de la nuit, vous entendrez les cris, les hurlements, les pleurs de détenus qui deviennent fous.

Dans Les Nouvelles Calédoniennes du 14-10-2011 on pouvait lire que la Procureure Générale s’était engagée à suspendre les peines d’enfermement allant jusqu’à un an. Pourtant, arrivent toujours chaque semaine au Camp Est de nombreuses personnes condamnées à des peines de un à 12 mois d’enfermement, dont certaines sont mises à exécution après plusieurs années ! A quand des peines alternatives à l’incarcération, conformément à la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 4 novembre 2009, art. 65 et 66, qui fixe d’ailleurs la limite à deux ans (un an pour les récidivistes) ? Voir le Décret d’application n°2010-1276 du 27 octobre 2010.

Comment peut-on croire que livrer en pâture des individus ayant commis un délit mineur à l’ignominie de ces lieux leur permettra de redresser leur trajectoire ? Surtout quand ils se sont entre temps réinsérés eux-mêmes (la loi pénitentiaire prévoit ce cas) ?

Deux jeunes, très jeunes calédoniens sont morts en moins de deux semaines, l’un tabassé par ces codétenus, l’autre pendu à des draps en quartier disciplinaire. Les conditions de détention ont participé à ces passages à l’acte. La responsabilité de l’État est donc pleinement engagée.

Quant à la Mairie de Nouméa, sa responsabilité est encore plus grande. Car c’est bien elle qui bloque depuis deux ans l’obtention du permis de construire nécessaire à l’agrandissement (provisoire ou non) du centre pénitentiaire. Pour des raisons de logique immobilière et en l’absence totale d’humanité ; sa responsabilité morale vis à vis des familles endeuillées et de l’ensemble de la société calédonienne est grande !

La saison chaude arrive, les conditions vont empirer, les esprits s’échauffer. Combien de morts par an va-t-on attendre pour considérer ce dossier comme prioritaire et agir en conséquence ?

La LDHC NC exhorte ceux qui en sont responsables au déblocage urgent du permis de construire nécessaire aux travaux qui attendent leur bon vouloir. Dans un pays démocratique et évolué, aucune logique immobilière ne peut se placer au delà d’un des droits humains les plus élémentaires : le droit à la vie et à la dignité.

Le Président de la LDHC NC
et les membres de la Commission Prison


Des parlementaires dénoncent l’état de la prison de Nouméa

par Sylvain Amiotte, Les Nouvelles-Calédoniennes, le 7 janvier 2010


José Bové et quatre autres parlementaires écologistes de Métropole ont visité le Camp-Est, hier après-midi. Outre la surpopulation et la vétusté des lieux, ils s’indignent de l’absence d’alternatives à l’incarcération et d’aide à la réinsertion pour ces jeunes « à grande majorité kanak ». La « justice coloniale » en prend pour son grade, sur fond de soutien à Gérard Jodar et aux autres détenus de l’USTKE.

« Les valeurs de la République ne peuvent pas s’arrêter aux portes de cette prison. » Alima Boumediene, sénatrice verte de la région parisienne, a déjà visité des dizaines de prisons françaises. Ce qui la frappe d’emblée en sortant du Camp-Est, c’est « le taux de surpopulation, près de 250%, jamais atteint ailleurs », avec 431 détenus pour 192 places. « Passer 23 heures sur 24 dans une cellule de 13 m2 à cinq, voire six, est inacceptable, indigne. »

Promiscuité, hygiène déplorable, vétusté : en deux heures de visite hier après-midi, la délégation de parlementaires [*], reçue par l’USTKE et emmenée par José Bové, a eu un premier aperçu des conditions de détention du Camp-Est. Comme la loi les y autorise, ils ont pu voir les cellules, s’entretenir avec le directeur et les détenus. Leur verdict est sans appel : «  Cette prison viole les droits de l’homme les plus élémentaires. » Et de citer pêle-mêle « les rats qui courent au-dessus des têtes », « les asticots trouvés hier dans les repas », « le choix inadmissible entre le temps de promenade et la douche »... « Ces conditions sont une double peine pour les détenus », fustige le député européen François Alfonsi.

En pointant la surpopulation comme « le problème majeur » du Camp-Est, source d’un cercle vicieux infernal, les parlementaires ont dénoncé une politique pénale trop répressive à leurs yeux. « La grande majorité des peines est inférieure à deux ans. Le taux de récidive est de 50%, un taux jamais vu en France, s’alarme José Bové. En Nouvelle-Calédonie, on tombe pour une peccadille, pour laquelle on ne tomberait pas en France. » Et François Alfonsi de renchérir : « Les courtes peines sont nombreuses. La magistrature applique ici les lois avec une sévérité digne d’une justice coloniale. »

« Construire une nouvelle prison plus grande ne résoudra pas le problème. Plus il y a de places, plus on les remplit. »

Alima Boumediene insiste sur « l’absence de préparation de la sortie. Le travail de réinsertion est quasiment nul. Quand on demande aux détenus s’ils ont ou apprennent un métier, tous répondent non. » Et de poursuivre : « Construire une nouvelle prison plus grande ne résoudra pas le problème. Plus il y a de places, plus on les remplit. Il faut développer les alternatives à la prison et celles-ci n’existent pas ici. Il y a à peine vingt personnes en semi-liberté. »

Devant les militants USTKE à la Vallée-du-Tir, José Bové est allé plus loin : « La prison est remplie à 80% par des Mélanésiens, ce qui ne correspond pas à la réalité de la population. Nous constatons la faillite du système éducatif et de l’emploi, et de la gestion de ce territoire. La prison est le reflet d’une société, en l’occurrence une société déséquilibrée qui n’a pas les moyens d’aider sa jeunesse, notamment kanak. » Alima Boumediene a enfoncé le clou sur ce credo : « Toutes les histoires coloniales se ressemblent. On veut ici éradiquer la culture d’un peuple, son histoire. »

Cet après-midi, les parlementaires poursuivront leur visite du Camp-Est. Ils entendent déjà intervenir auprès de la ministre de la Justice. Avec une efficacité qu’espère le sénateur Jean Desessard : « Ces démarches de parlementaires dans les prisons sont importantes. Les directeurs savent que c’est nécessaire pour obtenir des moyens. »

En fin de semaine, cette délégation « écologiste », qui sera grossie aujourd’hui par l’arrivée de deux conseillers régionaux d’Ile-de-France, visitera la tribu de Saint-Louis avant de s’attaquer à la problématique environnementale de l’usine du Sud.

Notes

[*La délégation est composée de trois députés européens (José Bové, François Alfonsi, Karima Delli) et deux sénateurs (Jean Desessard et Alima Boumediene), tous des Verts et d’Europe Ecologie.


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