Selon le site prison.eu.org, le nombre de suicides dans les prisons françaises depuis le début de l’année 2008 s’élèverait aujourd’hui à 93 [1].
Pour Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux privatifs de liberté, il y aurait environ dix fois plus de tentatives de suicide en prison.
Ces événements dramatiques sont les conséquences des graves dysfonctionnements du système pénitentiaire français.
Un article évoque ci-dessous le cas de la prison de Draguignan où quatre tentatives ont été enregistrées en moins d’une semaine.
Mais nous commençons par reprendre certaines des déclarations de Jean-Marie Delarue.
Entretien avec Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux privatifs de liberté
[extraits de débats avec des internautes
mis en ligne sur LEMONDE.FR, le 29 oct. 2008 [2] ]
- Y a-t-il vraiment une hausse importante des suicides en prison ces derniers mois ?
La France est à un mauvais rang de l’Europe pour le nombre de suicides en prison, et ceci depuis une trentaine d’années.
Je ne peux pas m’habituer au suicide en prison. D’abord parce que toute mort est difficile, et tout suicide d’une personne confiée à l’Etat est inacceptable.
C’est pourquoi aujourd’hui un certain nombre d’essais volontaires de cette nature attirent l’attention. Mais si on rapporte le nombre de suicides en France en 2008 au nombre de détenus, nous sommes sur un taux qui est voisin de celui observé en 2005, qui malheureusement est relativement constant, homogène.
Il y a eu c’est vrai quelques suicides en moins en 2006 et 2007, mais nous sommes en train de renouer avec une tendance trop affirmée depuis longtemps.
- Mme Dati a annoncé que des interphones vont être installés dans les cellules des établissements pénitentiaires pour tenter de prévenir les suicides ou les meurtres de codétenus. Qu’en pensez-vous ?
Il n’y a pas de remède unique au suicide en prison, et chaque mort présente de multiples causes et sa part de mystère. Chaque suicide d’un familier pose ces questions difficiles, et encore plus pour ceux qui meurent en prison.
Cela étant, la possibilité, pas tellement pour la personne qui veut se suicider, mais pour son codétenu ou ses codétenus, d’appeler en cas de difficulté est évidemment une partie du remède.
D’ailleurs, dans certains établissements ces interphones existent déjà. Ils ne suffiront pas à régler la question.
Dans un établissement que j’ai visité récemment, il y a des interphones dans chaque cellule, et dans cet établissement, il s’est produit trois suicides depuis le début de l’année.
Les interphones sont un remède intéressant, mais insuffisant évidemment pour régler le problème.
- Croyez-vous que l’augmentation de places dans le parc pénitentiaire – Mme Dati a confirmé l’objectif de 13 200 nouvelles places en prison d’ici 2012 – conduira à une situation plus "acceptable" ?
On observe souvent que l’ouverture de nouvelles places en prison ne diminue pas la surpopulation, mais accroît la propension des juges à condamner à des peines de prison.
Les deux dernières tentatives se sont produites au centre de détention de la prison dracénoise, une partie réservée aux condamnés et qui n’est pas surpeuplée [3].
En moins d’une semaine, quatre détenus ont tenté de se suicider au centre pénitentiaire de Draguignan, jetant une lumière crue sur leurs conditions de détention, mais aussi sur un possible « effet de contagion » qui gagnerait les prisons françaises. Après deux hommes qui avaient tenté de se pendre avec des draps le 22 octobre, deux autres détenus ont en effet essayé d’attenter à leur vie, vendredi et dimanche, en absorbant de fortes doses de médicaments, sans conséquence dramatique fort heureusement.
Certains syndicats estiment aujourd’hui que cette « vague infernale » prend sa source dans la surexposition médiatique qui a suivi le drame de Metz, où un adolescent de 16 ans s’était pendu dans sa cellule. Ce « n’est autre que la résultante de la mauvaise gestion de ce drame par Mme Dati, qui, dans un tapage médiatique sans précédent, a priorisé la recherche de boucs émissaires au sein des fonctionnaires, plutôt que les raisons profondes », déplore le syndicat FO du centre de Draguignan.
Depuis ce jour, qui a marqué le début d’un affrontement entre Rachida Dati d’un côté, les magistrats et les surveillants pénitentiaires de l’autre, une attention toute particulière s’est en effet portée sur le problème de la surpopulation carcérale et le nombre important de tentatives de suicide observé en France.
« La surexposition médiatique est catastrophique, en plus de la surpopulation carcérale », se désole un médecin intervenant à la prison de La Farlède. De même, le procureur de la République de Draguignan, Christian Girard, redoute « un effet de contagion ». « Dans des situations de grande souffrance, cela peut être un élément déclenchant », poursuit-il.
« Raisons profondes »
Manque de moyens chez les surveillants, surpopulation carcérale, incarcération de personnes souffrant de maladies mentales... Pour les syndicats, voilà surtout les « raisons profondes » qui ont poussé quatre-vingt-treize détenus à mettre fin à leurs jours depuis janvier. « Et pourtant, chaque jour, on empêche des suicides », assure Laurent Paquet, responsable FO à Draguignan.
Ce centre pénitentiaire réunit, certes, nombre des problèmes observés partout en France. Selon la CGT, citant des chiffres de l’administration, 478 détenus y étaient emprisonnés en septembre, pour 367 places seulement.
Toutefois, ce week-end, les deux hommes qui ont essayé de se suicider étaient placés en centre de détention. Cette partie de la prison, réservée aux condamnés, n’est pas surpeuplée comme la maison d’arrêt, lieu où sont gardés les prévenus en attente de jugement et ceux condamnés à de courtes peines.
Vendredi soir tout d’abord, puis dimanche en fin d’après-midi, les deux prisonniers ont avalé des comprimés juste avant « le passage des gardiens », à qui ils ont expliqué leur geste, rapporte le procureur de la République. Légèrement intoxiqués, puis transportés à l’hôpital de Draguignan, ils ont respectivement regagné leur cellule samedi et lundi.
Selon le parquet, c’était le signe d’un « appel au secours » plus que d’une volonté irréversible d’en finir, façon dont étaient déjà analysées les deux tentatives de suicide du 22 octobre dernier.
Pourtant, selon des sources syndicales, l’un des deux détenus, qui venait de sortir de quartier disciplinaire, avait déjà effectué une tentative de suicide.
[1] Les résultats de l’enquête concernant le décès, à la prison de Toulon-La Farlède, dans la nuit du 17 au 18 octobre, d’un détenu, victime d’une « dégurgitation massive » au cours de son sommeil, n’ont pas été rendus publics.
[2] Référence : http://www.lemonde.fr/societe/artic....
[3] D’après Le Figaro du 26 octobre 2008, un homme de 36 ans qui venait d’être condamné par la cour d’assises du Var à 18 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de sa compagne s’était pendu dans sa cellule en septembre 2007