France condamnée, France récidiviste


article de la rubrique prisons
date de publication : lundi 14 août 2006
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En condamnant la France pour « traitements inhumains et dégradants », la Cour européenne des droits de l’Homme donne raison à un détenu atteint de troubles mentaux : « les autorités nationales n’ont pas assuré une prise en charge adéquate de [son] état de santé ».

Aujourd’hui, l’ACAT lance un appel au sujet d’un autre détenu incarcéré en quartier d’isolement depuis plus de trois ans, pour raisons de sécurité, alors que « pour la plupart des détenus l’isolement prolongé rend complètement fou ».


La France condamnée pour « traitements inhumains et dégradants »

par Nathalie Guibert, Le Monde, le 13 juillet 2006

Un détenu a obtenu de la Cour européenne des droits de l’homme, mardi 11 juillet, la condamnation de la France pour "traitements inhumains et dégradants".

Jean-Luc Rivière, 49 ans, avait été condamné à la peine de mort en 1980 pour un double homicide, peine commuée en réclusion à perpétuité en 1982. Il a, depuis, été transféré dans une quinzaine d’établissements pénitentiaires. En 1990, il s’est marié. En 1991, il a versé l’intégralité des dommages et intérêts dûs aux victimes et a achevé sa période de sûreté, devenant éligible à une libération conditionnelle.

Mais cette dernière lui a déjà été refusée à deux reprises. En 2002, le condamné se voit annoncer un transfert pour une prison sur l’île de la Réunion, où il a des attaches familiales, mais les experts psychiatres soulignent pourtant qu’il "présente des troubles suicidaires" et que son état nécessite une hospitalisation. Il sera hospitalisé d’office pour deux mois.

"DÉTRESSE"

En 2003, une nouvelle expertise note une aggravation de son état. "Une pathologie psychiatrique est apparue en détention. (Il) est maintenant un malade mental chronique qui, sans la lourdeur de ses antécédents, relèverait évidemment plus d’une prise en charge psychiatrique que d’un maintien en milieu pénitentiaire", soulignent les médecins, pour qui "certains de ses comportements (compulsion d’auto-strangulation) constituent des indices inquiétants".

Les juges européens conviennent que "les autorités pénitentiaires ne sont pas demeurées passives". Depuis début 2005, le détenu voit le psychiatre une fois par mois et l’infirmière chaque semaine. Ses troubles hallucinatoires sont contenus par un traitement.

La Cour rappelle aussi "l’on ne peut déduire de l’article 3 de la Convention européenne (prohibant les traitements inhumains et dégradants) une obligation générale de libérer un détenu pour motifs de santé ou de la transférer dans un hôpital civil".

L’avocat du prisonnier, lui, soutient que son client ne peut être soigné que hors de l’établissement pénitentiaire. Sans trancher clairement dans ce sens, la Cour rappelle que l’article 3 impose à l’Etat "de protéger l’intégrité physique des personnes privées de liberté".

De plus, la procédure française prévoit que les "détenus atteints de troubles mentaux ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire".

Enfin, le Conseil de l’Europe, au travers notamment de nouvelles règles pénitentiaires adoptées en janvier, recommande que ces détenus soient placés dans un service hospitalier spécialisé.

Selon les juges européens, la situation de M. Rivière appelait donc des "mesures particulièrement adaptées". Pour eux, "les autorités nationales n’ont pas assuré une prise en charge adéquate de l’état de santé" du condamné. "Son maintien en détention, sans encadrement médical approprié, constitue dès lors une épreuve particulièrement pénible et l’a soumis à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention."

M. Rivière recevra 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

Nathalie Guibert

L’Acat lance un appel contre l’isolement de Cyril Khider

Source : permanent.nouvelobs.com [1]

L’ACAT France demande d’écrire au Garde des Sceaux au sujet de Cyril Khider, soumis au régime d’isolement depuis plus de trois ans.

En détention provisoire depuis 2001, Cyril Khider est incarcéré en quartier d’isolement depuis plus de trois ans. L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture lance un appel national au sujet de cette situation inédite.

En effet, Cyril Khider vit, depuis 2003, 22 heures sur 24 en cellule. Il ne peut pratiquer aucune activité en commun, il n’a aucun contact avec les autres détenus, il est soumis à un régime de fouilles systématiques et ses promenades quotidiennes se résument à quelques pas dans une cour couverte de grilles et de rouleaux de barbelés durant deux heures.

L’association rappelle que "l’isolement n’est pas, en principe, une sanction disciplinaire". Mais la théorie diffère largement de la pratique.

L’ACAT invite donc à écrire au Garde des Sceaux, Pascal Clément, afin qu’il mette fin à cette mesure d’isolement sans précédent.

Conséquences physiques et psychiques

Le médecin qui a récemment ausculté Cyril Khider a ainsi constaté de graves répercussions de cette mesure d’isolement sur l’état de santé de Cyril Khider. Pour l’Acat, "cet avis justifie qu’il sorte de l’isolement", car "son maintien constitue un traitement inhumain et dégradant".

Sur un plan physique, l’isolement provoque en effet des troubles oculaires, une perte des facultés olfactives et une atrophie des muscles. Par ailleurs, les personnes isolées souffrent la plupart du temps de troubles psychologiques. La pensée s’anémie en quelque sorte. L’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire note ainsi que "pour la plupart des détenus l’isolement prolongé rend complètement fou. La mort psychique qui en résulte est un phénomène très inquiétant".

Selon des principes de sécurité

L’administration pénitentiaire justifie cette situation par des principes de sécurité. Cette mesure a en effet été prise à l’encontre de Cyril Khider car il a essayé de faire évader son frère, Christophe, de la prison de Fresnes par hélicoptère. Considéré comme potentiellement susceptible d’organiser une évasion, Cyril Khider a également connu le quartier disciplinaire et a été successivement transféré dans quinze établissements différents.

Notes

[1Un modèle de lettre est disponible sur le site NouvelObs : http://permanent.nouvelobs.com/doss....


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