Monsieur Perben et les chiffres de la population carcérale


article de la rubrique prisons
date de publication : mercredi 30 juin 2004
version imprimable : imprimer


Première publication le 30 juin - mise à jour, le 5 juillet 2004


JPEG - 6.2 ko
Dominique Perben

Dans une interview au Journal du Dimanche, publiée le 9 mai 2004, le ministre de la Justice, Dominique Perben, a déclaré :

"La population carcérale française ne baissera pas. L’augmentation actuelle résulte d’une meilleure exécution des peines prononcées par les tribunaux."
Le ministre précisait toutefois que, au sein de cette population carcérale, "le nombre des condamnés progresse régulièrement alors que celui des détenus à titre préventif [1] baisse".

Examinons donc les chiffres officiels [2] de la population carcérale tels qu’ils ont été calculés par l’administration pénitentiaire à la date des 1er juin 2001, 2002, 2003 et 2004 :

2001 2002 2003 2004
prévenus 15 119 18 598 22 443 22 313
condamnés 34 245 36 352 38 072 41 135

L’évolution, mois par mois de juin 2003 à juin 2004, du nombre des prévenus est illustrée par les chiffres successifs :
22 443 en juin 2003, 21 925, 21 028, 21 278, 21 881, 22 021, 22 300, 21 749, 22 799, 22 652, 22 713, 22 705, et 22 313 en juin 2004.

Le nombre des détenus en préventive s’est effectivement stabilisé entre 21 000 et 23 000 depuis un an, mais il n’est pas possible de parler de "baisse".

En revanche, le premier tableau permet d’affirmer que, en trois ans, le nombre des prévenus a augmenté de 47%, alors que celui des condamnés n’a progressé "que" de 20%.

Un autre chiffre confirme, s’il en était besoin, la forte progression du recours à la détention préventive : au cours du premier trimestre 2004, le ministère de la justice a dénombré 8 364 mises en détention provisoire, en augmentation de 38% par rapport au premier trimestre 2003.

L’Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature « reprochent au garde des sceaux l’incohérence de sa politique : la loi Perben de septembre 2002 a facilité le recours à la détention provisoire, en créant un appel suspensif du parquet en cas de décision de mise en liberté prise par le juge, et en obligeant ce dernier à motiver ses décisions en cas de désaccord avec le procureur. "On ne sort pas de ce mouvement de balancier", regrettent en chœur les syndicats. "Les magistrats ne savent plus où ils en sont, constate M. Barella, président de l’USM. On leur demande, après Outreau, d’être plus attentifs aux placements en détention, mais on leur reproche de ne pas céder à la pression de la police dès qu’ils n’incarcèrent pas, comme l’ont montré plusieurs affaires récentes." » [Le Monde, 4-5 juillet 2004].

L’augmentation importante du nombre des détenus condamnés s’explique en grande partie par la sévérité croissante des tribunaux : entre 1975 et 2003, la durée moyenne de détention a pratiquement doublé, passant de 4,3 mois à 8,4 mois. Cela se manifeste notamment par une augmentation sensible des très longues peines (de 20 à 30 ans), sanctionnant notamment viols et agressions sexuelles. Ce dernier type d’infraction représente désormais près du quart des condamnations.

__________________________

Terminons en rappelant les déclarations fracassantes de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, le 20 novembre 2003, au cours de l’émission
100 minutes pour convaincre sur France 2.

"13.000 détenus de plus depuis que monsieur Perben et moi nous sommes en fonction. Pourquoi croyez-vous, Monsieur Mazerolle, qu’on a des résultats ? On a des résultats parce que ces 13.000 qui étaient dehors, ils sont en prison. Et eux, ils savent pourquoi ils sont en prison !"

En fait, plus de la moitié des 13.000 détenus supplémentaires dont se glorifiait M.Sarkozy étaient en préventive, donc présumés innocents [3]

Notes

[1Un détenu est en détention provisoire (ou préventive) s’il est en attente de jugement définitif.

[2Source : Dedans, Dehors, revue de l’OIP, n°43

[3Rappelons l’Article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789)

Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré
coupable
, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP