la population carcérale en France


article de la rubrique prisons
date de publication : samedi 7 mars 2015
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L’effet direct des politiques pénales menées ces dernières années en France a été, non pas de réduire la récidive, mais d’augmenter le nombre de détenus qui a doublé en 30 ans. De 2000 à 2011 le taux de détention est passé de 85 à 111 personnes pour 100 000 habitants – et à 119 aujourd’hui selon certaines sources. Ce taux est de 61 en Finlande, de 71 en Suède et au Danemark, et de 87 en Allemagne, un pays qui a donc su maintenir un taux de détention au niveau de celui de la France en 2001 [1].

La Suède en arrive même à fermer des prisons faute de prisonniers. Comment les Suédois font-ils donc ? Peut-être ont-ils commencé par privilégier la réhabilitation sur l’enfermement.


État de la population carcérale en France au 1er janvier 2015 [2]

La France comptait 66 270 détenus au 1er janvier 2015 (métropole + outre-mer) ; parmi eux, 16 549 étaient des prévenus (en détention provisoire avant jugement ) et 49 721 condamnés.

Le nombre de détenus est en légère baisse sur un an (– 1,2 %) et surtout en recul par rapport à avril-mai 2014 où on avait frôlé les 69 000 détenus,
mais il y a trop peu de places opérationnelles dans les prisons : 57 841. On dénombre donc 66 270 – 57 841 = 8 429 détenus en surnombre, en pourcentage : 8 429 / 57 841 = 14,6 %.

À ces 66 270 détenus, il faut ajouter 11 021 condamnés, écroués mais non incarcérés – il s’agit le plus souvent de personnes sous surveillance électronique.
On arrive ainsi à un total de 66 270 + 11 021 = 77 291 personnes écrouées, à la date du 1er janvier 2015.

Doublement depuis 1980 [3]

Evolution de la population carcérale de 1980 à 2014

Les Suédois ... comment font-ils ?

[Le Canard Enchaîné N° 4 922 du 25 février 2015]


Comment font-ils les Suédois ? Tandis que les prisons françaises explosent sous le poids des détenus, les leurs ferment, faute de pensionnaires. Leur taux de détention « est un des plus bas d’Europe, 44 pour 100 000 habitants, contre le double en France », raconte Libération du 17 février [4], et, loin de s’emballer, la criminalité y est en baisse.

Les solutions alternatives à la prison, comme les bracelets électroniques, y sont prioritaires, sans que personne ne hurle à l’assassin, les sorties de prison sont longuement préparées en amont, aucun surveillant « n’a été agressé depuis des années », les conseillers d’insertion et de probation suivent, chacun, 30 personnes – contre 130 en France – et sont « épaulés par plus de 4 000 superviseurs bénévoles quand un soutien supplémentaire est nécessaire »…

Les 4 300 prisonniers suédois travaillent, vivent en groupes de neuf dans de « petites unités » composées d’une cuisine, d’un salon et de cellules individuelles. Mais l’immense majorité des condamnés, soit 13 000, purgent leur peine à l’extérieur, car, selon les juges, « la détention nuit plus souvent qu’elle n’aide… Notre système est fondé sur l’humanisme, nous privilégions toujours la réhabilitation par rapport à l’enfermement. »

Quelle drôle d’idée !

Surpopulation carcérale : la France pointée du doigt

[Les Échos, le 11 février 2015]


Voilà des nouvelles statistiques qui pourraient rouvrir le débat sur la surpopulation carcérale dans notre pays. Une étude publiée par le Conseil de l’Europe indique que le taux de surpopulation des prisons françaises a augmenté ces dernières années, à rebours de la tendance européenne. Avec une densité carcérale de 117,2 détenus pour 100 places en 2013, contre 94,2 en moyenne au sein des 48 Etats membres du Conseil de l’Europe, la France fait partie des 21 pays confrontés à une surpopulation carcérale, indique l’étude Space (Statistiques pénales annuelles du conseil de l’Europe) réalisée par l’université de Lausanne.

Alors que le taux d’occupation moyen a baissé à l’échelle européenne depuis 2011, quand il s’affichait à 99,5 détenus pour cent places, il a augmenté de plus de quatre points en France sur la même période. Mais la France se distingue également par un taux de personnes incarcérées pour moins d’un an de 36,6 % qui est parmi les plus élevés en Europe. Seuls l’Allemagne, Monaco, les Pays-Bas, la Norvège et la Turquie ont des taux plus élevés. Définitivement adoptée le 17 juillet dernier, la loi de Christiane Taubira sur l’alternative à la prison et la peine de probation, surnommée réforme pénale, promet d’améliorer la sécurité dans les prisons en luttant notamment contre la récidive et en faisant baisser la surpopulation. Parmi les mesures symboliques de ce texte : une nouvelle peine alternative à la prison dite « contrainte pénale », la suppression des peines plancher, et la libération sous contrainte.

Spécificité française

Autre (triste) spécificité française : le taux de suicide en prison était de 14,4 pour 10.000 détenus en 2012, contre une moyenne européenne de 11,2. L’étude confirme aussi la constance d’une ligne de démarcation entre l’Est et l’Ouest : si le taux d’incarcération est en dessous de 150 détenus pour 100.000 habitants en France (119,5), en Italie ou en Espagne, voire en dessous de 100 en Europe du nord, il approche ou dépasse les 200 détenus en Pologne, Hongrie ou Lettonie pour monter au-delà de 300 en Ukraine et culminer en Russie (475 détenus pour 100.000 habitants). Le rapport montre toutefois une décroissance régulière du taux de détention depuis dix ans à l’est de l’Europe et au contraire une progression à l’ouest, dont en France, où il a augmenté de 28,7 %.

Crise économique et vie en prison

Enfin, dernier enseignement, et pas des moindres : le rapport constate que la crise économique a eu des conséquences sur la vie en prison ; le phénomène touche des postes importants, comme la nourriture, le logement, la formation, le financement d’activités sportives ou la construction de prisons. Entre 2007 et 2012, les dépenses des Etats ont baissé en moyenne de 2,4 euros et sans surprise, ceux qui ont le plus réduit leurs dépenses sont aussi ceux qui ont été les plus frappés par la crise. Globalement, les Etats européens ont consacré moins d’argent à leurs détenus depuis le début de la crise, soit 96,7 euros en moyenne par prisonnier et par jour, indique le Conseil de l’Europe. L’étude tire ses conclusions des données communiquées par 45 administrations carcérales en Europe.

Là encore, les « bons » élèves se trouvent au nord de l’Europe : les Etats qui mobilisent le plus de moyens financiers pour leurs populations incarcérées sont notamment la Suède (317 euros de dépenses par détenu et par jour en 2012), la Norvège (283 euros), les Pays-Bas (273 euros) et le Danemark (186 euros). En France, la prise en charge des détenus était proche de la moyenne, à 96,77 euros par jour, devant l’Espagne (66 euros), mais derrière l’Italie (128 euros) et l’Allemagne (116 euros).

Notes

[3Référence : site du Sénat – Projet de loi de finances pour 2015 : Administration pénitentiaire. http://www.senat.fr/rap/a14-114-8/a....

[4« Suède : les prisons se vident », par Anne-Françoise Hivert, Libération le 17 février 2015 : http://www.liberation.fr/monde/2015....


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