Base-élèves est un système de gestion informatique de données concernant les élèves des écoles maternelles et élémentaires. Mis en place par le ministère de l’Education nationale avec l’objectif affiché de simplifier les tâches de direction, il permettra de pouvoir disposer en permanence de toutes les informations sur les élèves scolarisés par la création d’un fichier unique commun aux communes, aux écoles et à l’administration centrale.
Vous trouverez ci-dessous une présentation de Bases élèves et des menaces qu’il représente pour les libertés individuelles. En bas de page, nous vous proposons deux tracts librement utilisables. Nous vous proposons d’autre part quelques éléments de réflexion sur le thème de la désobéissance à la loi, dans une démocratie.
Comme tout système informatique de données nominatives, Base élèves est soumis à la vigilance de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés. La Cnil est une autorité administrative indépendante, instituée par la Loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés [1]. C’est cette loi qui définit la mission essentielle de la Cnil : protéger la vie privée et les libertés individuelles ou publiques – en réalité, comme nous le verrons, ses possibilités d’action ont été récemment très sévèrement réduites.
Le système Scolarité
Le premier système national mis en place par le ministère de l’Education nationale pour gérer les données individuelles des élèves semble être Scolarité. Conçu il y a une quinzaine d’années, Scolarité respectait les préconisations de la Cnil concernant les fichiers d’élèves [2].
Le système était articulé autour de trois bases de données : base élèves au niveau de l’établissement scolaire (BEE), base élèves au niveau académique (BEA), alimenté par BEE, et la base centrale de pilotage (BCP) au niveau de l’administration centrale.
Comme cela était prévisible, le ministère a souhaité par la suite modifier certaines des règles qui avaient été fixées en septembre 1993 ; voici les modifications les plus importantes [3] :
Le système Base élèves premier degré
Depuis lors, il semble que le ministère ait éprouvé le besoin de « refondre les concepts et les nomenclatures » [4].
Dans l’obscurité et l’opacité protectrices de ses bureaux, la haute administration a conçu un nouveau système pour les écoles maternelles et primaires : Base élèves premier degré.
Base élèves a été déclaré à la Cnil le 24 décembre 2004, et, le 1er mars 2006, cette dernière a délivré un récépissé au ministère de l’Education nationale. Nous n’en saurons pas plus pour l’instant, car, entre temps, la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 a été – fort opportunément ! – modifiée par la Loi n° 2004-801 du 6 août 2004 qui a amputé la Cnil d’une partie des pouvoirs de réglementation et de contrôle qu’elle possédait auparavant.
Pour accéder au dossier [5] qui a été déposé le 24 décembre 2004 par le directeur des affaires juridiques du ministère de l’Education nationale, il faudrait maintenant faire une demande par l’intermédiaire de la Cada [6].
La situation présente
La circulaire du 9 janvier 2007, « Préparation de la rentrée 2007 », du ministère de l’Education nationale [7] se veut rassurante :
« Après deux ans d’expérimentation, la base élèves du premier degré est maintenant opérationnelle dans 77 inspections académiques. À la rentrée 2007, l’ensemble des départements et des circonscriptions doivent disposer de cette application informatique et prévoir son utilisation par un nombre significatif d’écoles. Il s’agit d’alléger les tâches administratives des directeurs d’école et d’informatiser les échanges de données entre les différents acteurs notamment pour fiabiliser les constats de rentrée et les prévisions d’effectifs. » [8]
L’utilisation de Base élèves est effectivement assez simple – voir, par exemple, la page 20 de la présentation de Sconet [9] datant de juin 2006.
Les différentes inspections académiques nous l’affirment en coeur : le système est “sécurisé” – mais que cela recouvre-t-il ? – et “déclaré à la Cnil” – mais qu’a-t-il été déclaré à la Cnil ?
Base élèves nous semble inquiétant pour de nombreuses raisons.
1. Les données qui seront saisies informatiquement pour chaque enfant comporteront notamment [10] :
2. Le secret professionnel devient « partagé ». En effet, la Loi de prévention de la délinquance impose le partage d’informations entre les différents acteurs sociaux, les professionnels de la santé, les enseignants, les professionnels de la police, les magistrats, et le maire de la commune. Les données de Base élèves
Les enseignants vont donc devenir, qu’ils le veuillent ou non, des acteurs de la pénalisation de la délinquance.
3. L’information prévue en direction des parents concernant leurs droits est en général très succincte voire incomplète ; elle se limite souvent à la mention des droits d’accès et de rectification, omettant de préciser les destinataires des données recueillies et ignorant le droit de refuser de donner certaines informations.
La situation semble variable suivant les départements, mais il est manifeste que ce n’est pas un souci prioritaire pour ceux qui ont la charge de mettre en place Base élèves.
A titre d’exemple, le site de l’Inspection académique de l’Orne contient une page intitulée La Base élèves pour le directeur, dont la rubrique Informations aux parents comporte un unique lien libellé Note à afficher éventuellement dans l’école qui permet d’accéder au texte suivant
[12] :
4. Concernant la sécurité, il faut prendre des garanties maximum pour la sécurité des données [13]. Mais ne nous berçons pas d’illusions :
5. Rien ne peut nous protéger contre les détournements de fichiers que les politiques – ministres, députés, sénateurs – pourront décider à l’avenir : la "facilité" avec laquelle les fichiers de police judiciaire Stic et Judex [15] ont été détournés de leur finalité initiale par la Loi pour la sécurité intérieure (LSI ou Loi Sarkozy) du 18 mars 2003 est particulièrement instructive à cet égard. Ces fichiers de police constituent maintenant un casier judiciaire parallèle, avec des conséquences dramatiques dans le domaine de l’emploi [16].
Comment, après cela, accorder le moindre crédit aux « promesses » qui nous sont prodiguées aujourd’hui [17].
Sans mettre leur bonne foi en cause, il n’est pas possible de prendre en compte les « bonnes intentions » affichées par les « responsables » d’aujourd’hui [18].
« Au moyen de Base élèves, ce sont les données personnelles de tous les enfants, et à terme de toute la population, qui seront centralisées et partagées entre institutions ; un fichage généralisé que rien ne protège d’ailleurs des intrusions privées puisque ces informations, personnelles et confidentielles, transiteront par Internet.
« Les risques de dérives de Base-élève à des fins de contrôle social sont donc patents, et les menaces pesant sur les libertés individuelles de chacun aussi. Base élèves n’est pas un outil au service des besoins éducatifs de la jeunesse, c’est l’instrument d’une politique sécuritaire et policière. »
[Sud éducation Côte-d’Armor (extrait) – 31 octobre 2006] [19]
Nous devons exiger les modifications minimales suivantes
[20] :
Tracts disponibles (au format PDF) :
- un A4 recto-verso qui reprend l’essentiel de l’argumentation que vous venez de lire http://www.ldh-toulon.net/IMG/pdf/b...
- un tract A4 plus « mobilisateur » :
http://www.ldh-toulon.net/IMG/pdf/t....
Le danger de la mention de la nationalité est illustré par le courriel que l’Inspection Académique de l’Oise a adressé aux proviseurs le 17 janvier 2006 :
« Lors du prochain comité d’administration régionale sera abordée la question des élèves de nationalité étrangère sous menace de reconduite à la frontière. Un bilan doit être transmis à cette fin à Madame le Recteur pour le vendredi 20 janvier.
A la demande de Monsieur l’inspecteur d’académie, il serait souhaitable de disposer d’un bilan départemental sur la question. Vous serait-il possible de m’indiquer (par courrier électronique) :
- le nombre d’élèves mineurs susceptibles, de part la situation de la famille, de faire l’objet d’une telle mesure et scolarisés dans votre établissement (et dont vous auriez connaissance bien entendu).
- pour les élèves majeurs sous la menace d’une reconduite à la frontière, leurs noms, nationalités et résultats scolaires. [...] » [21]
Nos craintes ont été renforcées par l’Inspection d’académie des Pyrénées-Orientales, où Base-élève est expérimenté depuis trois ans et qui a reconnu « être la plus grande source d’information sur l’immigration » [22].
[2] Voir les normes de la Cnil pour les fichiers de données personnelles d’élèves ; il a été déclaré à la Cnil et validé par cette dernière le 7 septembre 1993.
[3] Pour obtenir plus de précisions.
[5] Dossier N° 106-32-24.
[6] Cada : Commission d’accès aux documents administratifs.
[9] Sconet est le logiciel permettant d’accéder à Base élèves : http://swapi.ac-versailles.fr/telec... .
[10] D’après une page de Sud-Education66 : http://www.sudeducation66.org/journ....
[11] C’était déjà le cas aux fins de contrôle de l’obligation scolaire.
[12] Information vérifiée le 7 mars 2007, sur la page : http://www.ac-caen.fr/orne/etab/bas....
Le mot éventuellement a été souligné par LDH-Toulon.
[13] Voir également la réaction des Britanniques devant l’éventualité d’un fichier national des élèves.
[14] Voir, en ce qui concerne le Stic : l’Europe des fichiers se met en place.
[15] Stic : système de traitement des infractions constatées et Judex : système JUdiciaire de Documentation et d’EXploitation (JUDEX) de la gendarmerie. ... Voir refus d’embauche, licenciements ... les effets ravageurs du STIC dans le monde du travail.
[16] Voir : l’Europe des fichiers se met en place.
[17] Dans une lettre adressée à Gilles Moindrot, secrétaire général du SNUIPP, le 30 novembre 2006, Jean-Pierre Deloche, sous-directeur des moyens, des études et du contrôle de gestion, au ministère de l’Education nationale, écrit :
« Les données sur la nationalité de l’élève sont collectées dans un but strictement statistique interne à l’Education nationale, et ne sont pas accessibles aux mairies selon la demande expresse de la CNIL.
Les données saisies par les directeurs sur le suivi RASED et l’absentéisme signalé sont également à usage interne à l’Education nationale, et ne sont consultées que par des responsables autorisés, respectueux du devoir de discrétion et soucieux de l’intérêt de l’élève.
La déclaration à la CNIL précise que les fichiers Base-Elèves 1er degré ne sont pas susceptibles d’être interconnectés avec d’autres fichiers « dont les finalités ... correspondent à des intérêts publics différents » et « les données ne peuvent être échangées à des fins commerciales ».
Les services informatiques du ministère, en charge de la sécurité des bases de données, assurent la mise en oeuvre de solutions techniques visant à garantir le contrôle des accès à l’application, la confidentialité et l’authentification des utilisateurs. [..]« Je vous confirme donc qu’une très grande vigilance est mise en oeuvre pour garantir à la fois la sécurité et le bon usage des informations ainsi collectées. »
[18] D’après Sud éducation Côte-d’Armor, les renseignements de Base élèves sont en principe anonymement centralisés à Orléans, mais « l’anonymat peut-être levé en fonction des besoins de l’administration ».
[20] voir la page les fichiers STIC et JUDEX détournés de leur destination initiale.
[21] Source : http://www.sudeducation66.org/docum....
[22] Source http://www.sudeducation.org/article....