le SNUipp demande l’arrêt de l’expérimentation de « Base-élèves »


article de la rubrique Big Brother > base élèves
date de publication : vendredi 3 novembre 2006
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Le Ministère de l’Education Nationale met en place dans les écoles un traitement automatisé de données à caractère personnel “ Base élèves 1er degré ”. L’objectif du ministère est « d’apporter une aide à la gestion locale des élèves, d’assurer un suivi statistique des effectifs d’élèves et de permettre un pilotage et un suivi des parcours scolaires des élèves ».
Dans un premier temps, 1 500 écoles ont expérimenté le dispositif. Depuis le 1er janvier 2006, toutes les écoles peuvent entrer dans l’expérimentation sur la base du volontariat. La généralisation devrait se faire d’ici 3 ans.

Cet article fait suite à deux articles précédents : big brother entre à l’école : tous les élèves fichés à la base et non au fichage généralisé des enfants !.


Courrier du SNUipp à l’adresse du ministère de l’EN [1]

Paris, le 26 juin 2007

Monsieur le Secrétaire Général,

J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur l’inquiétude des personnels et directeurs, lorsqu’il s’est avéré que des personnes extérieures à l’expérimentation de Base Elèves ont pu avoir librement accès, par Internet, au contenu de fichiers, mettant ainsi gravement en cause le dispositif de sécurité de « base élèves du premier degré » et la nécessité de confidentialité des données recueillies.

Ceci a d’ailleurs conduit vos services à mettre en place un dispositif de renforcement de la sécurité de l’application de BE1D et à demander aux Recteurs et Inspecteurs d’Académie de prendre les dispositions d’urgence de vérification de l’information diffusée sur les sites institutionnels ainsi qu’à changer immédiatement tout mot de passe identique à l’identifiant. Par mesure de sécurité, l’application de Base Elève a dû être fermée du 15 au 18 juin. Cette situation ne peut que confirmer nos inquiétudes quant à l’utilisation d’une telle application automatisée et centralisée. Le principe de précaution que nous avions évoqué prend ici tout son sens.

Nous vous avions déjà interpellé par courrier ou lors de réunions pour vous faire part de nos inquiétudes concernant :

  • l’existence de fichiers centralisés.
  • l’accès à l’ensemble des champs des fiches nominatives individuelles des élèves par les inspections de circonscription et académiques.
  • le renseignement obligatoire de champs concernant l’origine des élèves.
  • l’existence de champs pouvant figer un étiquetage des élèves parmi lesquels la prise en charge par le RASED ou l’absentéisme.

Nous ne pouvons que réitérer nos remarques concernant l’ensemble du dispositif, notamment sur les questions éthiques. Nous vous demandons de mettre un terme à la généralisation de cette application dont nous demandons l’arrêt et d’effectuer un bilan de l’expérimentation dans les meilleurs délais.

Veuillez recevoir, Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de mes sentiments respectueux.

Gilles MOINDROT
secrétaire général du SNUipp

La première phase d’expérimentation a fait apparaître quelques problèmes techniques, des difficultés professionnelles, et des problèmes éthiques liés à la mise en ligne de renseignements confidentiels : origine des élèves, historique Rased [2],...

Sans contester que Base-élèves réponde à un besoin de gestion des élèves, le SNUipp [3] s’est notamment inquiété de ces derniers problèmes qui touchent au domaine des libertés individuelles. Le 13 mars 2006, le secrétaire général du SNUipp a adressé au Ministre de l’Education nationale une lettre dont voici l’essentiel.

Monsieur le Ministre,

[...]ce logiciel est lié à la constitution d’un fichier départemental d’élèves dont la création n’a été précédée d’aucun débat et d’aucune consultation avec les organisations syndicales. Nous avons eu l’occasion lors du groupe de travail spécialisé de préciser les réticences concernant plusieurs aspects de la mise en place de ce type de fichier.

Soucieux de la défense des libertés individuelles, nous renouvelons par ce courrier nos remarques et nos demandes. Nous souhaitons avoir une réponse précise à chacune d’entre elles avant de nous prononcer sur le fond du dispositif.

Actuellement, trois personnes ont accès à l’ensemble des données présentes sur une fiche : le directeur ou la directrice, l’I.E.N. de la circonscription et l’inspecteur d’académie.
 [4]

Il nous semble que l’utilité d’un accès aux données personnelles au niveau de l’administration départementale n’est pas démontrée.

En cas de besoin, la possibilité de recourir à des extractions effectuées par les directeurs d’école et transmises par eux à l’administration a-t-elle été étudiée ? Le cas échéant, pourquoi cette procédure n’a-t-elle pas été retenue ?

Certains champs n’ont officiellement pour objet que l’établissement de statistiques comme le prévoit la délibération n° 86-115 du 2 décembre 1986 de la C.N.I.L. portant sur la création de fichier élèves. C’est le cas par exemple des informations concernant la nationalité et l’origine de l’élève. Nous demandons que ces champs soient anonymes pour tout autre accès que celui du directeur d’école.

Enfin, le fait de renseigner le champ d’un suivi R.A.S.E.D. de plus de trois mois et de figer cette information est contradictoire avec la démarche des équipes enseignantes et des personnels de réseau qui affirment aux parents que cette prise en charge ne conduit pas à un étiquetage de l’élève. Nous demandons à ce que ce champ soit retiré. L’existence du parcours de l’élève dans le logiciel doit permettre aux équipes d’accueil de contacter rapidement l’équipe d’origine en cas de besoin. La transmission du livret scolaire constitue également un outil permettant d’assurer la continuité des conditions de scolarisation de l’élève.

Voici la réponse qui lui a été adressée le 9 mai 2006.

La mise en oeuvre par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche du système d’information du premier degré vise en effet à faciliter la gestion des élèves et des écoles, tant au niveau local qu’au niveau académique et national, et votre courrier confirme en effet que « l’existence de ce nouveau logiciel de gestion va dans le sens de votre demande concernant l’amélioration des conditions d’exercice de la fonction de direction d’école ».

De même qu’il existe depuis plus de dix ans, des bases de données académiques sur les élèves du second degré, il est souhaitable de disposer de bases de données départementales sur les élèves du premier degré afin notamment d’améliorer le suivi partagé des effectifs et des parcours scolaires.

Les inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale, sont responsables de la mise en oeuvre de ces bases de données, de leur alimentation éventuelle par d’autres logiciels que celui de l’éducation nationale (logiciels municipaux ou logiciels privés utilisés par des directeurs d’école), ainsi que de la gestion des droits d’accès aux données nominatives de la base élèves.

Ils sont également chargés de suivre l’attribution et la vérification de l’identifiant national de l’élève, numéro strictement interne à l’éducation nationale, et de résoudre le cas échéant les doublons détectés.

Vis-à-vis de la CNIL, l’inspecteur d’académie - DSDEN est l’autorité administrative
responsable de l’accès aux données nominatives de la base élèves.

Les rectorats et l’administration centrale n’ont accès qu’à des données anonymées

A l’intérieur de l’administration départementale, l’IA-DSDEN ne délègue des droits d’accès aux données nominatives qu’à un nombre restreint de personnes habilitées, selon des procédures sécurisées (les postes informatiques de l’inspection académique sont inclus dans la zone de confiance sécurisée RACINE-AGRIATES de chaque académie), pour des raisons d’attribution de compétences (respect de l’obligation scolaire, absentéisme signalé, instruction dans la famille, recours des parents sur les changements de cycle, besoins éducatifs particuliers...).

Les inspecteurs chargés de circonscription et les directeurs d’école utilisent l’application informatique nationale « Base élèves 1er degré » sous l’autorité de l’IA - DSDEN, qui leur ouvre les droits accès, selon une procédure garantissant le respect des règles de sécurité et de confidentialité, de même pour les mairies qui souhaitent partager et échanger certaines informations.

Les données relatives à la nationalité de l’élève et à son origine (pays de naissance, année d’arrivée en France) sont collectées uniquement dans un but statistique, ainsi que cela a été déclaré à la CNIL. Elles n’ont donc pas à être exploitées de façon nominative, ni au niveau local (les mairies n’y ont pas accès) ni au niveau académique ou national.

La donnée relative au suivi RASED de plus de trois mois est limitée strictement et ne s’accompagne d’aucune donnée qualitative sur ce suivi.
Cette information, autorisée par la CNIL, ne sera consultée que par des professionnels autorisés responsables, confiants en leurs pairs, respectueux du devoir de discrétion et soucieux de l’intérêt des élèves.
Cela au même titre que d’autres informations sur le cursus de l’élève, comme par exemple l’orientation en CLIS ou la décision de maintien dans le cycle.

Les informations figurant dans Base élèves n’ont d’autre fin que celle de favoriser la réussite scolaire de chaque élève.

Nous vous assurons de toute notre vigilance pour garantir à la fois la sécurité et le bon usage des informations ainsi collectées.

Le SNUipp n’a sans doute pas été tout à fait rassuré pour l’avenir par les bonnes intentions affichées aujourd’hui. Comment prévoir les utilisations qui seront faites demain de telles bases de données ? Rappelez-vous avec quelle discrétion un fichier de police judiciaire, le STIC, a pu, en l’espace de quatre ans – de 2001 à 2005 –, devenir un fichier consultable lors des enquêtes administratives [5]. Au moment de la rentrée de septembre 2006, le syndicat a donc lancé les consignes suivantes :

Les consignes du SNUipp-FSU :

Les changements notables qu’induit la mise en place de Base élèves concernent la vie des écoles, le travail des enseignants, les responsabilités des directeurs/trices.
Pour le SNUipp, le principe de précaution doit prévaloir. Il a demandé au ministre un moratoire sur l’expérimentation et un bilan dans le courant du trimestre sur le contenu des fiches individuelles, l’accès extérieur aux fiches nominatives individuelles, la constitution d’un fichier centralisé d’élèves.

  • Le SNUipp-FSU appelle les enseignants à ne pas entrer dans l’expérimentation.
  • Pour les écoles qui y sont déjà, il appelle à neutraliser les champs : NATIONALITE (tous français), ABSENTEISME, SUIVI RASED.

Notes

[2RASED : Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté (RASED). Créés en 1990, les RASED ont pour mission de fournir des aides spécialisées à des élèves en difficulté dans les classes ordinaires, en coopération avec les enseignants de ces classes.

[3Syndicat National Unitaire des Instituteurs, Professeurs des écoles et PEGC, affilié à la FSU.

[4- Une note de LDH-Toulon : Qui a accès au fichier ?

  • Les mairies : accès en lecture/écriture limité aux champs d’identification de l’élève et de ses responsables
  • L’IEN : accès intégral en lecture à l’ensemble des fiches nominatives des élèves de la circonscription et possibilités d’extraction de données
  • L’IA : accès intégral en lecture à l’ensemble des fiches nominatives des élèves du département et possibilités d’extractions
  • Le Directeur-trice d’école : accès total en lecture et écriture
  • Le rectorat et le ministère : accès aux données anonymées.

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