non au fichage généralisé des enfants !


article de la rubrique Big Brother > base élèves
date de publication : vendredi 27 octobre 2006
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De plus en plus d’enseignants ont conscience des dangers encourus par notre société devant la mise en place d’une structure (Base-élèves) qui, sous prétexte d’améliorer la gestion des "ressources", permettrait, à terme, la constitution d’un fichier national des élèves. Danger d’autant plus grand que, si le projet de loi de "prévention de la délinquance" était adopté sous sa forme actuelle, les enseignants seraient tenus de renseigner ce fichier [1].

Vous trouverez ci-dessous des informations précises. Merci de les diffuser. Il est de la responsabilité de chacun de ne pas laisser se mettre en place un projet aussi lourd de menaces.

Rappelez-vous la déclaration de l’ancien président de la CNIL (de juin 1984 à janvier 1999), Jacques Fauvet : « si les traces informatiques que nous laissons aujourd’hui avaient pu être
exploitées sous l’Occupation, la Résistance aurait été brisée.
 »


Voir en ligne : Big brother entre à l’école : tous les élèves fichés à la base

Un texte syndical sur Base-élèves

Enseignants, pas flics ! [2]

Base-élève, c’est le nom choisi par le ministère de l’Education nationale pour baptiser son système de fichage informatisé de la maternelle au CM2. Déjà expérimenté dans 21 départements, il sera généralisé dès la rentrée à l’ensemble du territoire. Toutes les données familiales, sociales, scolaires et identitaires des élèves seront ainsi transmises par les directeurs d’école à l’IEN, à l’IA, puis au Rectorat pour terminer, via Internet, dans un fichier national partiellement accessible aux maires.

L’administration met en avant la nécessité de centraliser ces données pour des besoins statistiques ainsi que l’aide apportée par ce dispositif aux directeurs d’écoles. Pourtant, ces justifications ne nous rassurent en rien sur la dangerosité d’un tel outil. Car la plupart des directeurs utilisent déjà un logiciel de gestion.

La véritable « plus » de Base-élève réside surtout dans certains champs à renseigner, qui nous en disent long sur les besoins statistiques invoqués : nationalité, résultats scolaires, suivis RASED, langue et culture d’origine, absences, intervenants éventuels, situation familiale, santé, date d’entrée en France... Autant d’items qui montrent à l’évidence que le besoin éducatif des jeunes n’est pas la seule raison d’être de Base-élève. Car si ce n’est pour contrôler étroitement les populations étrangères, en quoi la nationalité d’un enfant ou son année d’arrivée en France nous intéresseraient-elles ? C’est ce qu’a confirmé l’Inspection d’académie des Pyrénées-Orientales, où Base-élève est expérimentée depuis 2004, en reconnaissant « être la plus grande source d’information sur l’immigration ».

Dans un contexte où la nouvelle orthodoxie politique amalgame « familles issues de l’immigration » et délinquance, la Base-élève est d’autant plus dangereuse qu’elle centralise et croise des informations personnelles. Elle se situe dans la droite ligne du rapport Bénisti
 [3] qui, pour prévenir « les comportements déviants », préconisait la détection précoce des troubles comportementaux infantiles. Pour ce faire, le rapport associait délinquance et langue maternelle et proposait une « culture du secret partagé » entre services publics afin de signaler à la police, via le maire, toute « personne présentant des difficultés sociales, éducatives ou matérielles ». Or ce rapport parlementaire a largement inspiré la loi contre la délinquance que N. Sarkozy fera adopter en septembre... par le parlement. Une loi qui, entre autre, conditionnera le versement des allocations familiales à un contrôle renforcé de l’assiduité scolaire, et imposera le partage du secret professionnel entre policiers, magistrats, enseignants et travailleurs sociaux. Toute relation avec Base-élève est-elle purement fortuite ? Il est d’autant plus difficile de le croire que si les renseignements de Base-élève sont en principe anonymement centralisés à Orléans, « l’anonymat peut-être levé en fonction des besoins de l’administration ».

Au moyen de Base-élève, ce sont donc les données personnelles de tous les enfants, et à terme de toute la population, qui seront centralisées et partagées entre institutions ; un fichage généralisé que rien ne protège d’ailleurs des intrusions privées puisque ces informations, personnelles et confidentielles, transiteront par Internet
 [4].

Les risques de dérives de Base-élève à des fins de contrôle social sont donc patents, et les menaces pesant sur les libertés individuelles de chacun aussi. Pour Sud éducation, Base-élèves n’est pas un outil au service des besoins éducatifs de la jeunesse, c’est l’instrument d’une politique sécuritaire et policière. En conséquence, nous demandons l’abandon du fichier Base-élèves et appelons les collègues à se réunir en conseil des maîtres pour élaborer et transmettre à l’IEN leur prise de position, à informer les parents d’élèves des risques encourus par leurs enfants et, a minima, à refuser de rentrer les données sensibles dans ce fichier.

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Où en est Base-élèves ?

Le projet ministériel concernant Base-Elèves pour le premier degré est présenté sur EduSCOL, "site pédagogique du ministère de l’Education nationale " [5]. On y lit ceci :

L’expérimentation de la "Base élèves 1er degré" a débuté le 13 décembre 2004 sur un échantillon d’écoles de cinq départements : Essonne, Gironde, Loir-et-Cher, Orne et Puy de Dôme.

Au cours de l’année 2005, d’autres départements ont également démarré l’expérimentation : Hautes-Alpes, Haute-Vienne, Marne, Savoie, Pyrénées-Orientales, Val-de-Marne, puis Alpes Maritimes, Loire, Meurthe et Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Somme, Tarn, Territoire de Belfort, Vienne.

En 2006, se sont ajoutés tous les départements des académies de Toulouse et de Montpellier ainsi que : Bouches du Rhône, Calvados, Charente, Charente Maritime, Dordogne, Doubs, Drôme, Finistère, Haute-Savoie, Haute-Saône, Hauts-de-Seine, Ille-et-Vilaine, Indre, Indre-et-Loire, Loire Atlantique, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Manche, Moselle, Oise, Seine Saint-Denis, Seine Maritime, Yvelines.

EduSCOL consacre un autre dossier à la présentation du logiciel SCONET [6]. En revanche, on ne trouve quasiment rien sur ce site officiel, concernant l’introduction de Base-élèves dans le second degré.

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Une prise de conscience très variable

Ce qui précède explique sans doute les deux phénomènes que l’on peut observer concernant la mobilisation des enseignants :

• D’une part, les enseignants du premier degré semblent plus souvent conscients de l’importance du problème que ceux du second degré. C’est ainsi que le SNUipp, syndicat des enseignants du 1er degré de la FSU, a réagi en donnant des consignes suivantes [7], contrairement au SNES, syndicat des enseignants du secondaire de la FSU, qui n’a pas encore réagi de façon visible.

Le SNUipp appelle à ne pas remplir les rubriques concernant :

  • la nationalité,
  • le séjour des enfants en France (et la durée),
  • les signalements et suivis par le RASED.
• D’autre part, la mobilisation est très variable d’un département à l’autre. C’est ainsi que le SNUipp des Alpes Maritimes « demande aux directeurs de ne pas remplir les champs concernant la nationalité et du suivi RASED de l’élève »  [8], alors que le site Internet du SNUipp du Var ne comporte pas d’allusion à Bases-élèves : ces deux départements font partie de la même académie (celle de Nice), mais seul le premier a expérimenté Base-élèves.

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Des actions unitaires

La situation commence à être bien comprise un peu partout en France, et des actions unitaires sont lancées avec les parents d’élèves. En voici deux exemples.

  • Les syndicats d’enseignants - SNUipp-FSU, Sgen-CFDT, SUD-Education et Snudi-FO - du Maine et Loire et la FCPE49 proposent aux enseignants des écoles d’adresser la lettre suivante aux parents d’élèves [9] :

Madame, Monsieur,

L’administration de l’Education Nationale va mettre progressivement en place, dès cette année, un système de gestion centralisé des élèves. Ce système est appelé Base-Élèves.

Tous les élèves seront fichés dans un fichier informatique unique, centralisé au niveau national. Pour chaque élève, les directeurs d’école devront indiquer notamment les redoublements, les aides diverses (RASED), la nationalité, la date d’arrivée en France, la langue et culture d’origine, etc.

Jusqu’à présent, chaque école constituait son propre fichier pour gérer les élèves, mais ce fichier restait dans l’école. Il n’y avait pas de centralisation ni de risque de croisement avec d’autres fichiers.

Il n’est absolument pas nécessaire pour le bon fonctionnement des écoles d’avoir un fichier national de tous les élèves. Les autorités de l’Education Nationale ont besoin de renseignements statistiques, pas du cursus de chaque élève. A ce titre, Base-Élèves constitue une énorme machine, vraisemblablement inutile, mais qui présente un risque majeur de fichage des enfants.

Ce fichage des jeunes peut être perçu, par vous comme par nous, comme une atteinte aux libertés individuelles. En effet, dans l’attente d’un avis favorable définitif de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté) rien ne permet aujourd’hui de garantir aux familles l’accès aux données saisies et le droit de correction.

Pour autant, conformément à la Loi Informatique et Liberté du 6 janvier 1978, il faudra votre accord explicite pour la saisie des données concernant votre enfant. L’Education Nationale devra vous demander votre avis.

Nous souhaitons vous informer de ce nouveau dispositif et nous vous signalons que cette question sera exposée lors du premier Conseil d’École de l’année.

Veuillez recevoir, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.

Le Conseil des Maîtres

  • Le 24 octobre 2006, le conseil d’administration du Lycée du Golfe à Gassin a adopté (par 16 voix pour et 4 abstentions - il y avait 3 absents) la motion suivante présentée par les élus CGT, SNES, FCPE, SNETAA. [10]

Le projet de loi dit de prévention de la délinquance va être discuté prochainement à l’Assemblée Nationale. Il a déjà été adopté par le Sénat le 21 septembre dernier.

L’article 9 du texte de loi concerne plus particulièrement l’Education Nationale. Il comporte des dispositions inquiétantes pour le respect des libertés et de la vie privée des élèves et de leur famille.
Un fichier sera créé en mairie sur des données personnelles des enfants scolarisés, alimenté par les informations de l’inspection académique, transmises par les établissements, et de la CAF.
Le maire sera également informé par les chefs d’établissements scolaires des exclusions temporaires ou définitives, des abandons en cours d’année.
Par ailleurs, lorsqu’un chef d’établissement saisira l’inspecteur d’académie pour que ce dernier adresse un avertissement aux parents, le maire en sera informé.

Nous sommes très inquiets des conséquences qui résulteraient de l’application de ce texte pour les libertés fondamentales des familles et de la plupart des élèves.

Nous soulignons également le risque d’incompatibilité entre les démarches éducatives et citoyennes de l’Ecole, fondées sur le dialogue, l’apprentissage progressif de la vie en société, le respect de chacun, l’ouverture aux autres, la confiance, et des mesures de nature policière fondées sur la méfiance envers les jeunes et la renonciation à les aider face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer.

Nous nous adressons à l’ensemble de la communauté scolaire afin qu’elle mesure les aspects négatifs et dangereux de ce texte de loi.

Nous demandons que Madame le Proviseur informe l’ensemble des personnels, des élèves, et des familles, des modalités d’application de cette loi, au lycée Jean Aicard, si elle devait être adoptée en l’état, afin que chacun soit en mesure de prendre ses responsabilités face à une telle atteinte aux libertés.

Nous invitons l’ensemble des membres du Conseil d’Administration à soutenir cette motion.

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Il faut réagir :

  • Les enseignants ne sont pas des flics ! Ils ne doivent pas devenir des rouages de la politique sécuritaire qui se met en place.
  • Il faut alerter la population, notamment les parents d’élèves : un fichage de leurs enfants se prépare - à leur insu.

Après la journée nationale de mobilisation du 10 octobre 2006, le Collectif National Unitaire de Résistance à la Délation [11] appelle à une nouvelle journée nationale de mobilisation contre le projet de loi de prévention de la délinquance avec manifestation nationale à Paris :

samedi 18 novembre 2006

Notes

[1Comme nous l’avons exposé dans big brother entre à l’école : tous les élèves fichés à la base, l’Education nationale est concernée par les articles 5 et 9 du projet de loi de prévention de la délinquance. À la date du 25 octobre 2006, ce projet de loi a été adopté, et quelque peu durci, par le Sénat ; il doit maintenant être examiné par l’Assemblée nationale — à une date qui sera fixée par le gouvernement.

[2Texte de Sud Education.

[3Rapport préliminaire sur la prévention de la délinquance, Commission prévention du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité intérieure présidé par Jacques-Alain Bénisti, octobre 2004.

[4Login et mot de passe ne sont en rien des sécurités comme l’explique Jacques Henno dans Tous Fichés, L’incroyable projet américain pour déjouer les attentats terroristes, éditions Télémaque, novembre 2005.

[7Elles sont extraites du texte suivant, est publié sur le site national du SNUipp :

L’expérimentation ministérielle du nouveau système « base élèves » de gestion des écoles par internet se poursuit. Sa généralisation est prévue à la rentrée 2007.

Si « base élèves » répond à des besoins (outil commun, formation, assistance technique...) des questions importantes restent posées. Dans le contexte actuel, chasse aux « sans papier » et loi sur la délinquance, l’utilisation de données individuelles à des fins non scolaires comme la possibilité d’un fichage sont réels. Si le directeur est la seule personne pouvant renseigner tous les champs, I.A et I.E.N peuvent consulter et extraire des « fiches nominatives individuelles ». Un fichier centralisé est constitué au plan départemental. Sur ces points, le SNUipp s’est adressé à la CNIL pour avis. De plus, le syndicat a demandé au ministère d’anonymer les données accessibles à d’autres utilisateurs que le directeur d’école, de retirer les champs posant problème et réclame dans le courant du premier trimestre de cette année un bilan contradictoire sur la gestion de ce type de fichier.

Aujourd’hui en l’absence de réponse à ces différentes sollicitations, le SNUipp appelle : à neutraliser les champs « nationalité », « RASED » et « absentéisme » pour celles et ceux qui sont déjà dans l’expérimentation. Pour les autres, en attendant, il les invite à ne pas entrer dans l’expérimentation.

[8Vous trouverez sur le site Internet du SNUipp des Alpes-Maritimes la motion d’où est extraite cette directive syndicale, ainsi que le compte-rendu de l’audience avec l’Inspecteur d’Académie, le vendredi 25 août 2006.

[9Les syndicats SNUipp-FSU, Sgen-CFDT, SUD-Education et Snudi-FO du Maine et Loire appellent l’ensemble des écoles et des collègues à ne pas rentrer dans le dispositif "Base Elèves".
Voir le dossier : sudeduccation49.

[10Une motion analogue avait été présentée le 9 octobre au CA du Lycée Jean Aicard de Hyères (83) par les élus de la FSU et de la FCPE ; elle n’avait pu être soumise au vote, plusieurs membres du CA ayant invoqué leur méconnaissance de Base-élèves et du projet de loi de "prévention de la délinquance".

[11Le site Internet du CNU.


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