le gouvernement, par le biais de l’Education nationale, met en place le fichage de tous les enfants


article de la rubrique Big Brother > base élèves
date de publication : jeudi 20 septembre 2007
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Base élèves 1er degré est un système de gestion informatique de données personnelles qui d’ici deux ans concernera obligatoirement tous les enfants en âge d’être scolarisés dans l’enseignement élémentaire (public ou privé), y compris ceux qui le sont à domicile.

Comment ne pas voir le danger du système mis en place par le ministère de l’Education nationale avec l’objectif affiché de simplifier les tâches de direction : à terme, à la rentrée 2009, il permettra de centraliser de nombreuses informations — ne serait-ce qu’au niveau départemental — grâce à un fichier unique auquel l’administration centrale aura accès un jour ou l’autre, pour un usage que nous ne maîtriserons pas.

Et pourquoi donc l’administration tient-elle tellement à garder le champ “nationalité” ? Croyez-vous que ce soit pour faciliter la gestion de la cantine ?


L’éducation nationale généralise son fichier national des élèves du primaire

par Luc Cédelle, Le Monde daté du 21 septembre 2007

Un courriel, envoyé le matin du lundi 17 septembre par l’inspection académique du Haut-Rhin à 850 directeurs d’école, pour leur demander de « faire savoir dans la journée » les cas d’élèves « sans papiers » dans leur établissement, relance le débat sur le fichage des populations [1].

L’inspection a invoqué une « erreur ». Mais à l’issue du conseil des ministres, mercredi 19, le ministre de l’éducation, Xavier Darcos, a regretté la « maladresse » de son administration. Il n’y a « évidemment pas de volonté d’identifier les élèves qui dépendent de familles d’immigrés », a-t-il assuré. L’inspecteur d’académie du Haut-Rhin est convoqué jeudi au ministère pour s’expliquer.

Les réactions s’accumulent. Car l’incident ravive la contestation liée à la mise en place du nouveau fichier « Base élèves » de l’éducation nationale. Ce fichier, déclaré à la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) en décembre 2004, expérimenté depuis dans une vingtaine de départements, est en cours de généralisation.

Il doit être opérationnel dans les écoles à la rentrée 2009. Sa vocation est de rassembler les données individuelles (état civil, domicile, famille et suivi de scolarisation) de tous les élèves, de la maternelle au CM2. Chacun sera doté d’un « identifiant national ». Des informations sensibles sont prévues - la nationalité de l’enfant et, de manière facultative, la date d’arrivée en France de ses parents, sa culture d’origine et la langue parlée à la maison. Le fichier doit permettre le partage d’informations entre directions d’école, mairies, inspections de circonscription et inspections académiques.

Ses opposants, dont les associations de défense de sans-papiers, ont lancé des appels au boycott. Mais ils peinent à mobiliser les enseignants. Hostile au boycott, le SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire, appelle ses adhérents à ne remplir ni les champs facultatifs liés à l’origine de l’élève, ni celui consacré à sa nationalité. « Il existe déjà, dit-il, des fichiers analogues dans le secondaire, qui n’ont jamais posé de problèmes, et ceux des services sociaux contiennent des informations bien plus sensibles », temporise Gilles Moindrot, secrétaire général. Le responsable syndical souligne que les données nominatives ne sont accessibles qu’au niveau local et ne remontent pas jusqu’aux rectorats. « Les affaires de sans-papiers ne sont pas déclenchées par des informations émanant de l’éducation nationale », ajoute-t-il.

« OUTIL DE GESTION »

Le ministère insiste sur le caractère « d’outil de gestion » de « Base élèves ». Mais des enseignants s’alarment du croisement éventuel de ces données avec d’autres fichiers. « Refuser la case nationalité n’est pas suffisant, explique une enseignante sur une liste de discussion Internet. La numérisation des populations est source de danger. La plupart des noms de famille suffisent à donner des informations précieuses : les Wu sont chinois, les Diop sont sénégalais... Et si l’on peut croiser les noms et les adresses, il devient facile de calculer les hébergés chez M. Diop et les sous-locataires de M. Wu... »

Du côté des maires, concernés par les prévisions d’effectifs, la gestion des cantines et le contrôle de l’obligation scolaire, l’opportunité de disposer d’informations fiables est appréciée. « Mais ce doit être cloisonné. Je n’ai besoin ni du suivi de la scolarité ni de la nationalité des élèves », dit Jean-Christophe Lagarde, maire (Nouveau Centre) de Drancy. Pour sa part, Jacqueline Gourault, maire (UDF, Modem) de la Chaussée-Saint-Victor (Loir-et-Cher), plaide pour la « prudence » sur le caractère national du fichier. Vice-présidente de l’association des maires de France (AMF), cette ancienne professeure d’histoire-géographie dit avoir « été étonnée que ça passe si facilement » auprès des enseignants.

Luc Cédelle

Certaines communes ont mesuré le danger de Base élèves :

Une délibération du Conseil municipal de Betton (Ille et Vilaine)

« L’Education Nationale a mis en place et souhaite généraliser l’utilisation d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « base élèves 1er degré ».

Ce système prévoit que toutes les données recueillies (familiales, sociales, scolaires et identitaires) soient transférées à partir de cette base élèves par les directeurs d’école à l’inspecteur de l’Education Nationale, à l’Inspecteur d’Académie, puis au Rectorat pour terminer dans un fichier national via internet.

De nombreuses données personnelles vont ainsi remonter jusqu’au Rectorat et vers l’Administration Centrale. Cela concerne par exemple les origines géographiques, les difficultés scolaires, l’absentéisme, le suivi médical et psychologique éventuel ainsi que la situation familiale de l’enfant.

Ces données sont déjà, certes, actuellement partagées entre les différents acteurs locaux de l’Education Nationale. Leur remontée à un niveau supérieur, leur conservation au fil des années et leur recoupement possible avec d’autres bases de données posent un réel problème concernant l’exercice des libertés individuelles.

Par ailleurs, les parents d’élèves n’ont reçu qu’une information très succincte concernant la mise en place de cette base-élèves.

De plus le droit essentiel à la confidentialité sur les informations recueillies (dont certaines relèvent du secret professionnel) n’est pas garanti. La sécurisation annoncée des données a été à plusieurs reprises mise à mal.

Le Conseil municipal de Betton est particulièrement attentif à la position de la Ligue des Droits de l’Homme : « Parce qu’elle refuse une société où les individus seraient mis en fiche dès le plus jeune âge, parce qu’elle pense que les familles doivent pouvoir continuer à faire confiance à l’école, parce qu’elle n’accepte pas que ces fichiers se mettent en place en absence de tout débat public, la LDH demande que le Ministère de l’Education Nationale mette fin à cette expérimentation qui porte atteinte au respect des libertés individuelles et notamment à celui du droit au respect de la vie privée. »

Ces atteintes aux libertés individuelles couplées aux difficultés techniques de mise en œuvre rencontrées conduisent le Conseil municipal de Betton à demander fermement à l’Education Nationale de mettre fin à l’expérimentation « base-élèves ».

Conclusions adoptée à l’unanimité. »

Betton, le 11 juillet 2007

Notes

[1Voir article 2263.


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