“ base élèves : éducation ou fichage ? ”, par Manuel Boucher


article de la rubrique Big Brother > base élèves
date de publication : jeudi 13 mars 2008
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La loi du 5 mars 2007 confère aux communes
des moyens nouveaux d’action, des prérogatives légales et même des obligations en matière de “prévention de la délinquance”. Elle y associe l’école et différents acteurs sociaux. La circulaire de l’Education nationale pour la rentrée 2007 insistait sur la « nécessité de mobilisation et de coordination des différents acteurs dans un objectif de “coproduction de sécurité” » et rappelait que « les écoles, les collèges et les lycées [...] participent à la prévention de la délinquance. »

Le dossier publié par le groupe Claris dans le dernier numéro de sa revue consacré à La municipalisation des politiques de sécurité [1], comporte un bon article de synthèse traitant du domaine de l’éducation — du rapport Bénisti à base élèves en passant par la loi dite de “prévention de la délinquance”. Nous remercions son auteur, le sociologue Manuel Boucher, de nous avoir autorisé à le reproduire.


Municipalisation de la prévention de la délinquance et généralisation du fichier « base élèves » : éducation ou fichage ?

Depuis 2002 (période électorale d’hystérie sécuritaire politico-médiatique), les violences et l’insécurité sont au coeur des débats politiques. Un climat général de défiance s’installe vis-à-vis des jeunes, notamment ceux des milieux populaires. L’immigration et la délinquance sont largement assimilées. En 2005, le rapport Bénisti (qui a largement influencé la dernière loi sur la prévention de la délinquance) préconisait le dépistage précoce des comportements déviants et définissait la langue maternelle non francophone comme un facteur possible de délinquance. Le même rapport (Bénisti) soulignait la nécessité d’établir une culture du « secret partagé » entre les services scolaires, municipaux et de police. Un an plus tard, un rapport de l’INSERM préconisait le dépistage des troubles mentaux et déviants dès la crèche. Durant la campagne présidentielle de 2007, notamment après le traumatisme des émeutes urbaines de l’automne 2005, les violences et la délinquance juvénile sont toujours une préoccupation de la campagne électorale. Une surenchère politico-médiatique sur les questions de sécurité s’exerce entre Nicolas Sarkozy (candidat de l’UMP), qui a construit toute son identité politique sur sa capacité à réduire fermement la délinquance et le sentiment d’insécurité, et Ségolène Royal (candidate PS) qui affirme dans les médias que pour lutter contre la délinquance des jeunes, il faut mettre en oeuvre des « lieux d’encadrement à dimension militaire ». Schématiquement, deux types de discours s’imposent : Il faut être plus dur avec les délinquants juvéniles ; d’autres discours, moins nombreux, soulignent qu’il faut aussi agir sur les causes sociales et économiques de l’augmentation des crimes (être dur avec le crime et les causes du crime). Quoi qu’il en soit, notamment sous l’influence des médias, les idées communément admises soulignent que nous assistons à une augmentation des violences des mineurs ; à un raffermissement des auteurs des violences ; à une justice de plus en plus laxiste ; à une décomposition des capacités d’action éducative vis-à-vis des jeunes de plus en plus durs. Dans tous les cas, les habitants des quartiers populaires (les jeunes et leurs familles) sont stigmatisés, voire « barbarisés » (sauvageons, racailles…). Dans le même temps, les acteurs éducatifs tels que les travailleurs sociaux, sont décrédibilisés car accusés de ne pas être suffisamment efficaces pour maintenir l’ordre et la tranquillité publique. Ils sont aussi accusés de privilégier l’« excuse sociologique » vis-à-vis de la délinquance juvénile et d’être réfractaires aux forces de police. Les enseignants sont quant à eux, non plus seulement tenus de transmettre et de faire acquérir des connaissances et des méthodes de travail, de concourir à l’éducation, à la responsabilité civique et à l’épanouissement du sens critique mais également de participer à la prévention de la délinquance (loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 - article 12). Dans ce contexte, la loi relative à la prévention de la délinquance promulguée le 5 mars 2007 (publiée au Journal Officiel le 7 mars 2007) d’une part, et le développement du fichage des individus par la généralisation du fichier « Base élèves » d’autre part, paraissent être une réponse politique à ces craintes. Il s’agit d’accroître le contrôle social des individus, de rationaliser et d’informatiser la gestion des risques à défaut de vouloir rénover l’organisation de la solidarité collective et de l’école laïque pour tous. Ce texte est donc organisé en deux parties : la première fait le point sur la loi sur la prévention de la délinquance et ses enjeux ; la seconde questionne la pertinence éducative du fichier « Base élèves » mis en oeuvre dans les écoles primaires par l’éducation nationale en partenariat avec les municipalités.

La loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007

Sans développer tous les éléments nombreux de cette loi proposée par Nicolas Sarkozy, à l’époque Ministre de l’Intérieur, celle-ci est associée à une croyance forte : « la crainte de la sanction est la première des préventions » (discours de Sarkozy du 11 janvier 2007). La loi durcit les sanctions contre les mineurs (modification de l’Ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante) : adaptation des mesures de comparution immédiate aux mineurs (procédure de présentation immédiate devant le juge des enfants) ; élargissement de la médiation – réparation ; diversification des mesures de contrôle judiciaire pour les 13-16 ans ; création de nouvelles sanctions éducatives pour les plus jeunes (10-13 ans), comme le placement, pour mettre en oeuvre un travail psychologique, éducatif, social portant sur les faits commis ; l’excuse de minorité (division par deux de la peine applicable aux mineurs) est remise en cause : les juges peuvent désormais écarter l’excuse de minorité (sans motivation, en cas de récidive) pour les mineurs à partir de 16 ans ; possibilité de recourir à la procédure de composition pénale (peines alternatives aux poursuites pénales) évitant l’action devant une juridiction pénale. Par ailleurs, des dispositions répressives diverses sont instaurées : l’occupation abusive des halls d’immeuble est plus durement sanctionnée (les propriétaires doivent utiliser tous les moyens légaux pour faire cesser les nuisances) ; de nouveaux délits apparaissent comme le « guet-apens » et l’embuscade contre les policiers ; le « vidéo-lynchage » (happy-slapping). Mais surtout, la loi fait du maire le « pivot » de la politique de prévention (à noter que le volet sur la santé mentale amalgamant malade et délinquant a été retiré sous la pression des psychiatres). Les maires sont dorénavant les dépositaires d’un certain nombre de données scolaires, judiciaires et sociales sur les administrés. Ainsi, malgré les nombreuses protestations des associations professionnelles du travail social, le « secret partagé » remplace le « secret professionnel » (article 8). Dès lors, pour certains juristes (Syndicat de la magistrature), cet article de loi entraîne un fait majeur : le maire est devenu le supérieur hiérarchique des travailleurs sociaux. Quoi qu’il en soit, le maire est destinataire de toutes les informations sociales, judiciaires et médicales concernant des citoyens : il est doté de pouvoir de justice, de sanctions civiles et financières. De plus, le maire a de nouveaux pouvoirs de sanction pour agir contre les « parents défaillants » : il peut saisir le juge pour mise sous tutelle des prestations familiales ; il peut effectuer un rappel à l’ordre à l’encontre d’un administré, notamment d’un mineur pour trouble à l’ordre public ; il peut également créer un « Conseil pour les droits et devoirs des familles » (article 9) qu’il préside : il s’agit de réunir au sein de ce Conseil des personnes oeuvrant dans les domaines de l’action sociale, sanitaire et éducative, de l’insertion et de la prévention de la délinquance pour examiner (entre autres) avec des familles en difficulté les mesures d’aide à l’exercice de la fonction parentale (stages de responsabilité familiale). Si les mesures préconisées ne sont pas respectées, le Conseil peut saisir le Conseil Général (contrat de responsabilité parentale) ou la justice.

Le maire peut aussi mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, relatives aux enfants en âge scolaire. Alimenté par les établissements scolaires, l’inspection d’académie mais aussi par la CAF, ce fichier municipal lui permettra de centraliser des informations y compris relatives à l’absentéisme des élèves [2]. A ce fichier s’ajoute de manière aussi préoccupante le fichier « Base élève » propre à l’Education nationale.

L’institutionnalisation du fichier « Base élèves »

Dans cette dynamique de recomposition du contrôle social et d’accroissement du pouvoir des maires sur les enfants et leur famille que le système de recensement et de fichage des élèves scolarisés dès l’âge de trois ans jusqu’au CM2, dit « Base élèves », inquiète de nombreuses personnes et associations soucieuses de défendre les libertés individuelles fondamentales. Des organisations syndicales d’enseignants soulignent que dans le contexte actuel d’arrestation et d’exclusion des sans-papiers et de durcissement de la loi sur la délinquance des mineurs, « l’utilisation de données individuelles à des fins non scolaires comme la possibilité d’un fichage sont réelles ». Mais qu’est-ce que la « Base élèves » ?

Ce système est expérimenté depuis décembre 2004 et a été généralisé en 2008. Mais en 2007, près de 80 % des écoles utilisaient déjà ce fichier. Le ministère de l’éducation nationale dit avoir mis en oeuvre un système d’information « pour aider à la gestion des élèves et au pilotage académique du 1er degré ». Selon l’éducation nationale l’application informatique permet en effet d’effectuer les opérations suivantes : l’inscription scolaire, sous la responsabilité du maire ; l’admission d’un élève par le directeur d’école ; la répartition des élèves dans les classes et les groupes, le suivi de la scolarité et des passages ; la radiation d’un élève (et procédure de non fréquentation) ; la gestion courante du directeur d’école (édition de listes d’élèves, fiches de renseignements, documents administratifs) ; le suivi des effectifs au niveau de l’école ; l’attribution automatique de l’identifiant national de l’élève (INE) ; le suivi des effectifs au niveau de l’IEN, l’IA et le rectorat ; la prévision des effectifs de l’école ; l’utilisation de la Base par l’IEN, l’IA et le rectorat, l’amélioration des statistiques académiques et nationales.

Dans la pratique, il s’agit de partager des informations entre l’éducation nationale et les communes (directeurs d’école, mairies, inspecteurs de circonscription, inspecteurs d’académie). Les objectifs du système « Base élèves 1er degré » affichés par l’éducation nationale sont la facilitation du travail administratif du directeur d’école et des échanges d’informations avec les inspecteurs de l’éducation nationale et académiques ; le partage des informations avec les mairies et le suivi du parcours des élèves. Les bases de données sont nominatives et ont été déclarées à la CNIL en 2004. Les bases de données nominatives sont accessibles « uniquement » aux acteurs locaux (directeurs d’école, mairies, inspecteurs de circonscription, inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux). Les rectorats et l’administration centrale n’ont accès qu’aux données anonymes pour permettre des suivis statistiques. Dans tous les cas, « Base élèves » a avant tout été pensé pour échanger et stocker des informations entre l’école et la mairie. On peut ainsi lire sur le site de l’Inspection Académique de Seine-Maritime : « Base Elèves 1er degré : il s’agit de proposer aux éditeurs des logiciels de Mairie ou de Directeur d’école ainsi qu’aux villes réalisant elles-mêmes leurs propres applications informatiques, des solutions d’interface permettant d’échanger des données avec Base Elèves 1er Degré ». Par ailleurs, on peut noter qu’après de fortes contestations, notamment du « Réseau éducation sans frontières » (RESF), depuis octobre 2007, le ministre de l’Education nationale a confirmé que les directeurs d’école n’ont plus à renseigner trois données dans le logiciel « Base élèves » : la nationalité des élèves, leur langue de culture d’origine, la date d’entrée en France des enfants de nationalité étrangère. Cependant, nous avons pu constaté qu’actuellement ces items apparaissent encore sur les fiches de renseignement des directeurs d’école (une étoile souligne seulement que ces données ne sont pas obligatoires). Dans ces conditions, malgré la suppression officielle de toute référence à la nationalité, des syndicats et la « Ligue des droits de l’homme » (LDH) revendiquent toujours la suppression pure et simple, dans son intégralité, du fichier « Base élèves ». En revanche, contre toute attente, le bureau national de la FCPE communique une note d’information le 1er février 2008 qui participe à troubler, voire à casser les mobilisations collectives qui se mettaient en place un peu partout en France, notamment sous l’impulsion des comités locaux de la Fédération des conseils de parents d’élèves. En effet, ne voulant pas remettre en cause à priori les garanties apportées par le gouvernement concernant notamment l’absence de transfert de données sensibles aux mairies, cette note indique que « la FCPE ne s’oppose pas à la mise en oeuvre du logiciel « base élèves premier degré ». (…) Refusant de s’inscrire dans une démarche qui repose sur des approximations et entretient un climat de suspicion, la FCPE n’est pas signataire de la pétition initiée par la Ligue des droits de l’Homme, tout comme deux des trois syndicats d’enseignants du premier degré (SE-UNSA et SGEN-CFDT). » Cependant, refusant de s’inscrire dans cette logique « naïve » considérée comme un acte de traîtrise par de nombreux militants antisécuritaires et parents d’élèves adhérents de la FCPE mais ne souhaitant pas donner quitus au gouvernement sécuritaire Sarkozy, à l’extérieur et à l’intérieur de la FCPE, le combat contre le système de fichage « base élèves » continue de s’organiser (voir le texte publié le 6 février 2008 par le groupe Claris sur son blog). Ces acteurs n’acceptent pas cette idée sousjacente au sein du système « Base élèves » : au lieu de se focaliser sur la compréhension des causes multiples propices au développement des difficultés scolaires, les pouvoirs publics jugent préférable de repérer des individus et des groupes à risque dans l’optique de sécuriser des espaces prompts au désordre et de contrôler les populations statistiquement susceptibles de produire des turbulences. Mais faisons la liste des principales critiques émises à l’encontre de ce fichier.

De fortes craintes de dérapages sécuritaires

« Base élèves » n’est pas la simple version informatique des anciennes fiches administratives remplies par les directeurs d’école et ne sortant pas des écoles. Les nombreuses données personnelles sont en effet centralisées au niveau académique. Les maires ont accès à ces données et suivent les enfants durant toute la durée de leur scolarité. Des organisations syndicales expriment dès lors une grande crainte que les fichiers « Base élèves » soient finalement interconnectés avec d’autres « fichiers », notamment ceux de la justice, des services sociaux, des caisses d’allocations familiales. Il apparaît donc possible de constituer au niveau municipal des « listes rouges » d’enfants et de familles considérés à risque qu’il faudrait surveiller tout particulièrement. Avec de tels fichiers, l’institutionnalisation de l’étiquetage négatif à vie de personnes et de familles un temps en difficulté est ainsi instauré. Il existe en fait un risque réel de détournement des objectifs officiels de « Base élèves » (outil administratif) en instrument informatique de contrôle social. Dans ce cas, l’école ne serait plus un espace de convivialité et d’éducation mais une institution de triage et de fichage des enfants et des familles d’où une perte de confiance des familles dans la « communauté éducative ». L’exemple des fichiers de police (FNAEG - Ficher national automatisé des empreintes génétiques-, ou du STIC -Système de traitement des infractions constatées-, comprenant 22 millions de Français fichés) devenus un « casier judiciaire bis » ayant des conséquences dramatiques dans le domaine de l’emploi, est un précédent qui est de mauvaise augure pour « Base élèves ». Il existe également la crainte, au nom de la rationalisation des services, que la récolte d’items sensibles renforce la stigmatisation de certaines catégories de populations, notamment des minorités ethno-culturelles : un responsable du service scolarité d’une grande ville de Seine-Maritime nous a indiqué qu’il avait un temps pensé pouvoir informatiser la religion des parents pour faciliter le comptage des repas « sans porc » à la cantine. A quand le recensement ethno-racial des enfants de la République ? (on peut signaler que le Conseil constitutionnel a récemment sanctionné l’article 63 sur les « statistiques ethniques » initialement intégré dans la dernière loi sur le contrôle de l’immigration). A quand le croisement de données sociales avec des données raciales jugées à risque ?

En outre, une forte critique concerne l’information aux familles de l’existence de « Base élèves ». Celle-ci n’a effectivement pas été réellement faite alors que les informations collectées interrogent fortement l’éthique. Y figure l’intégralité du parcours des enfants, redoublement, absentéisme, suivi en réseau d’aide incluant le soutien psychologique (le passif d’un enfant peut donc lui nuire tout au long de sa scolarité). Plus précisément, le volet « Besoins éducatifs » de « Base élèves » consigne toutes les données personnalisées de l’enfant : difficultés scolaires, suivi en Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) [3], projet d’accueil individualisé, intégration en CLIS, SAPAD (services d’assistance pédagogique à domicile) ; absentéisme ; suivi médical, psychologique, psychiatrique ; situation de famille (suivi social). Or, pour des enseignants, « aider un enfant ne se résume pas à cocher quelques cases. Dans tous les cas, cela ne peut pas justifier une rupture de confidentialité entre l’école et les familles. Face à l’ensemble de ces critiques, la Ministère de l’Education nationale se contente de réfuter l’ensemble de ces accusations assimilées à de la paranoïa. Pour l’Education nationale, les fichiers scolaires existent en effet depuis 1982 : SCONET est un système similaire à « Base élèves » mis en oeuvre depuis 10 ans dans le Secondaire sans que des problèmes soient remontés pour le moment. Pour autant, personne n’est à l’abri d’un Bug informatique comme ont pu le constater dernièrement 25 millions de Britanniques dont les bases de données personnelles sont parties « dans la nature » [4].

Pour autant, face aux dérives possibles de « Base élèves », des solutions existent : d’un côté, sans s’opposer à la modernisation et à la rationalisation de la gestion « opérationnelle » des élèves durant leur cursus scolaire, et d’un autre côté, aussi éviter les risques de fichage sécuritaire et stigmatisant des enfants et leurs familles, des syndicats et associations de droits de l’homme font appel aux directeurs d’école pour neutraliser plusieurs champs de « Base élèves » (nationalité, RASED, absentéisme et tout autre item pouvant nuire au développement de l’enfant). Les parents (lors des conseils d’école) peuvent également s’assurer que l’ensemble des données problématiques sont effacées chaque fin d’année. Malgré sa note d’information (voir plus haut), la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) a néanmoins demandé au niveau national que « Base élèves » ne contienne que des données utiles à la scolarité des enfants et surtout que ces données ne soient pas consultables par des tiers, notamment les services municipaux. La LDH de Toulon appelle même à la « désobéissance civile » (voir les conseils pratiques aux parents et aux enseignants sur www.ldh-toulon.net et signer la pétition du collectif rennais CORRESO contre la Base élèves sur le site Internet : http://petition.bigbrotherawards.eu...).

Conclusion

Pour socialiser les enfants, notamment ceux des milieux populaires, faut-il se satisfaire du renforcement du contrôle social, de la surveillance et de la délation des jeunes et des familles désignés comme particulièrement à risque ou, au contraire, tenter d’autres formes d’actions, notamment la mise en oeuvre d’une réelle politique de prévention, cette fois, non confondue avec une politique de répression ? Dans la pratique, il s’agit dès lors de donner des moyens à la justice, aux travailleurs sociaux professionnels, aux associations laïques, aux enseignants, de favoriser la mise en oeuvre de projets pédagogiques innovants et de respecter la culture professionnelle des acteurs éducatifs (la loi de prévention du 5 mars 2007, en annulant le secret professionnel des travailleurs sociaux vient remettre en question leur capacité d’agir. Donc, quelle confiance donner à des acteurs sociaux perçus comme des délateurs ?). Plus généralement, il s’agit de ne pas céder aux logiques simplistes de désignation des « bons jeunes » et des « mauvais jeunes », des « bons parents » et des « mauvais parents », des « bons immigrés » et des « mauvais immigrés », de ne pas abandonner le combat politique pour faire disparaître le retour de « l’incertitude de l’existence » (décomposition de l’Etat-providence, précarisation de l’emploi), d’établir de l’égalité dans l’accès à l’école, à l’emploi, au logement… Paradoxalement, nous avons montré (Turbulences. Comprendre les désordres urbains et leur régulation, éd. Aux lieux d’être, 2007) que c’est lorsque les logiques sécuritaires et de contrôle l’emportent sur les logiques d’intégration, de prévention, de reconnaissance et de confiance que les violences éclatent. Contrairement aux idées reçues, nos sociétés dérégulées (d’un point de vue politique et économique) ne sont pas confrontées à de l’anomie ou de la désorganisation sociale mais à de l’hyper-contrôle social et à la multiplication des inégalités et des injustices sociales.

Manuel Boucher, sociologue

Notes

[1Le numéro 4 de la revue du groupe Claris, consacré à La municipalisation des politiques de sécurité est librement téléchargeable : http://90plan.ovh.net/ groupecl/IMG....

[2Voir les commentaires du décret du 14 février 2008 sur le blog claris : http://groupeclaris.wordpress.com/

[3Créés en 1990, par transformation des GAPP, les Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté ont pour mission de fournir des aides spécialisées à des élèves en difficulté dans les classes ordinaires, en coopération avec les enseignants de ces classes, dans ces classes ou hors de ces classes. Il comprennent des enseignants chargés des aides à dominante pédagogique, les « maîtres E », des enseignants spécialisés chargés des aides à dominante rééducative, les « maîtres G » et des psychologues scolaires.

[4En novembre 2007, le Trésor public Britannique a égaré deux disques contenant la base de données des allocations familiales, soit les noms, dates de naissance, numéros de sécurité sociale et coordonnés bancaires des bénéficiaires. Or, le journal Libération du 22 novembre 2007 a retranscrit une interview de Ross Anderson, professeur en sécurité informatique à l’université de Cambridge qui assure qu’il s’y attendait : « Avec d’autres experts, nous avons cessé de prévenir le gouvernement contre le développement d’immenses systèmes centralisés, comme le Child Database recensant tous les enfants britanniques, leur histoire scolaire, sociale et médicale. Ailleurs, le nouveau système information de la NHS (le service national de santé) va rassembler les informations de 50 millions de patients. Ces bases de données sont impossibles à sécuriser ».


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