La version révisée du schéma départemental du Var est maintenant adoptée [1]. Pas de surprise ... mais la confirmation du retard considérable d’un département qui ne possède qu’une aire de grand passage – située dans une zone inondable [2].
La communauté d’agglomération toulonnaise se fait tout particulièrement remarquer dans ce domaine : sa première aire d’accueil a été inaugurée le 15 septembre 2012 – avant de se révéler également inondable. TPM prévoit une seconde aire d’accueil à la Chaberte sur la commune de La Garde, « projet » que la version révisée du schéma départemental considère comme « en cours de réalisation ». L’expression semble un peu prématurée car les « familles sédentaires », qui y sont actuellement installées, doivent être préalablement « relogé[e]s dans le cadre de la MOUS en cours » [3]. Mais aucune solution de relogement correspondant à leurs besoins ne leur ayant été proposée jusqu’à présent, on n’ose imaginer qu’il sera fait appel aux forces de l’ordre pour “libérer” le terrain qu’ils occupent actuellement ... [4]
Ces “insuffisances” dans le domaine de l’accueil des gens du voyage et dans la prise en compte des gens du voyage sédentarisés, ont valu à la France des condamnations au niveau du Conseil de l’Europe.
Voir en ligne : les familles de La Chaberte doivent être relogées !
Le schéma départemental
La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage prévoit l’élaboration dans chaque département d’un schéma départemental d’accueil des gens du voyage dans lequel doivent figurer toutes les communes de plus de 5 000 habitants.
Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage du Var a été approuvé le 17 avril 2003, pour la période 2003-2011.
Il concernait à l’époque 37 communes et préconisait la création de 17 à 18 aires d’accueil et de 7 aires de grand passage.
En fin de période, le bilan des réalisations dans le Var est bien mince :
La révision du schéma
Arrivé à échéance, et conformément à la loi, le schéma départemental adopté en 2003 a été soumis à révision, dans l’intention d’adapter l’offre en aires d’accueil ou de grand passage aux évolutions constatées. Cette version révisée du schéma a été approuvée le 15 octobre 2012 pour la période 2012-2018. Il concerne maintenant 43 communes.
Certaines communes ont transféré cette “compétence” à la communauté dont elles font partie et qui se substitue alors à elles. C’est notamment le cas pour la communauté d’agglomération de Toulon Provence Méditerranée (TPM).
En cas de transfert de la compétence, une commune n’est en conformité que dans la mesure où sa communauté a réalisé l’ensemble des prescriptions du schéma.
Nous nous limiterons, dans la suite, à la situation dans les communes de la communauté d’agglomération TPM, en reprenant certaines informations dont la plupart proviennent du schéma révisé [1].
Le territoire de TPM
Ce que le schéma départemental désigne par l’expression « bassin d’habitat Toulon 1ère couronne » correspond à quelques détails près au territoire de TPM, avec les communes suivantes : Carqueiranne, Hyères, La Garde, Le Pradet, La Valette-du-Var, La Crau, Saint-Mandrier, Six-Fours-les-Plages, La-Seyne-sur-Mer, Toulon, Ollioules.
Les prescriptions du schéma de 2003 :
L’état des réalisations en 2012 :
Les besoins identifiés au diagnostic :
Les prescriptions du schéma révisé à réaliser d’ici 2018 :
L’aire d’accueil de La Millonne inaugurée puis inondée [7]
Cette aire d’accueil des gens du voyage a été inaugurée samedi 15 septembre 2012, en présence du préfet du Var et des maires de Six-Fours, Ollioules et La Seyne.
Ce jour-là, à Six-Fours, était inaugurée la première aire d’accueil, réalisée par TPM. Une autre doit être livrée prochainement à la Garde, ajoutait Var-Matin. « Il ne reste plus qu’à déterminer un lieu d’implantation pour une aire de grand passage et nous serons en totale conformité avec la loi », s’est félicité le préfet.
Hélas ! six semaines plus tard, dans l’après-midi du 26 octobre, l’aire a dû être évacuée en urgence, une pluie diluvienne l’ayant recouverte de plus d’un mètre d’eau.
Les gens du voyage sédentarisés
Comme l’écrit le schéma révisé,
« Tous les spécialistes des Tsiganes font le constat du souhait d’un ancrage territorial d’un nombre croissant de familles. Les familles qui souhaitent disposer d’un point de chute pérenne gardent cependant un rapport à la mobilité et continuent d’effectuer des déplacements qui peuvent varier dans l’espace et dans le temps. »
Le schéma note l’existence de plusieurs types de situations dans le Var :
« 1. Des familles installées à l’année sur des aires d’accueil non homologuées (anciens “terrains désignés”). Ces familles ont arrêté le voyage depuis plusieurs années :
- Saint Cyr : 1 clan familial (5 ménages)
- La Garde : plusieurs clans familiaux sur le terrain de la Chaberte
- Hyères : 1 clan familial élargi (8 ménages) sur le terrain de la déchetterie
« 2. Des familles installées sur des terrains privés ou publics sans autorisation :
- La Crau : 1 clan familial (nombre de ménages indéterminé)
- La Seyne sur Mer : 1 clan familial (dont le relogement a été reconnu “prioritaire et urgent” par la commission DALO). »
Et le schéma départemental révisé de conclure (pages 36 et 42) :
« Les sédentaires installés sur le terrain de la Chaberte seront relogés dans le cadre de la MOUS [3] en cours.
Une nouvelle MOUS devra être lancée pour résoudre l’autre cas de sédentarisation (Hyères). »
Condamnation de la France au niveau du Conseil de l’Europe
La France a été condamnée en 2009 par le Comité européen des Droits sociaux – CEDS – au sujet des Roms et gens du voyage [8].
Dans sa décision du 19 octobre 2009 relative à la réclamation du Centre Européen des Droits des Roms, le CEDS a constaté que la France se trouvait en violation d’un certain nombre d’articles et notamment de l’article 31 §1 concernant le droit au logement, du fait du nombre insuffisant d’aires d’accueil disponibles, des mauvaises conditions de vie et des dysfonctionnements des aires d’accueil disponibles (insalubrité, problèmes d’accès à l’eau et à l’électricité), de l’insuffisance de l’accès au logement des gens du voyage sédentarisés (manque de terrains).
Voici en effet la conclusion de cette décision [9] :
Par ces motifs, le Comité conclut à l’unanimité, qu’il y a violation de l’article 31 § 1 de la Charte révisée :
en raison de la création insuffisante d’aires d’accueil ;
en raison des mauvaises conditions de vie et des dysfonctionnements des aires d’accueil ;
en raison de l’accès insuffisant au logement des gens du voyage sédentarisés.
Pour aller plus loin :
[1] Le schéma départemental du Var pour l’accueil et l’habitat des gens du voyage : http://www.var.gouv.fr/IMG/pdf/Sche....
[2] Pour la définition des termes utilisés – schéma départemental, aire d’accueil, aire de grand passage etc. – voir cette page.
[3] MOUS : maîtrise d’œuvre urbaine et sociale. Il semble s’agir d’un accompagnement des occupants pour « sortir d’un “habitat indigne” – voir cette circulaire : http://www.dguhc-logement.fr/infolo....
[4] Et pourtant ... ces familles ont reçu il y a quelques jours la visite de deux commissaires de police venus, semble-t-il, leur faire comprendre qu’elles devront quitter les lieux au cours des premiers jours de janvier 2013...
[5] Le site de la préfecture signale une cinquième aire à Puget-sur-Argens, mais celle-ci ne semble pas opérationnelle.
[6] Le schéma révisé annonce tantôt 20, tantôt 40 emplacements pour la future aire de La Chaberte.
[7] Sources : Var-Matin.
[8] La mission du Comité européen des Droits sociaux est de juger la conformité du droit et de la pratique des Etats à la Charte sociale européenne, un traité du Conseil de l’Europe qui sauvegarde les droits sociaux et économiques de l’homme, adopté en 1961 et révisé en 1996.
[9] Référence : Centre européen des droits des Roms (CEDR) c. France, réclamation n° 51/2008 : http://www.coe.int/t/dghl/monitorin..., page 36.