Où se feront les aires d’accueil des gens du voyage ?
Lenteurs administratives, problèmes de cohérence territoriale, de pression foncière, d’opposition des riverains, de mésentente entre édiles... Au coeur d’un conflit d’intérêts, le Schéma départemental pour l’accueil des gens du voyage - déjà présenté tardivement en 2003 - peine à se mettre en place.
Un dossier paru dans Var-Matin, le 6 avril 2006.
L’échéance, dont dépend l’attribution des subventions de l’État, a été repoussée une première fois à mai 2007 et pourrait l’être de nouveau. Ce qui ne serait pas pour déplaire à certains maires, heureux de reporter un débat hypersensible après la campagne municipale de 2008.
Reste que quelques communes, soucieuses de bénéficier des aides, ont bouclé leur dossier ou engagé les démarches. Ainsi, les premières pièces du puzzle départemental apparaissent : elles englobent des aires d’accueil anciennes à réaménager et des terrains réservés depuis longtemps.
Loin d’être achevé
Ailleurs, les prémisses ont donné lieu, soit à des réajustements géographiques (changement de bassins d’habitat pour coller au Schéma de cohérence territorial). Soit à des modifications en raison de la pression foncière. Soit à des contestations. Soit encore à une forme de résistance passive. Bref, le puzzle est loin d’être achevé. Var-Matin fait le point dans les principaux secteurs.
Roquebrune-sur-Argens redoute l’implantation d’aires illégales
Le 13 mars, Luc Jousse, le maire de Roquebrunesur-Argens, prenait le problème de l’installation durable des nomades à bras-le-corps en faisant... dresser un constat d’huissiers sur un terrain récemment racheté (Var-matin du 14 mars). Situé dans le quartier des Iscles à quelques mètres de l’Argens, en zone inondable et enregistré pour une vocation agricole dans le plan d’occupation des sols, ce terrain pourrait, selon le maire, devenir une plate-forme d’accueil pour gens du voyage. Après avoir constaté la présence d’un bulldozer utilisé pour faire tomber des arbres, la police municipale a escorté des huissiers sur place. Plusieurs constats ont été dressés, sans entrer sur la propriété privée.
« Il est nécessaire de dresser plusieurs constats s’il est avéré une destination autre que celle prévue au POS. L’abattage d’arbres n’est pas une infraction en soi, mais ces constatations sont indispensables si on veut justifier le détournement potentiel de ce terrain
boisé », dit un observateur proche du dossier. L’avocat de la commune a intégré les constats avec photos dans une plainte adressée au procureur de la République.« Pour préserver les terres agricoles »
Les services municipaux estiment à 1 000 personnes le nombre de nomades sédentarisés à Roquebrune, soit 10 % de la population régulière de la commune. Le rachat de terrains agricoles, par plusieurs familles, fait monter les prix. Par ailleurs, les responsables municipaux craignent que ces acquisitions n’entraînent un détournement de leur vocation initiale.
En étant l’une des rares villes du Var à avoir enclenché le processus préfectoral d’implantation d’une aire d’accueil pour nomades (lire ci-dessus), Roquebrune refuse d’être taxée de xénophobie. Et jure de n’agir que pour la préservation de ses terres agricoles.
S. M.
Sur le vif : la dernière réunion du conseil communautaire Comté de Provence [1]
[Un article de Var-Matin du 4 avril 2006.]Il en coûtera 1,6 M€, hors réseaux, pour réaliser l’aire d’accueil des gens du voyage à Brignoles (30 places), dont la finalisation est prévue en 2007. Rappelons qu’elle est imposée par la loi et que l’État menaçait de retirer ses subventions (426 840 €) si l’opération n’était pas rapidement engagée. La CCCP sera sollicitée à hauteur de 944 204 €. Interviendront également le conseil régional (125 418 €) et la CAF (136 538 €). Le dossier prévoit une aire gardée avec paiement dès l’entrée de provisions pour les frais de branchement ainsi qu’un suivi social...
Hubert Carnier (Châteauvert) sortait alors de ses gonds : « Il est inimaginable, scandaleux et anormal qu’on soit obligé de faire ces choses-là alors que certains de nos administrés sont en difficulté. Ces gens-là ne vont rien nous amener à part des emm... »J.-P. Guercin : « On les a déjà et c’est insupportable pour les gens qui les subissent. L’aire sera le seul moyen de recourir légalement aux expulsions lors d’implantations sauvages ». Bernard Vaillot (Camps) : « Espérons que l’État nous aidera quand ils seront deux cents ». Christian Rioli (Vins) : « C’est la loi, c’est tout. Nous devons la respecter, prendre nos responsabilités. C’est vrai que ça coûte cher, mais la plupart sont des concitoyens comme les autres... » Ramdane Sellah (Brignoles) : « Je ne comprends pas. Ce sont des citoyens français comme tout le monde. À Nice, on a réussi avec 250 familles ! ». Adopté, non sans arrière-pensées pour certains...
Situation particulière pour Fayence et Montauroux, inscrites au schéma départemental (bassin Fayence Est-Var) alors qu’elles sont en dessous des seuils préconisés par la loi. L’obligation d’équipement en aires d’accueil ne s’applique en effet qu’aux communes de plus de 5000 habitants.
Toulon : l’Agglo s’en mêle
Le plus gros dossier, celui du bassin d’habitat de Toulon, a été confié à Toulon Provence Méditerranée. Les missions de la communauté d’agglomération : recherche et acquisition des terrains puis réalisation des aires. Leur gestion devrait être sous-traitée à des associations ou des professionnels.
Les premiers contours se dessinent avec un terrain à 0llioules (à réhabiliter) ainsi que l’aire de la Ripelle à Toulon (à réhabiliter aussi). Plusieurs terrains sont pressentis pour des aires d’accueil permanentes : Six Fours (La Millonne, 30 places maxi) et au Pradet (20 places). Enfin, une aire de grand passage est aussi prévue à Hyères (sans doute à la Lurette), qui dispose déjà d’une aire d’accueil permanente.
[1] La CCCP [communauté de communes Comté de Provence - autour de Brignoles] est présidée par Jean-Pierre Guercin, maire de Brignoles.
Parmi les compétences optionnelles de la CCCP, on trouve "Création, gestion, entretien d’aires d’accueil à destination des gens du voyage".