l’accueil des « gens du voyage » dans le département du Var


article de la rubrique roms et gens du voyage > gens du voyage dans le Var
date de publication : mardi 10 juin 2008
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Le drame de Draguignan où un gitan sédentarisé a été abattu par un gendarme alors qu’il fuyait sa garde à vue, ne doit pas nous faire oublier le scandale de l’accueil réservé aux gens du voyage dans le département du Var (un exemple : l’aire de La Chaberte aux portes de Toulon).

L’association Rencontres Tsiganes [1] lance un cri d’alarme et propose des mesures d’urgence afin de sortir de l’impasse actuelle.

[Première mise en ligne le 9 juin, mise à jour le 10 juin 2008]

Un constat alarmant

Les graves évènements survenus récemment à Brignoles et Draguignan ont une nouvelle fois mis en lumière les tensions inquiétantes qui se développent entre les membres de la communauté des « tsiganes gens du voyage » et les institutions et la population de ce département. Voilà pourtant plusieurs années que nous tentons, en vain, d’alerter les pouvoirs publics et l’opinion sur les origines et les dangers d’une telle situation. Aujourd’hui les diverses formes de discrimination et parfois de harcèlement que nous constatons quotidiennement envers ces familles nous conduisent à lancer un cri d’alarme en insistant sur les risques de conflits graves que comporte un tel statut quo.

Rappelons les principaux points suivants :

Les personnes concernées dites « gens du voyage » sont des citoyens français dans leur très grande majorité et depuis de nombreuses générations. Ils bénéficient comme chacun, des droits de tous citoyens de ce pays et en particulier celui d’aller et de venir.

Contrairement à certains préjugés largement répandus, ce sont très majoritairement des travailleurs qui vivent de leurs métiers. Commerçants, artisans, le plus souvent travailleurs indépendants, ils sont inscrits aux registres du commerce ou des métiers et sont imposables. Leur histoire et leur culture leur font privilégier une mode d’habitat en caravane ou habitat léger.

Le droit à l’habitat et à un logement spécifique leur a été reconnu par la loi sur le droit au logement de 1990 confirmé par la loi du 5 juillet 2000. La réalisation de schémas départementaux d’accueil était censée répondre aux besoins de ces familles. Force est de constater que dans la Région mais plus particulièrement dans le département du Var, cette loi n’est pas appliquée. Cette situation de non droit est en grande partie à l’origine des tensions que nous constatons.

Une situation connue et analysée de longue date

« Afin de répondre à une demande spécifique toujours présente, la création de terrain d’accueil des voyageurs est indispensable. ….Il s’agit aussi d’une mesure nécessaire à la maîtrise du processus de sédentarisation tel qu’on l’observe actuellement dans le Var. La réalisation de terrains intercommunaux paraît la meilleure formule dans le contexte varois. »

Ceci est un extrait de la conclusion d’un rapport intitulé « la sédentarisation des familles tsiganes propriétaires de terrain dans le Var rédigé en décembre 1991.

Dix années plus tard, l’étude préalable au schéma départemental du Var, présentée en février 2002 à la commission départementale, reprenait les analyses faites dix années auparavant et préconisait des moyens permettant de répondre conformément à la loi du 5 juillet 2000, aux besoins des familles tsiganes qu’elles soient sédentaires ou voyageuses.

Ce rapport préconisait en particulier dans chaque bassin d’habitat, la réalisation d’aires d’accueil, de terrains grand passage et de terrains familiaux. Chaque projet était localisé en fonction d‘une observation précise des usages et des contraintes locales.

Ce document complet largement diffusé n’a, hélas, été repris que très partiellement par le schéma départemental définitivement approuvé quelques mois plus tard. Ce même schéma réduit qui devait être mis en application par les communes dans les deux ans est resté lettre morte à ce jour. Voilà trois ans que l’on annonce l’ouverture prochaine d’une nouvelle aire d’accueil. Or selon la synthèse nationale diffusée par le ministère du développement durable, à la date du 31 décembre 2007 une seule aire d’accueil (à Ollioules) comprenant 8 places est ouverte. Le taux de réalisation dans ce département est de 2% soit le plus faible de l’ensemble des départements français.

Des conséquences fâcheuses et dommageables

Cette non-conformité des pouvoirs publics par rapport à la législation de la République a des conséquences redoutables sur la situation des gens du voyage et sur le comportement de certains d’entre eux.

Faute de terrain d’accueil, ils sont amenés à réduire leur voyage en raison des contraintes économiques croissantes. Nombre de voyageurs décident alors, plus par nécessité que par choix d’acheter des terrains inconstructibles le plus souvent négociés auprès d’agriculteurs parfois peu scrupuleux sur le prix de la négociation …

On rappellera que le stationnement de caravanes sur des terrains inconstructibles est dorénavant réglementé par le nouveau code de l’urbanisme applicable depuis le 1er octobre 2007. Aucune autorisation n’est requise pour une durée inférieure à 3 mois. Cette durée est reconductible s’il s’agit de l’habitat permanent des intéressés. Le raccordement à l’eau et à l’électricité est une obligation légale de la part des organismes concessionnaires. Rappelons également que la loi prévoit que, dans chaque PLU (Plan local d’urbanisme), des zones doivent être réservées au stationnement des caravanes.

En méconnaissance de la réglementation ou pour des raisons parfois moins avouables, de nombreux élus du département s’opposent par tous moyens à l’installation de voyageurs dans leur commune.

Tout se passe comme si, dans le Var, on ne souhaitait la présence de tsiganes ni comme voyageurs ni comme sédentaires. Une telle attitude discriminatoire est condamnée par la loi française mais aussi, de plus en plus fréquemment par les diverses instances européennes et internationales. Le dernier rapport du Conseil de l’Europe rendu publique le 5 juin dernier « accuse la France de violer plusieurs dispositions garantissant le droit au logement… En raison de la mise en œuvre insuffisante de la législation relative aux aires d’accueil pour les gens du voyage …  »

Des préconisations pour sortir de l’impasse

Des mesures urgentes

1° Un moratoire sur les expulsions
Dans le contexte que nous avons décrit et afin de redonner aux gens du voyage un minimum de sécurité et d’espoir, nous demandons que la commission départementale décide d’un moratoire sur les expulsions de voyageurs pour une durée d’un an dans l’attente d’une remise à jour du schéma départemental d’accueil des gens du voyage.

2° Nomination d’un médiateur
Comme cela est prévu par la loi du 5 juillet 2000, nous demandons que soit désigné dans les meilleurs délais un médiateur qualifié auprès des services de l’Etat et qui aura pour mission d’être un interlocuteur auprès de gens du voyage afin de les informer de leurs droits et de les assister dans leurs contacts avec les municipalités. Les représentants de la communauté des voyageurs devront être consultés sur le choix de la personne.

3° Ouverture d’aires de grand passage provisoire
Dans l’attente de la réalisation effective d’aires de grand passage, des lieux d’accueil provisoires de grands groupes doivent être localisés en priorité sur des terrains à caractère public appartenant à l’Etat, au Conseil Général ou à toutes autres administrations publiques

Des mesures à court terme

4° Le fonctionnement de la commission départementale
- Conformément à la loi, elle devra se réunir au moins deux fois par an.
- Sa composition devra être revue en y incluant des représentants qualifiés des gens du voyage présents dans le département.
- Des commissions ou groupes de travail avec la présence des intéressés seront mis en place afin de traiter notamment de la gestion des aires d’accueil ; de la mise place de terrains familiaux ; de l’information des élus et du public sur la culture et les conditions de vie des tsiganes.

5° la révision du schéma départemental.
Elle doit être engagée sans délai afin de tenir compte d’une part de l’évolution des besoins des familles depuis les dernières enquêtes, d’autre par des réalisations prévues ou en court et du contexte local. Nous attirons toutefois l’attention sur le fait que cette révision ne saurait dispenser les communes de leurs obligations découlant du schéma actuellement en vigueur.

6° Le droit de substitution de l’Etat
En vertu de l’article 3 de la loi du 5 juillet 2000, nous demandons au Préfet du Var de mettre en œuvre la procédure de substitution prévue qui précise que, à l’expiration d’un délai de deux ans après l’approbation du schéma, l’Etat peut acquérir les terrains nécessaires et réaliser les travaux des aires d’accueil au frais de la commune.

7° Le droit au logement opposable
La commission départementale prévue par loi sur le droit au logement opposable doit prendre en compte les demandes des familles sédentarisées dans le Var, vivant dans des conditions précaires ou insalubres et menacées d’expulsion.

Fait à Marseille le 8 juin 2008.

Notes

[1Rencontres Tsiganes est une association selon la loi de 1901. 43 rue Vendôme 13007 Marseille tél 04 91 31 31 27 rencontrestsiganes@wanadoo.fr.


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