Le schéma départemental du Var pour l’accueil des gens du voyage du Var a été approuvé le 17 avril 2003, il y a plus de cinq ans [1]. Personne ne peut dire dans quel délai il sera réalisé, mais il faudra bientôt penser à le réviser !
Pour illustrer la situation actuelle, voici l’aire de La Chaberte, aux portes de Toulon, sur la commune de La Garde entre la N97 et l’A57 : aucun aménagement, en particulier aucun sanitaire ... et, depuis le 30 avril dernier, ni eau, ni électricité ! Voilà dans quelles conditions vivent aujourd’hui une centaine de personnes...
Une nouvelle page concernant le schéma départemental du Var, récemment mise en ligne sur ce site, apporte des précisions sur le problème de La Chaberte. [Note ajoutée le 11 août 2008]
« Cela ne peut pas continuer comme ça »
par Agnès Massei, La Marseillaise, 12 juin 2008« Si j’ai pu m’exprimer lors de cette réunion, c’est parce
que la Ligue des droits de l’homme m’y avait convié et non la
préfecture, alors que nous sommes quand même les principaux intéressés
», déclare Philippe Clofullia, porte-parole des habitants de l’aire de
la Charberte. Un secteur situé sur la commune de La Garde et où de
nombreuses familles vivent depuis le 30 avril dernier sans eau ni
électricité (notre édition du 30 mai).Scepticisme
La réunion qu’évoque Philippe Clofullia est la commission départementale
consultative des gens du voyage. Cette instance, qui réunit de nombreux
représentants de collectivités, d’institutions et d’associations, s’est
tenue hier matin en préfecture.« Une grand-messe » qui suscite quelque scepticisme chez certains
participants et notamment parmi les acteurs de terrain. L’un d’entre eux
y voit « un lieu où l’on agite des idées » et où règne « un grand
décalage entre les discours des “officiels” et les problèmes concrets que rencontrent les gens du voyage ». Il observe en outre qu’« on y prévoit beaucoup de choses mais ça ne va pas très vite ».Force est de constater qu’en la matière les édiles varois ne semblent
effectivement pas très pressés d’appliquer la loi - datant du 5 juillet
2000 - qui « impose aux communes de plus de 5000 habitants (ou à leurs
regroupements) la réalisation d’aires permanentes d’accueil pour les
gens du voyage ».Retard encore, et de taille, dans le schéma départemental d’accueil dont
« il va falloir prévoir la mise à jour alors qu’il n’a pas été mis
en oeuvre » relève un autre participant.Immobilisme
En 2006 ; un collectif varois dénonçait déjà l’immobilisme ambiant et
estimait « qu’on pouvait légitimement s’inquiéter de la situation : il
parait très improbable que le schéma soit réalisé dans le délai légal ».Les deux années écoulées depuis lui ont finalement donné raison puisqu’à ce jour rien rien ne semble avoir bougé.
N’ayant aucune idée de ce qu’il adviendra concrètementà l’issue de la
réunion d’hier, Philippe Clofullia estime néanmoins - et il n’est pas
le seul - que « cela ne peut pas continuer comme ça ».Agnès Massei
Nomadisme - Les autorités, qui invoquent des raisons de sécurité, sont intervenues mercredi à La Chaberte. Colère et incompréhension au sein de la communauté.
« On est des chiens pour la France ! » Hier, soit deux jours
après l’intervention (mercredi 30 avril) d’EDF sous escorte policière, la colère et l’incompréhension montaient chez les gens du voyage installés sur l’aire d’accueil de La Chaberte et désormais privés d’électricité et d’eau. « D’habitude, on courbe l’échine et on va plus loin. Mais cette fois, on n’a pas trop envie de se laisser faire » déclare Philippe Clofullia.
Baladés d’un coin à l’autre
Comme la centaine d’autres personnes vivant dans leurs caravanes, là, en bordure d’autoroute A 57, Philippe Clofullia, porte-parole non officiel des forains, en a marre de se faire mener en manège. « J’habitais à La Crau sur un terrain privé, mais mon propriétaire a eu des problèmes à cause de ma caravane installée à l’année et il m’a demandé de partir. Ça fait maintenant 4 à 5 mois que je suis ici à La Chaberte sur un terrain destiné à accueillir les gens du voyage. Il n’y a aucune commodité pas de toilettes. On va dans les champs alentour. Quant à l’électricité, il a bien fallu qu’on se branche comme on pouvait, mais il n’y a jamais eu d’accidents ». Alors les raisons de sécurité invoquées par les autorités et les services d’EDF passent mal. D’autant plus que les forains n’ont jamais refusé de payer. Montrant une quittance EDF d’un montant forfaitaire (?) de 20 euros par mois, Michel Souiller explique son arrivée à La Chaberte.
« J’ai un terrain à La Garde où j’ai vécu dans ma caravane pendant quatre mois, mais je n’ai jamais réussi à obtenir l’autorisation d’installer le courant. Finalement, les services techniques de la mairie m’ont dit de venir là. Et maintenant que j’y suis, on me coupe l’électricité ».
Des malades en danger ?
Revenant sur les raisons de sécurité, Philippe Clofullia évoque les dangereuses conséquences que représente à son tour la coupure d’électricité pour un homme sous assistance respiratoire et une dialysée qui « ne peuvent même plus brancher leurs appareils. Sans parler de la présence de deux nouveau-nés ». Mais il avoue s’être vraiment mis en colère quand l’eau a été coupée. « Où est le problème de sécurité ? On ne va pas se noyer dans une baignoire. » ironise-t-il, avant de conclure, plus grave : « C’est pas humain ce qu’ils nous ont fait. Ils n’ont plus qu’à mettre des barbelés et des miradors ».
Contacté à ce sujet, EDF évoque « l’utilisation frauduleuse massive de ses installations » au camp de La Chaberte, mais affirme avoir pris la décision d’interrompre la fourniture d’électricité pour « des raisons de sécurité majeure », les branchements pirates effectués représentant « un réel danger pour les utilisateurs ».
Des déclarations que confirme en partie Jean-Pierre Haslin adjoint à la sécurité à la mairie de La Garde, commune sur laquelle se trouve le terrain en question. « Le préfet a demandé que EDF enlève les installations dangereuses ». Et l’élu
de préciser : « L’aire de La Chaberte a été retenue dans le cadre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. On a reçu ces derniers pour leur expliquer le projet d’aménagement, à savoir la construction d’une vingtaine de petits bâtiments devant abriter des douches et des w-c pour une capacité d’accueil d’une cinquantaine de caravanes ».
En 2003, un schéma départemental pour l’accueil et l’habitat des gens du voyage a mis en place des directives sur huit secteurs dans le
Var. Sur le périmètre de l’agglomération, ce schéma arrêtait la création de deux aires d’accueil, une aire de grand passage et la réhabilitation d’une aire de petit accueil.Dans le cadre de ses compétences Habitat et Aménagement de l’espace, TPM pilote les différentes étapes de la démarche :
- la recherche, l’acquisition (ou mise à disposition) de terrains adaptés
- les opérations de réalisation ou de réhabilitation
- et la gestion des aires
En mai dernier, la communauté d’agglomération a proposé plusieurs terrains et déposé les dossiers en Préfecture :
- une aire d’accueil au lieu dit de la Chaberte à La Garde pour 40 caravanes ; propriété de la société Escota, le terrain d’une superficie de
près de 5000 m² est en cours d’acquisition par la communauté d’agglomération.- une aire d’accueil à Six-Fours, sur la ZAE de la Millone pour 28 caravanes ; TPM est propriétaire du terrain de 5700 m².
- la réhabilitation d’un terrain de plus d’un hectare à Ollioules en aire de petit accueil pour 6 caravanes, au lieu dit de Bonne Fond.
- la création d’une aire de grand passage sur la commune de Hyères. Proposée dans un premier temps, le terrain de la Lieurette n’a pas été retenu pour des raisons hydrauliques et environnementales. Une nouvelle prospection est actuellement en cours pour un terrain
de 1,5 à 2 hectares.- par ailleurs, une MOUS (Maîtrise d’Œuvre Urbaine et Sociale) a été lancée sur l’aire de la Ripelle à Toulon, aujourd’hui occupée par deux
communautés.L’acceptation de ces dossiers permettrait de bénéficier de subventions de l’Etat, pouvant aller jusqu’à 70% des coûts d’investissement
et de gestion.La réalisation des aires d’accueil, dont la date va dépendre des modifications des plans d’urbanisme, comprend la création de sanitaires
(un par emplacement de deux caravanes), d’un local pour le gestionnaire, de voiries internes, de l’aménagement paysager, et des travaux de réseaux (eau, électricité, assainissement).Sur l’aire de grand passage, les travaux se limitent à la création de systèmes d’alimentation en eau et électricité.
Que se passe-t-il sur l’aire de la Chaberte. Non, pas celle de l’autoroute, l’autre, celle dévolue aux gens du voyage. Un grand terrain vague où les autorités ont regroupé bon nombre de personnes qui ont un style de vie différent de celui de l’ensemble de la population. Il est acquis que depuis Georges Brassens « les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ». Et c’est bien là qu’est le problème.
Sur ce terrain vivent 60 à 70 personnes dont une trentaine d’enfants, tous scolarisés dans les écoles et collèges du coin. Autrefois tous les habitants de l’aire de la Chaberte résidaient dans diverses communes environnantes. L’argument principal qui leur a été avancé pour les regrouper était : « Vous aurez de l’eau et de l’électricité ».
Hélas, depuis le 30 avril les autorités ont coupé l’eau et l’électricité, semble-t-il pour raison de sécurité. Porte-parole des habitants de la Chaberte, Philippe Clofullia s’indigne : « comment peut-on vivre sans eau et sans électricité au 21ème siècle ». Il ajoute immédiatement : « nous avons les moyens de payer. Ici tout le monde travaille ». De la fenêtre de son mobil home il désigne successivement des groupes de caravanes. « Celui-ci est ferrailleur, celui-là fait les Marchés... Etc., etc. ». Quant à lui, il est brocanteur et aussi artiste. [...]
Au début de son installation, Philippe Clofullia se rappelle qu’un fonctionnaire de la mairie venait encaisser 20 euros par mois et par caravane pour la fourniture d’eau et d’électricité. « Un jour, ils ne sont plus venus » constate-t-il.
Sans eau, sans électricité mais avec une descente de police
Se retrouver sans deux sources d’énergies vitales pose bien entendu un problème crucial. Que faire dans ce cas-là ? Si certains se sont adaptés tant bien que mal, d’autres ne le pouvaient pas pour des raisons évidentes de survie.
Les gens du voyage ont les mêmes impératifs de vie que l’ensemble de la population française. Certains ont des enfants en bas âge, d’autres ont des problèmes graves de santé qui nécessitent l’emploi absolu de l’électricité (dialyse, respirateur et autres réjouissances). Résultat : ils sont plusieurs à s’être rebranchés illégalement sur les sources d’énergie.
« Ce n’est pas ce que nous voulions mais on nous pousse au délit »
Il fait le constat amer que rien n’a évolué avec le temps en regard des gens du voyage : « mon père et mon grand-père ont connu les mêmes choses ».
Des choses toujours et toujours recommencées, telle cette descente de police quelques jours plus tard où trois personnes
furent emmenées et mises en examen pour « vol de courant ». Il en a gros sur la patate, Philippe Clofullia. Il raconte : « le matin de bonne heure, une trentaine de fonctionnaires de police (police nationale et CRS) ont investi la Chaberte, casqués, munis de boucliers et le doigt sur la détente de leurs fusils ». Est-ce une façon de traiter de simples citoyens ? Il pose surtout le problème de l’impact de tels agissements sur les plus jeunes, les minots [...]
Il va sans dire que toute personne se doit, dans un souci d’objectivité, de récolter des informations venant des parties adverses. Ici, en l’occurrence l’Etat.
Toutes les démarches faites en ce sens auprès des services de police, dont la capitaine chargée de la communication avec la presse et la préfecture à laquelle elle a transmis le dossier sont restées sans réponse.
[1] Il est téléchargeable : http://www.var.equipement.gouv.fr/a....