La ville de Toulon a décidé d’augmenter le nombre de caméras de vidéosurveillance qui passera de 34 en 2010, à 124 en 2013 – auquel il faut ajouter les caméras de voirie et de surveillance des zones piétonnes (pour l’ouverture des bornes d’accès). Par ailleurs, toutes les données seront mutualisées dans un centre de supervision unique.
La section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme s’insurge contre cette multiplication et conteste son efficacité. « Le projet de loi sécuritaire et liberticide (LOPPSI 2) accélèrera le développement de la vidéosurveillance au détriment des libertés. »En distribuant des tracts samedi matin 8 janvier 2011, place du Mûrier, les militants ont ouvert la réflexion sur son coût et ses dangers, insistant sur le fait qu’il n’existe pas, à leur connaissance, d’étude scientifique apportant la preuve de l’efficacité de la vidéosurveillance – voir cette page.
Soucieux d’alerter les citoyens sur l’inefficacité, le coût et même le danger pour les droits que ferait peser une politique de vidéosurveillance encore élargie, les bénévoles de la section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) étaient présents samedi dernier sur leur stand mensuel dressé place du Mûrier, à Toulon. L’opération visait à sensibiliser la population sur les risques inhérents à de telles pratiques et à leurs généralisations dans la cité du Levant.
« A partir du moment où nos faits et gestes sont filmés, pour moi, c’est déjà une atteinte à la liberté individuelle », commence Mounir Antar, membre du bureau de la LDH.
« De plus, ces données enregistrées et stockées – dans lesquelles peuvent apparaître des militants, des SDF, etc. – on ne sait pas trop comment elles pourraient être utilisées… », continue-t-il.
« Concernant l’efficacité, ensuite, d’un tel procédé dans la lutte contre la délinquance, puisque c’est comme ça que c’est présenté, le résultat n’est pas très glorieux non plus. Sans compter, précise-t-il, que tout cela a bien entendu un coût et que c’est le contribuable qui règle bien évidemment la note. » Il faut, en effet, compter environ 15 000 euros par caméra installée. Montant auquel il convient d’ajouter la rémunération des personnels en poste devant les écrans et, bien entendu, la maintenance du matériel.
Le moins que l’on puisse dire c’est que le débat mérite d’être ouvert dans l’espace public afin de permettre à la population de s’emparer d’un sujet aussi sensible. En tout cas les inquiétudes légitimes mises en perspective par la LDH attendent éclaircissement et réponses.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, pas moins de 34 caméras sont installées aux quatre coins de la ville et filment les passants qui empruntent les rues du centre-ville de Toulon ou qui flânent sur les plages du Mourillon. Et que, depuis quelques mois, le traitement et la gestion de toutes ces données sont assurées par un centre de supervision urbaine (CSU) installé dans les locaux de la police municipale, place Pasteur.
Pour mémoire, l’installation des premières caméras à Toulon remonte à 2003. Après plus d’une décennie leur nombre s’apprête aujourd’hui, suivant dans ce sens les prescriptions de Brice Hortefeux – ministre de l’intérieur condamné, pourquoi se priver de le rappeler, pour injure raciale –, à subir une sacrée envolée.
« Un leurre, un coût, un danger pour les libertés »
« Le maire de Toulon a récemment décidé d’augmenter considérablement le nombre de caméras de police sur la voie publique, avec 124 caméras programmées pour 2013 », indique dans son tract la LDH.
Cela tombe plutôt bien, un technicien spécialisé dans la vidéosurveillance vient de s’arrêter sur le stand. Le débat, toujours salutaire, s’engage. Mieux que ça, puisque des informations complémentaires viennent enrichir la réflexion. Pour commencer ce dernier explique qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre les caméras pointées uniquement sur les bornes d’accès à la voie piétonne – ces dernières ont d’ailleurs l’aspect d’une caméra traditionnelle – et celles, présentant une forme circulaire, affectées, à proprement parler, à la vidéosurveillance.
Concernant les premières, les images ne sont en aucun cas enregistrées. Pour les secondes, en revanche, si le stockage des données est bien effectué sur disque dur sécurisé, elles ne peuvent être sorties, en principe, sans l’autorisation du procureur de la République, assure-t-il. Reste que… Mieux vaut rester extrêmement vigilant. On a bien vu des fichiers de police comportant des don-nées erronées être utilisées en toute irrégularité.
« Il faut surtout s’intéresser aux caméras du privé qui filment, elles aussi, la voie publique. Sans aucune garantie cette fois… », conclut le technicien.
60 000 nouvelles caméras vont être Installées en France d’ici 2012. Et l’accès à ces enregistrements, le stockage des données et l’interconnexion de ces dernières seront facilités. Plus grave encore, la possibilité pour des entreprises privées de filmer l’espace public sera également élargie.
Une politique dangereuse
Certaines études, mettent sévèrement en cause l’efficacité dé la vidéosurveillance dans la lutte contre la délinquance. Comme celles menées à Londres et à Paris qui démontrent que l’impact de ces moyens de surveillance technologique est faible, pour ne pas dire inexistant par rapport aux objectifs affichés dans ce domaine. La LDH affirme, en outre, que « ces décisions locales et nationales sont prises, sans aucune concertation, par pure idéologie ». « Toutes les évaluations scientifiques indépendantes relativisent grandement son impact durable au plan préventif et répressif. A Toulon, y a-t-il eu des études préalables ? Pas à notre connaissance », continue la LDH. « Cette politique de surveillance généralisée de la population est dangereuse. Elle se déploie sans assurer aux citoyens le droit à la vie privée, à la présomption d’innocence. Tout cela au nom d’un droit à la sécurité. Mais les problèmes de délinquance ne se régleront pas en faisant de tous des délinquants potentiels à surveiller ».