Le maire de Conségudes (06), a été nominé aux Big Brother Awards 2001. Le premier magistrat de ce charmant micro-village des Alpes-Maritimes cherche à installer un feu rouge à badge couplé à un réseau de caméras pour traquer les intrus, la nuit...
Nice-Matin, au cours de l’été 2001 rapporte les "projets" du maire, Claude Lanteri, et titre : "Big Brother à la campagne".
Ce système prévoit que les 59 habitants soient munis d’un badge à présenter à l’approche d’un feu rouge placé sur l’unique route d’accès au village.En l’absence de détection de badge, le feu reste rouge.
Si une voiture poursuit néanmoins sa route, un système de caméras se met en marche,
trois habitants, des volontaires, sont prévenus par un bip.Ils peuvent, sur leur télé, visualiser l’intrus, et éventuellement agir ou appeler les gendarmes, sans se presser : si le feu rouge a été grillé, des quilles sortent de la route et empêchent le véhicule de ressortir.
Libération revient sur l’affaire, le 5 septembre 2001, et interroge le maire :
"En bon élu CNPT, Claude Lanteri (...) a trouvé le moyen de coincer les présumés "voyous qui montent" au village dépouiller les voitures des honnêtes gens. (...)
Selon le maire, le dispositif serait en fonction de minuit à 5 heures. "Il n’y a rien de négatif là-dedans." Car, dit-il, même si sa commune figure dans l’arrière-pays montagneux, elle n’est aps à l’abri de la délinquance, face à laquelle la gendarmerie serait démunie, faute de moyens. "Faut relativiser les choses," tempère-t-on à la gendarmerie de Puget-Théniers (qui "n’est pas contre, bien au contraire"). "L’an dernier, il n’y a pas eu de vol, alors si cette année il y en a eu trois, ça lui fait tout de suite 300% d’augmentation..." (...)
Le seul hic de cette belle idée tient à son prix, 155.000 F hors taxes, cela fait trop lourd pour la commune, même si le conseil général a promis de financer 20%. Conségudes doit encore trouver ls moyens de basculer dans l’ère de la surveillance électronique."
Le Monde du 15 février 2002
L’endroit a pourtant un air tranquille. A une cinquantaine de kilomètres de Nice, surplombant une vallée encaissée du massif du Cheiron, Conségudes campe ses vieilles pierres à flanc de montagne dans un silence idéal. Une quiétude tout juste troublée, parfois, par le bruit d’un moteur ou des rires d’enfants. Mais, à en croire la majorité de ses 59 habitants, l’apparente sérénité de Conségudes est trompeuse. Au point que, depuis quelques mois, son maire (CPNT), Claude Lanteri, juge indispensable l’installation d’un système de vidéosurveillance permettant de contrôler, la nuit venue, l’entrée du hameau.
« La première caméra infrarouge sera placée dans le clocher de l’église », explique M. Lanteri, pointant du doigt l’édifice qui, en bordure de la D1, marque l’entrée de la commune. A une distance de 300 mètres, le bruit d’une voiture déclenchera automatiquement la surveillance. Si le véhicule repéré s’aventure dans l’Avenue des Anciens Combattants, seule route à se détacher de la départementale pour monter au village, une seconde caméra, accrochée aux murs d’une haute bâtisse tricentenaire, prendra le relais et un feu tricolore passera instantanément - et définitivement - au rouge. Premier signe que l’importun n’est pas bienvenu. « J’ai d’abord pensé à un système de badge, où seuls les habitants seraient en mesure d’entrer dans le village pendant la nuit. Mais j’y ai finalement renoncé, explique M. Lanteri. Le coût était vraiment trop élevé. »
A défaut, le feu rouge devrait dissuader le fauteur de troubles d’entrer dans Conségudes. Mais si l’indésirable poursuit sa progression, une troisième caméra, tout à côté de la Place principale, entrera en action. « A ce stade, il y a deux possibilités, précise l’élu. Soit on met en place un système qui alerte les habitants, soit on installe deux ou trois puissants projecteurs qui s’allumeront devant l’intrus. » Une dernière option qui semble avoir les faveurs de M. Lanteri, celui-ci la jugeant « suffisamment dissuasive ». Fortement décrié jusqu’à Paris par plusieurs associations, comme le Collectif pour les libertés individuelles face aux technologies de l’information (Clifti), nominé aux Big Brother Awards, pastiche des Oscars américains, récompensant les projets les plus attentatoires aux libertés individuelles, le projet de M. Lanteri ne semble pas, sur le terrain, rencontrer de virulente opposition. « Je me suis heurté à des jeunes de la commune qui m’ont dit que j’allais mettre en cause leur vie privée, admet le maire. Je leur ai répondu qu’i1s n’étaient pas représentatifs car l’écrasante majorité des habitants est très favorable à ce projet. » De plus, plaide-t-il, de tels systèmes sont déjà en place dans nombre de parkings, de banques ou de gares.
Pour justifier de la pertinence de son idée, Claude Lanteri cite les derniers incidents survenus dans sa commune. Il y a trois ans, une bande « de Carros ou de Vence », les villes avoisinantes, est montée au village pour vandaliser des véhicules stationnés. Deuxième acte : une tentative de vol dans la mairie, en mars 2001, dont l’auteur a d’ailleurs failli ne pas sortir vivant. Plusieurs habitants sont en effet intervenus et l’un d’eux a fait parler son fusil, blessant à la jambe le malfrat. Pour finir, il y a deux mois, quatre maisons de famille ont été cambriolées en une nuit. « Et si on multiplie ça par le nombre de communes qui ont les mêmes problèmes que nous, ça commence à faire beaucoup », précise M. Lanteri.
« C’est vrai qu’il y a un peu un sentiment de psychose, ajoute une habitante. Et l’isolement y contribue beaucoup. » Les gendarmes de Roquestéron ne sont qu’à 10 kilomètres. Mais dans ce pays de tortueuses départementales et de précipices, où l’« on compte plus en temps de trajet qu’en kilomètres », il leur faut « plus d’une demi-heure pour arriver », explique une habitante. Ailleurs dans le canton, le « même sentiment de psychose » prospère, assure-t-elle, et Conségudes espère faire vite des émules. Une patronne de bar de Roquestéron, conseillère municipale, ne trouve rien à redire au projet. « Dans le pays, les gens n’y sont pas hostiles, assure-t-elle. Et personnellement, cela ne me dérange pas d’être surveillée car je n’ai rien à me reprocher. »
Reste l’obstacle financier. A Conségudes, le conseil général des Alpes-Maritimes a accepté de subventionner 20 % des 23 000 € nécessaire. La région a refusé de mettre la main à la poche. Le maire ne se décourage pas pour autant. Il prospecte d’autres financements et promet de donner à Conségudes son système de vidéosurveillance d’ici à juin.
Stéphane Foucart