Dans le but d’enrayer la progression de la délinquance, la municipalité de Villeneuve sur Lot a décidé d’installer un système de vidéosurveillance en centre ville.
La section locale de la LDH, s’appuyant sur un rapport récent et sur les inquiétudes manifestées par les Britanniques, émet des doutes sur la pertinence de la solution retenue. Tout en réaffirmant son hostilité au principe de contrôle ou d’intrusion dans l’intimité des personnes, elle décide d’accepter de participer au comité d’éthique mis en place par rapport à la vidéosurveillance.
Vous trouverez ci-dessous les deux communiqués de la section locale de la LDH, suivis d’un argumentaire de la mairie.
Communiqué de la LDH du Lot et Garonne
le 16 avril 2007
En réponse à la proposition de M. le Maire et de la municipalité de Villeneuve sur Lot, la section de la LDH Villeneuve/Agen 47 annonce qu’elle accepte de participer au comité d’éthique mis en place par rapport à la vidéosurveillance.
Cependant, elle tient de nouveau à réaffirmer son hostilité au principe de contrôle ou d’intrusion dans l’intimité des personnes, contraire au respect de la liberté individuelle et qu’il est de son rôle d’être un veilleur du respect de cette liberté. Elle redit sa profonde inquiétude devant le développement des méthodes de « surveillance » et de « traçabilité » dites aussi du Big Brother et son scepticisme pour lutter efficacement contre le sentiment d’insécurité éprouvé dans la société. Outre les réformes incontournables visant à lutter contre la pauvreté afin de l’éradiquer, contre tous les mécanismes qui y conduisent ou la perpétuent, la section LDH estime que l’éducation citoyenne à la fraternité, la responsabilité et à la solidarité, le développement d’un environnement architectural et paysager axé sur la beauté, des espaces ludiques et de création accessibles à tous, des moyens techniques, tel un éclairage particulier des zones sensibles, la présence de police de proximité…sont primordiaux pour lutter contre l’insécurité. Villeneuve répond pour partie à ces exigences.
L’entrée au conseil d’éthique ne dégage pas la LDH de sa volonté de vigilance, d’esprit critique et d’indépendance. En cas de désaccord ou de dysfonctionnement, elle n’hésitera pas à se retirer en le faisant savoir publiquement. Elle sera exigeante sur l’application des règles émises pour le fonctionnement de ce système. Elle veillera au respect des personnes en particulier, conformément à la protection des libertés individuelles, telle que le garantit la Déclaration Universelle des droits de l’Homme.
Communiqué de la LDH du Lot et Garonne
Février 2007
Vidéosurveillance
Après 10 lois votées depuis 2002 sous le seul angle de l’ordre public, avec des résultats mitigés, après une création foisonnante de fichiers dont le champ d’action s’élargit sans cesse la section de la LDH du Lot et Garonne, s’interroge sur le bien fondé du dispositif de vidéo surveillance à Villeneuve.
La municipalité de Villeneuve a considéré que la pose de caméras était de nature à assurer la sécurité des citoyens. Peut-on envisager que celle-ci se limite à l’aspect de la confrontation de citoyens paisibles à des agités et à des délinquants ?
Sécurité alimentaire, du travail, du logement, de l’accès aux soins, de la qualité de l’environnement ne sont pas de moindres soucis et concourent à l’ordre public. Ceci est une réflexion à l’échelle du pays, car tout un chacun peut constater le travail accompli pour le mieux-être des habitants de la cité villeneuvoise.
La vidéosurveillance qui a été mise en avant pour venir aider à la résolution de la délinquance a été interdite au Danemark. Les caméras ne résoudront pas le problème de l’insécurité. De nombreuses études, notamment en Grande Bretagne, ont démontré que les problèmes de délinquance ne faisaient que se déplacer hors du périmètre surveillé et que leur efficacité n’était pas démontrée. C’est ce que vient corroborer un rapport confidentiel remis à Nicolas Sarkozy en octobre 2005 : on peut lire dans Le Parisien du 4 septembre 2006, à propos de la vidéosurveillance sur le territoire, « Daté d’octobre 2005, (…) ce rapport jette un sérieux doute sur l’efficacité des 15 000 caméras installées un peu partout dans les rues. » Ce rapport relève de nombreuses failles du système : une technique sans norme de qualité, sans encadrement, mauvaise coordination avec la police, manque d’évaluation, de contrôle de l’Etat inexistant…Et le coût...
Il porte atteinte aux libertés individuelles, au respect de la vie des personnes et au droit à l’image. Les libertés individuelles sont de plus en plus menacées, grignotées et les individus de plus en plus pistés. Il reste à démontrer que les systèmes de vidéosurveillance participent à la protection du bien commun et développe l’esprit citoyen.
Lancée en juin dernier, l’étude sur la mise en place d’un système de vidéo-surveillance à Villeneuve-sur-Lot a été présentée dernièrement à l’occasion d’un conseil intercommunal de prévention de la délinquance co-présidé par le Maire et la Sous-Préfète de l’arrondissement.
Les conclusions de ce diagnostic préconisent l’installation de 12 caméras en centre-ville où se concentre la délinquance de voie publique. Objectif : prévenir par la dissuasion les incivilités, les actes de malveillance et les délits mais aussi et surtout reconquérir certaines parties du centre-ville qui souffrent de l’insécurité.
Un diagnostic sans surprises
Le diagnostic fait apparaître un niveau important de l’insécurité urbaine à Villeneuve-sur-Lot, plus important que la moyenne des villes de cette catégorie malgré une nette baisse de la délinquance en 2006, qui fait suite à une hausse très importante en 2005. Il insiste également sur la très forte concentration de la délinquance de voie publique en centre-ville. Enfin, cet état des lieux met l’accent sur un certain nombre de troubles, d’incivilités, de désordres, d’appropriation de lieux publics qui sont dégradés, taggués, et c’est ce type d’incivilités et de délits que le système de vidéosurveillance doit prévenir.
La vidéo-surveillance : un moyen légal
La vidéo-surveillance est un dispositif légal qui doit être proportionné aux actes qu’il combat. C’est un dispositif qui, légalement, peut être installé pour protéger des bâtiments publics ou pour prévenir des actes de délinquance dans des secteurs géographiques bien délimités. Et pour prévenir des actes de terrorisme ; mais chacun sait que tel n’est absolument pas le problème à Villeneuve. Ce système n’est légal que s’il est très respectueux des libertés individuelles : une information large des habitants, l’impossibilité de filmer chez les particuliers, un droit d’accès aux images si le motif est juridiquement acceptable, une accréditation pour avoir le droit de visionner les images, la destruction des images tous les cinq jours sont quel-ques-unes des mesures qui encadrent strictement l’installation et l’utilisation de la vidéo-surveillance qui est un élément de preuve très apprécié par la justice.
Enfin, une commission éthique sera mise en place pour, chaque année, évaluer le dispositif et émettre des recommandations.
Un budget conséquent
Le budget est de l’ordre de 200 000 à 250 000 euros. C’est donc un budget très important que la commune devra assumer en partie tout simplement parce que l’ordre public n’est pas respecté. Or l’ordre public est l’affaire de l’Etat. Autrement dit, la municipalité est obligée de se substituer à l’Etat qui, dans certains quartiers de la ville, est défaillant. Il ne serait donc pas logique que ce même Etat n’apporte aucune aide financière à la ville. Il existe une ligne budgétaire au Ministère de l’Intérieur qui sert à soutenir tous les projets communaux. Il serait donc incompréhensible que le Ministère de l’Intérieur n’aide pas la commune de Villeneuve à investir dans ce système de vidéo-surveillance dont la finalité est le retour de la paix civile et dont l’une des causes est l’incapacité des services de l’Etat à rétablir cette paix publique. De plus, il sera indispensable qu’une collaboration entre les polices municipale et nationale s’instaure pour exploiter les images recueillies : à défaut, un tel système ne pourrait être installé. Si toutes les conditions sont respectées, subventions du Ministère de l’Intérieur, collaboration de la police nationale et autorisation préfectorale, les caméras seront installées et opérationnelles en décembre 2007.
8 caméras installées dans un premier temps
Les caméras seront implantées dans les endroits où la loi les autorise, dans des lieux où un ancrage de la délinquan-ce a pu être constaté par les forces de police. Un système de vidéo-surveillance ne pourrait être autorisé ailleurs. Le diagnostic a permis de définir des sites validés par le comité intercommunal de prévention de la délinquance. [2]
Novembre 2006
Extrait du compte-rendu de la séance du conseil municipal du 7 décembre 2006
Objet : INSTALLATION D’UN DISPOSITIF DE VIDÉOSURVEILLANCE- APPROBATION DU PROJET
LE CONSEIL MUNICIPAL,
Considérant que ces aménagements représentent un investissement d’un montant prévisionnel de 220 000 € HT.
Considérant qu’à ce titre, la mise en oeuvre d’un tel dispositif peut faire l’objet d’une subvention de l’Etat.Après avoir délibéré, par 27 voix Pour et 2 Abstentions, décide,
- ARTICLE 1 : d’approuver le projet de mise en place de vidéosurveillance sur la ville de Villeneuve-sur-Lot qui devra
ensuite être validé par la Commission Départementale de vidéosurveillance.- ARTICLE 2 : d’autoriser le Maire à demander une subvention auprès de l’Etat à hauteur de 50 % du montant total de
l’opération.- ARTICLE 3 : d’autoriser le Maire à engager avec le Ministère de l’Intérieur et la Direction Départementale de la Police
Judiciaire les pourparlers nécessaires au bon fonctionnement du dispositif.- ARTICLE 4 : d’autoriser le Maire à solliciter auprès du Député de la circonscription de Villeneuve-sur-Lot une
subvention parlementaire.
Pour terminer, voici l’argumentaire du maire de Villeneuve sur
Lot qui figure sur site internet de la mairie :
Faut il craindre la vidéosurveillance ?
Ceux qui commettent des actes délictueux, de malveillance et des incivilités peuvent craindre la vidéosurveillance. C’est un des buts recherchés : dissuader ces actes !
Les autres n’ont rien à craindre car le respect rigoureux des libertés publiques comme de la vie privée sera imposé.
Je veux rappeler que ce que nous faisons est parfaitement conforme à la loi républicaine votée par le parlement. Ainsi les parties privatives qui pourraient être dans le champ des caméras seront systématiquement occultéesEnsuite, ne pourront visionner ces images que des agents agréés à cet effet, fonctionnaires municipaux ou nationaux.
Enfin, les images ne peuvent être conservées indéfiniment. Elles ne le seront, légalement, que quelques jours. Cela peut donner le temps, par exemple, d’élucider des faits de délinquance ou de malveillance qui auraient pu être commis dans le périmètre surveillé.
J’ajoute, et bien que la loi ne nous y oblige pas, que nous déclarerons le système à la Commission Nationale Informatique et Liberté et qu’une charte éthique, sera élaborée. Cette charte prévoira une évaluation du dispositif de vidéosurveillance, au regard de la prévention et de la répression de la délinquance, mais aussi au regard du respect scrupuleux que nous devons avoir à l’égard des libertés publiques.Je souhaite que des organismes comme la Ligue des Droits de l’Homme puissent faire partie, avec des élus et des représentants de la société civile, du comité d’évaluation. Je le leur proposerai et j’espère que ses animateurs accepteront.
Peut- on affirmer que la vidéosurveillance est un outil efficace ?
La vidéosurveillance est très efficace dans les quartiers où elle est opérationnelle.
Je sais qu’une des critiques communément formulée est que ce dispositif ne détruirait pas la délinquance mais la déplacerait.
En réalité, les choses sont un peu plus complexes. En effet, si une partie de la délinquance peut se déplacer, une autre disparaît purement et simplement parce que les délinquants ont finalement des habitudes auxquelles ils tiennent. Et quand ils ne peuvent plus procéder à ces actes répréhensibles ; ils arrêtent tout simplement de le faire. C’est ce qui ressort des expériences dans des dizaines de communes qui ont adopté des systèmes de vidéosurveillance.
Quant à la délinquance qui se déplace, elle est alors plus fragile et c’est le moment que la police nationale devra choisir pour la démanteler.
Les faits constatés montrent, clairement, une diminution globale de la délinquance dans les communes où des systèmes de vidéosurveillance sont installés. Ils montrent aussi une disparition quasi complète de la délinquance et des actes de malveillance dans les quartiers où la vidéosurveillance est opérationnelle [3].
[1] Toutes les informations qui suivent ont été trouvées sur le site internet de la mairie de Villeneuve sur Lot : http://www.ville-villeneuve-sur-lot....
[2] Les sites proposés sont : 2 caméras place du 4 septembre, 1 place d’Aquitaine, 1 au carrefour de la rue de Pujols et de la rue de l’Ecluse, 1 à l’angle de la rue des Cieutat et de la Convention, 1 à l’angle de la rue de Casseneuil et de la rue de Paris, 1 devant le commissariat et 1 dans le parc urbain pour surveiller à la fois le parc, la Maison de la Vie Asso-ciative et la future Maison des Aînés.
[3] On aimerait pouvoir consulter des études fiables confirmant ces affirmations [note de LDH-Toulon].