Toulon : sourions, nous sommes vidéo-“protégés”


article de la rubrique Big Brother > vidéosurveillance
date de publication : vendredi 19 juin 2009
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« Le conseil municipal de Toulon approuve l’installation de quatre nouvelles caméras de vidéo-surveillance », pouvait-on lire fin avril 2009 dans la presse locale.

Souhaitant faire le point, la section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme s’est adressée à Hubert Falco, Maire de Toulon et Secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire, pour lui demander un bilan de ce qui existe actuellement dans le domaine de la vidéo-surveillance, ainsi que des précisions sur les développements prévus.

Hubert Falco nous a fait parvenir des informations sur la vidéo-protection. Nous reprenons ci-dessous sa réponse en la complétant de quelques extraits de la presse locale.


A Londres (Ph. AFP/Leon Neal)

Lettre de Hubert Falco adressée à la section de Toulon de la LDH

Toulon, le 12 juin 2009

J’ai pris connaissance avec attention de votre correspondance datée du 25 mai 2009, par laquelle vous sollicitez des informations concernant la vidéo-protection à Toulon.

Je me permets, dans un premier temps et avant de développer cette question, de vous rappeler les textes du cadre légal régissant la mise en place de ce dispositif à Toulon :

  • loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité n° 95.73 du 21 janvier 1995,
  • décret N° 96.926 du 27 octobre 1996 relatif à la vidéo-surveillance pris pour l’application de l’article 10 de la loi citée supra,
  • circulaire ministérielle NOR.INT.D 96.00.124 C du 22 octobre 1996 relative à l’application de l’article 10 de la loi N° 95.73 du 21 janvier 1995,
  • arrêtés préfectoraux : du 27 novembre et du 19 décembre 1997, du 24 juin 1999, du 23 décembre 2003 et du 29 mars 2004, du 28 juin 2004, du 10 juillet 2006 et du 14 septembre 2006, du 25 avril 2008 et du 15 juillet 2008,
  • arrêté du 3 août 2007 portant définition des normes techniques des systèmes de vidéo-surveillance NOR 10CD0762353A,
  • convention quinquennale de partenariat entre la Ville de Toulon et l’Etat relative à la vidéo-protection urbaine en date du 16 décembre 2008.

Conformément aux textes cités en référence, la Ville de Toulon a souhaité se doter depuis plusieurs années d’équipements de vidéo-protection placés aux endroits les plus fréquentés (centre ville et plages) afin d’offrir à la population toulonnaise et aux estivants une meilleure sécurité quotidienne. Ces équipements sont mis en oeuvre et contrôlés exclusivement par des agents de police judiciaire adjoints (APJA de l’article 21 du Code de Procédure Pénale), déclarés en préfecture et placés sous le contrôle direct du Procureur de la République. Le local dans lequel ces images sont exploitées bénéficie, au sein de la police municipale, d’un dispositif de contrôle d’accès et de détection d’intrusion.

Les images sont enregistrées conformément aux textes cités en référence sur une durée légale maximale de 30 jours. Au-delà de cette durée, toutes les données sont automatiquement détruites par le système. De plus, chaque Toulonnais peut, s’il le souhaite, bénéficier d’un droit individuel d’accès à l’image, sous réserve d’en exprimer officiellement la demande auprès de mes services.

Le réseau de vidéo-surveillance est localisé comme suit :

Secteur « Centre Ville »

1. Place du GLOBE / Rue Nicolas LAUGIER
2. Angle Rues ALGER / ZOLA
3. Angle Place Camille LEDEAU / Rue Pierre SEMARD
4. Angle Place PUGET / Rue PELLOUTIER
5. Place Victor HUGO (Sud-Est)
6. Place BESAGNE (Nord-Est)
7. Angle Pavé d’AMOUR / Cours LAFAYETTE
8. Angle Cours LAFAYETTE / Place HUBAC
9. Angle Louis BLANC / Place du MURIER
10. Rue Pierre SEMARD (Face au Jardin de l’Equerre)
11. Place d’ARMES (Nord-Est)
12. Pl. MONSENERGUE/Av. REPUBLIQUE entrée principale Base Navale
13. Angle rues CHABANNES / CLAPPIER
14. Angle Rues LARMODIEU / JOURDAN
15. Angle Place ALBERT 1er / Bd. TOESCA

Ces caméras ont été installées suite à la demande d’autorisation d’un système de vidéo-surveillance en date du 24 novembre 2003 et autorisées par arrêté préfectoral du 23 décembre 2003.

Secteur « Plages du Mourillon »

16. Entrée Ouest Parking
17. Parking Fort St. LOUIS
18. Anse de la SOURCE
19. LIDO / MISTRAL
20. Anse des PINS
21. Stade et Skate Park
22. Promenade Henri FABRE Ouest
23. Presqu’île TABARLY
24. LA MITRE (Niveau Météorologie Nationale)
25. Parking École de voile
26. Parking Supérieur
27. Parking Central
28. Entrée EST Parking
29. Port St. LOUIS (Sud-Est)
30. Accès Ouest Promenade Henri FABRE

Ces caméras ont été installées suite à la demande d’autorisation d’installation d’un système de vidéo-surveillance en date du 01 mars 2004 et autorisées par arrêté préfectoral du 28 juin 2004.

Par ailleurs, je vous informe que par arrêté 192 en date du 15 juillet 2008, Monsieur le Préfet du Var a autorisé l’extension du réseau police existant par « l’installation d’un système de vidéo-surveillance avec enregistrement d’images sur la commune de Toulon, Place Amiral Sénès, Place Dame Sibille, Place de la Visitation et Parc de la Tour Royale ». Le marché est en cours de publication.

Enfin, et pour conclure, une liaison sous forme de fibre optique entre la police municipale et la police nationale a été décidée conformément à la convention de partenariat quinquennale entre la Ville de Toulon et I’Etat le 16 décembre 2008. En raison des délais légaux imposés par le code des marchés publics pour la réalisation des travaux nécessaires à cette liaison, elle devrait être opérationnelle à l’automne 2009.

Espérant avoir répondu à vos interrogations, je vous prie de croire, ...

Caméra de vidéo-surveillance à Strasbourg (analogue à celles de Toulon).

A l’origine, en 2003 ...

Conseil municipal : l’opposition vote contre l’œil de la caméra

par Guillaume Saint-Vulfran, La Marseillaise du 27 septembre 2003 [extraits]


Hier, les quelque 660 000€ « en vue de la fourniture et l’installation d’un système de caméras de vidéosurveillance sur la commune de Toulon » inscrits à l’ordre du jour du conseil municipal, n’ont pas manqué de faire vivement réagir le conseiller municipal d’opposition, Lorenzo Matéos (PCF) : « Voici un projet de délibération qui m’a beaucoup surpris [...] et qui est clairement inscrit dans une démarche sécuritaire ».

La délibération qui sera votée par la majorité municipale (les groupes PS, Verts et PCF ont voté contre) prévoit un marché avec la société SA Tonna Electronique pour un montant total de 380 950.83 €. « En 2003, l’exécution [...] pour un montant estimé à 400 000 € sera achevée à la mi-décembre dans le secteur du centre-ville. En 2004, l’exécution [...] pour un montant estimé à 260 000 € est prévue avant l’été sur les plages du Mourillon », explique l’adjoint délégué à la Voirie, Yannick Chenevard. [...]

________________________

Le coeur de ville sous haute surveillance

par K. M., Var Matin le 10 février 2004 [extraits]


Quinze caméras de surveillance sont installées et dominent les grandes places, les principales rues commerçantes.
Mise en service avant la fin du mois et avant l’été pour les plages.

[...] Tout est sous le regard de la police municipale, depuis le PC vidéo, installé dans les locaux de cette dernière, place Pasteur. C’est en effet ici que seront retransmises les images enregistrées par quinze caméras 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur un mur d’écrans.

Pour un coût total estimé à 220 000 euros, cette première tranche de télésurveillance entend participer à « l’amélioration de l’ambiance générale de sécurité » souligne Pierre-Yves Bouttefroy, adjoint au maire délégué à la sécurité. Pour ce faire, les caméras ont été installées de manière à surplomber la ville, et sont signalées par un panneau « dans la zone où elles sont implantées » explique Yannick Chenevard, adjoint au maire délégué à la voirie, service chargé de l’installation.

Pour autant et eu égard à la législation, les images enregistrées font l’objet de contraintes : « Les entrées de lieux privés sont naturellement occultées par l’angle de prise de vue. » explique Eric Raggi, ingénieur de la société Tonna Electronique, en charge de l’installation du système de vidéo surveillance. Les bandes seront conservées sept jours mais pourront, sur commission rogatoire, être divulguées auprès des services de police judiciaire. [...]

Et bientôt...

Ne souriez plus, vous êtes filmés

par Serge Payraud, La Marseillaise du 28 avril 2009 [extraits] [1]


Le conseil municipal a approuvé l’installation de quatre nouvelles caméras de vidéo-surveillance. Une décision dénoncée par la Ligue des droits de l’Homme.

Quatre nouvelles caméras de vidéo-surveillance vont être installées à Toulon place Amiral Sénès, place Dame Sibille, place de la Visitation et au Parc de la Tour Royale : ainsi en a décidé le conseil municipal vendredi dernier. Les demandes d’autorisation ont reçu un avis favorable de la Préfecture du Var le 15 juillet dernier. L’installation a d’autre part été chiffrée à 90 000 euros hors taxe. Une somme qui couvre la mise en place des 4 caméras pour 85 000 euros et les travaux de génie civil sur les sites de la place Dame Sibile et du Parc de la Tour Royale. Au titre du Fonds Interministériel pour la Prévention de la Délinquance (FIPD) la ville de Toulon a sollicité un cofinancement de l’Etat à hauteur de 50% de l’investissement, soit 45 000 euros. [2]

La section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme estime que « c’est de l’argent jeté par la fenêtre » parce que « ça ne sert pas forcément à grand chose ». S’appuyant sur un rapport du ministère de l’Intérieur lui-même qui montre que la vidéo-surveillance n’entraîne pas de baisse significative de la délinquance, La Ligue des droits de l’Homme note que « l’impact des caméras est faible, jamais durable et vite contourné ».

Un procédé « liberticide »

En France, les experts ne sont pas plus enthousiastes. Ils soulignent notamment qu’une « caméra n’a jamais arrêté seule l’auteur d’un délit ». Ils observent aussi que les images de vidéo-surveillance « doivent être gérées » et « regardées » ce qui est, selon eux, impossible 24 heures sur 24 « sauf à disposer d’effectifs pléthoriques ». « Inefficace et coûteuse », la Ligue des droits de l’Homme juge également « liberticide » l’inflation de la vidéo-surveillance. « Non seulement l’enregistrement de l’image de la personne sans son consentement est une atteinte à la vie privée, protégée par la Convention européenne des droits de l’Homme et par l’article 9 du Code civil, mais le projet de suivre en permanence les allées et venues de chacun n’est pas compatible avec une société de libertés », considère le mouvement. Et de souligner que les images enregistrées « peuvent être utilisées à toutes sortes de fins illégitimes ». « Grâce à elles, certaines entreprises surveillent leurs salariés jusque dans leur intimité et aussi les délégués syndicaux, comme certains régimes autoritaires traquent leurs opposants politiques », dénonce la Ligue des droits de l’Homme. L’association s’oppose enfin à l’idée selon laquelle celui qui n’a rien à se protéger n’a rien à craindre de la vidéo-surveillance. « C’est faire de chacun de nous un suspect potentiel qui devra s’expliquer sur sa présence là où on l’a filmé à son insu, c’est remplacer le principe constitutionnel de présomption d’innocence par une logique de contrôle généralisé de la population », conclut la Ligue des droits de l’Homme.

Notes

[235 millions d’euros : c’est la somme dont a été doté le fonds interministériel ce qui permet de contribuer financièrement, à hauteur de 20 à 50%, aux projets acceptés. Chaque caméra coûte environ 15 000 euros selon un directeur de recherches au CNRS.


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