Avec plus de 4 millions de caméras installées — une caméra pour 14 Britanniques — la Grande-Bretagne est le pays le plus équipé dans le domaine de la vidéosurveillance.
Mais la police l’avoue : leur utilisation n’a permis de résoudre que 3% des vols commis sur la voie publique à Londres.
Cela ne dissuadera pas Nicolas Sarkozy de vouloir placer la France sous vidéosurveillance, en commençant par tripler le nombre de caméras d’ici fin 2009. L’année dernière le secrétaire d’Etat à l’emploi, Laurent Wauquiez, (alors porte parole du gouvernement) faisait valoir que « le système de surveillance britannique permettait d’assurer mieux la sécurité du territoire ».
Le fiasco de la surveillance vidéo en Grande Bretagne [1]
Les responsables de la police britannique parlent d’un véritable fiasco. Ils dénoncent des dépenses trop importantes au regard des résultats : « Des milliards de livres ont été dépensés dans le matériel mais on n’a pas réfléchi à la manière dont la police allait utiliser les images et comment elles seraient présentées au tribunal », explique Mike Neville, responsable du bureau des images de Scotland Yard (Viido).
Selon lui, les images provenant des 65 000 caméras londoniennes n’ont permis d’élucider que 3% des vols commis sur la voie publique. Certains rapports estiment même que l’argent dépensé dans la vidéosurveillance aurait sensiblement permis de faire baisser la criminalité s’il avait servi à augmenter l’éclairage public.
Et pourtant, dans les années 90, le ministère de l’Intérieur y avait consacré 80% du budget anti-criminalité, environ 630 millions d’euros entre 1994 et 2004.
Pas question d’abandonner la vidéosurveillance [2]
Il n’est toutefois pas question d’abandonner le recours aux caméras de surveillance pour autant.
Le groupe de travail que pilote Mike Neville travaille au contraire à mettre sur pied une nouvelle base de données destinée à devenir un troisième pilier dans la lutte contre la criminalité, au même titre que le recours à l’ADN ou aux empreintes digitales.
Viido cherche notamment à incorporer à ce nouvel outil un logiciel permettant de repérer des suspects grâce à des signes distinctifs, comme des logos. Le groupe voudrait également que les photos des personnes déjà reconnues coupables de tels crimes soient ajoutées à cette base de données.
Par ailleurs, les photos de suspects dans des affaires de voies de fait, de vols ou de viols seront affichées sur Internet dès le mois prochain. L’objectif est de montrer que les caméras fonctionnent comme effet dissuasif.
La ministre de l’intérieur dit vouloir « un grand ministère moderne de la sécurité intérieure » appuyé sur les nouvelles technologies.
La vidéosurveillance est une nécessité face au terrorisme, et un atout contre l’insécurité. Je veux la développer. Je compte donc tripler le nombre de caméras en moins de trois ans, d’ici à fin 2009, sur la France entière. La RATP, qui est déjà équipée, devra porter leur nombre à 6 500, en améliorant la qualité des images disponibles pour la police. En province, sur 230 villes, seules 53 sont raccordées aux centres de commandement de police. J’ai chargé les préfets d’encourager le transfert des images de vidéosurveillance dont disposent les municipalités, d’ici à la fin de l’année. Le ministère prendra à sa charge les frais estimés à 4 millions d’euros.
Ce projet entre dans ma stratégie pour faire du ministère de l’intérieur un grand ministère moderne de la sécurité intérieure utilisant les technologies les plus novatrices, y compris la vidéosurveillance, doté d’une direction capable d’anticiper les évolutions de la délinquance et des risques naturels, acteur majeur de l’Europe de la sécurité que je veux développer comme je l’avais fait pour l’Europe de la défense.
Les derniers attentats à Londres ont été évités grâce à leur système de vidéosurveillance, dix fois plus développé que le nôtre [3]. En France, la vidéosurveillance est restée à un état relativement embryonnaire. Cette situation était le fruit d’une méfiance due à une méconnaissance et à une sous-estimation des problèmes de sécurité. Les esprits ont évolué. L’opinion publique est prête. J’ai pu constater que les maires de droite comme de gauche sont de plus en plus conscients de l’appui à la sécurité que ces moyens peuvent apporter. Beaucoup de progrès ont été accomplis pour protéger la vie privée : sur les bandes vidéo, un cache occulte automatiquement les fenêtres des habitations, par exemple.
Je serai particulièrement vigilante à ce que la sécurité des Français soit toujours assurée dans le respect de leurs libertés. Les drones, ces avions sans pilote qui filment et retransmettent, répondent, eux, à des problèmes plus ponctuels, de surveillance et de sécurisation de grands événements par exemple.
Non. Je veux regrouper dans ce ministère tous les moyens humains qui agissent pour la protection des Français, jusqu’aux gardes-chasses ! J’entends valoriser le rôle des forces de sécurité, renforcer la formation - y compris la formation permanente pour favoriser la promotion professionnelle et sociale. Je veux renforcer la motivation en permettant que chacun exerce pleinement ses compétences, son savoir-faire, dans le respect de son identité. Il faut que les gendarmes conservent leur statut militaire. Cela n’empêche pas des mutualisations plus nombreuses avec la police. Pour la première fois, le centre d’entraînement de la gendarmerie à Saint-Astier, en Dordogne, sera ainsi ouvert aux policiers.
Enfin, les forces mobiles, CRS et gendarmes, doivent être réellement mobiles. La vocation des CRS n’est pas d’être positionnés en permanence en Seine-Saint-Denis ni de garder les centres de rétention administrative. J’ai demandé à ce sujet un rapport au directeur général de la police nationale.
La délinquance évolue en même temps que la société. La disparition ou l’affaiblissement de partis extrémistes, à droite comme à gauche, risquent - c’est ce que je crains - de s’accompagner de la résurgence de groupes violents très radicaux. Nous devons anticiper. Le rôle de cette direction sera de prévoir, en liaison avec les centres de recherche, ces phénomènes et de proposer les moyens d’y répondre.
Un peu comme les sondages, au-delà du chiffre brut, ce qui compte c’est la tendance. Je constate d’ailleurs que selon l’Observatoire national de la délinquance qui vient de rendre public ces chiffres, cette tendance est à une très forte baisse en septembre de la délinquance générale - 7,65 % par rapport à septembre 2006. C’est le meilleur mois de septembre depuis 1995 ! Sur la même période, la délinquance de voie publique recule de 12,64 % et les violences aux personnes de 7,45 %. Je félicite les services, mais il faut que cette tendance se confirme.
[1] France Info - 7 mai 2008.
[2] Radio Canada, le 6 mai 2008 : http://www.radio-canada.ca/nouvelle...
[3] En 2005, la vidéosurveillance avait contribué à identifier les quatre poseurs de bombes des attentats de Londres, qui avaient fait 56 morts. [Note de LDH-Toulon]