Nicolas Sarkozy fait un tabac aux BBA


article de la rubrique justice - police > le tout-sécuritaire
date de publication : vendredi 7 avril 2006
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En France, et pour la 6e année consécutive, les Big Brother Awards ont été décernés le vendredi 3 février 2006.

Le Prix Spécial du Jury 2005, dans la catégorie Orwell, a été décerné à Nicolas Sarkozy pour l’ensemble de son oeuvre.

Avec son projet de loi antiterroriste, l’état d’exception devient la règle : des caméras partout, les oreilles de la police qui traînent, le moindre fait et geste des citoyens photographié, enregistré, conservé [1].

Ce prix vise à récompenser des personnes ou des institutions qui, de par leur activité inlassable et leur négligence, ont porté atteinte à la sphère privée, facilitant la violation des droits de la personne ou faisant la promotion de la surveillance de l’individu ou des groupes.


Entre autres faits d’armes, Nicolas Sarkozy a proposé, cette année, l’extension de la vidéosurveillance, l’obligation pour les fournisseurs d’accès à internet de conserver les données de connexion comme les opérateurs de téléphonie, la possibilité pour la police d’accéder et de recouper les fichiers des compagnies aériennes, l’installation de dispositifs de contrôle automatisés qui, automatiquement, lisent les plaques des voitures, prennent en photo le conducteur et les passagers, l’accès par la police antiterroriste aux fichiers des plaques d’immatriculation, permis de conduire, cartes d’identité, passeports, demandes de visas, titres de séjour, non-admissions sur le territoire, la possibilité pour les préfets d’interdire de stade l’auteur de violences dans ou à proximité d’une enceinte sportive...

Le texte prévoit par ailleurs que la police ou les renseignements généraux puissent accéder aux données en en faisant simplement la demande à une « personne qualifiée » qui sera nommée « auprès du ministre de l’Intérieur ». Il ne s’agira, a priori, pas d’un magistrat mais d’un haut fonctionnaire de la police, et sans le contrôle d’un juge.

Pour un certain nombre de défenseurs des droits de l’homme (LDH, SM, SAF, DELIS, IRIS, Antivideo-IDF), “ce projet de loi constitue un maillon supplémentaire de la longue chaîne de mesures qui, depuis la loi sur la sécurité quotidienne de novembre 2001, ont progressivement porté atteinte aux droits fondamentaux, aux libertés individuelles et collectives, ainsi qu’aux garanties de la procédure judiciaire (...) mesures liberticides et antidémocratiques (qui) visent en fait des objectifs moins avoués de restriction de l’immigration et de répression musclée de la petite délinquance, sous couvert de l’alibi d’une lutte contre le terrorisme“.

Nicolas Sarkozy a également été nominé dans la catégorie Novlang pour ses discours et méthodes qui en font le meilleur interprète Novlang du gouvernement

Le ministre de l’Intérieur et président de l’UMP cultive sans cesse un sens aigu du discours biaisé et trompeur en vue d’assoir son pouvoir et ses ambitions. Un pouvoir de contrôle sur les "masses", un pouvoir de maintenir les citoyens lambdas dans la certitude que l’Etat qu’il représente est là pour les protéger des multiples "insécurités" qui les menacent. Pour Sarkozy, l’insécurité est forcément celle des "bandes", des "caïds", de la "racaille des cités", mais surtout pas l’insécurité sociale et économique, surtout pas des criminels de la finance et des grands groupes industriels, surtout pas celle issue des inégalités croissantes créées par la globalisation économique.

Il manie avec tact cette "novlang" contemporaine qui vise à maintenir le citoyen dans une dépendance et une soumission aux structures de l’Etat et des entreprises, afin de faire encore mieux accepter aux individus la présence des contrôles en tous genres et les convaincre de l’inutilité de toute rébellion. Pour Sarkozy, l’individu est un bon citoyen lorsqu’il se soumet au fait d’être surveillé, étiqueté, fiché, selon l’adage orwellien : " Je n’ai rien à me reprocher alors pourquoi refuserai-je d’être contrôlé ? " Quoi de plus efficace pour dissoudre la notion si précieuse de présomption d’innocence que de pousser insidieusement les "sujets" d’un régime à en être eux-mêmes convaincus ?

Pour illustrer cette mascarade, le ministre s’est notamment "expliqué" lors de l’émission "Pièces à Conviction" courant 2005, où il présentait les grandes lignes de son projet de loi contre le terrorisme. A la question d’Elise Lucet :

"Vous parliez des libertés individuelles. Les Français qui nous regardent, j’imagine, souhaitent aussi être rassurés là-dessus. Ils souhaitent qu’on lutte contre le terrorisme et que leurs libertés individuelles soient préservées. Qu’est-ce que vous leur dites ?"

Nicolas Sarkozy a répondu : "Ecoutez, la première des libertés c’est de pouvoir prendre le métro et le bus sans craindre pour sa vie, pour soi ou pour les membres de sa famille. Cela me paraît quand même plus important que tout le reste." (...)

Lors des trois semaines d’embrasements sociaux qui ont agité certaines villes ou banlieues françaises et octobre/novembre, Nicolas Sarkozy s’est aussi distingué en cracheur de feu. A l’issue de la journée "déclic" où trois jeunes ont été coursés à Clichy-sous-Bois, course lors de laquelle deux d’entre eux devaient trouver la mort dans une centrale électrique, il a immédiatement affirmé que ces jeunes n’étaient en rien victimes de harcèlement policier mais de leur imprudence. Cela sans attendre la moindre enquête contradictoire. Plus tard le seul survivant de ce drame racontera au contraire qu’ils ont bien été comme d’autres jeunes pris en chasse par des policiers qui tentaient d’appréhender les suspects d’un cambriolage ; c’est bien le harcèlement des contrôles d’identité qui les a poussés à fuir.

Au bout de quelques jours "d’émeutes", terme bien commode colporté par une presse complaisante, Nicolas Sarkozy ira déclarer de manière aussi péremptoire que ces événements étaient forcément le fait de "groupes structurés", de "meneurs", et que cela ne pouvait résulter d’actions spontanées ayant comme déclic un malaise social croissant. Déclaration contredite plus tard par ses propres services, les Renseignements généraux. Dans la foulée le ministre s’est aussi exclamé en disant que la très grande majorité des prévenus étaient déjà "connus des services de police", traduire "des récidivistes". Encore une fois, déclaration mouchée par les magistrats, dont ceux du tribunal de Bobigny, le plus concerné de France suite aux interpellations de Seine-St-Denis.

Selon l’adage médiéval, "Calomniez audacieusement, il en restera toujours quelque chose"...

"je veux tout voir et tout savoir", s’est exclamé Sarkozy (à propos de la vidéo-surveillance). C’est le signe d’une volonté de toute puissance qu’expriment les jeunes enfants avant qu’ils soient éduqués et socialisés. Une telle exigence est inquiètante de la part d’un adulte au pouvoir ... Vouloir tout contrôler est une course folle : on n’atteindra jamais les objectifs sécuritaires et on y laissera toute espèce de liberté individuelle.

Jean-Pierre Dubois, président de la LDH [2]

Notes

[1Les textes sont extraits du site de Big Brother Awards

http://www.bigbrotherawards.eu.org/....

http://www.bigbrotherawards.eu.org/...
.

[2Politis, mercredi 11 janvier 2006 : http://www.politis.fr/article1572.html.


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