pour recevoir des amis brésiliens, il faut en avoir obtenu l’autorisation


article de la rubrique justice - police > le tout-sécuritaire
date de publication : jeudi 30 avril 2009
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Vendredi 10 avril 2009, en début d’après-midi, Solange, professeur-chercheur en université, de nationalité brésilienne, a été retenue par les services de la police française à l’aéroport de Roissy car elle ne possédait pas l’attestation d’accueil officielle mais seulement une attestation d’hébergement rédigée par ses amis français, Riviane et Yves, chez qui elle venait fêter son anniversaire. Ces derniers n’ont appris sa mise en rétention que vers 18h. Elle a été expulsée avec 16 autres Brésiliens et Brésiliennes par le premier avion en partance pour Rio de Janeiro à 21h50 le même jour.

Nous publions ci-dessous les témoignages d’Yves et de son amie brésilienne. « Je suis révolté, nous écrit Yves, non seulement par les conditions de détention, mais aussi par la désinvolture et le manque d’humanité qui ressort de cette lamentable affaire et plus encore par la restriction de nos libertés individuelles qui découle des conditions de l’établissement de cette « attestation d’accueil » officielle » [1].

Et Yves de conclure : « N’avons-nous plus le droit de recevoir nos amis étrangers sans en demander l’autorisation ? C’est une restriction de plus de nos libertés individuelles. »


Voir en ligne : recevoir un étranger chez soi ...

Le témoignage d’Yves

Vendredi 10 avril à 14 heures, je suis à l’aéroport Charles de Gaulle pour accueillir notre amie brésilienne Solange qui vient passer trois semaines avec nous. C’est l’occasion pour elle de fêter son 40 ème anniversaire et de prendre aussi des contacts professionnels en vue d’un post-doctorat. Solange est professeur-chercheur à l’Université Santa Cruz de Bahia.

L’avion s’est posé à l’heure.

15 heures, pas de Solange ! 15h30, j’interpelle un policier et lui demande si tous les passagers sont sortis de la salle de débarquement. « Non, il y en a encore en salle de police ! » 16 h, inquiet, je demande à un douanier qui passait s’il veut bien me dire si Solange a quelque problème. Il revient dix minutes après : « la personne est retenue par la police parce qu’elle n’a pas tous ses papiers en règle. Vous devez vous rendre dans la zone de fret 1 à ZAPI 3 ».

Aucune indication dans la zone de fret 1 ne signale la ZAPI 3 ! Je finis par trouver. Là, j’expose la situation et on me dit qu’on ne peut me donner aucun renseignement, les personnes rétenues n’étant pas encore transférées en Zone de détention. Elle me donne un numéro de téléphone à appeler entre 19h et 20h et me fait comprendre que je ne peux rester là.
Vers 18h nous réussissons à avoir la ZAPI au téléphone « deux problèmes : attestation d’hébergement non officielle et problème d’assurances. » Nous arrivons devant la grille de la ZAPI à 19h20. Là, « c’est fermé, revenez demain matin à 8h. » Une pancarte signale les horaires de « visite » : de 19h à 20h.

Nous nous rendons à l’aéroport et nous demandons à voir l’officier de police de quart. Nous expliquons à un policier que nous n’étions pas au courant de l’attestation d’accueil délivrée par la mairie ou la préfecture mais que nous avons fourni une attestation d’hébergement sur papier libre. L’officier de quart dit « impossible ! »

Notre amie a été renvoyée dans son pays à 21 h 50 sans que nous ayons pu la voir !

Yves


Le témoignage de Solange

Comme tous mes amis le savaient, j’avais programmé d’aller à Paris en vacances, visiter un couple d’amis Yves et Riviane, fêter mon anniversaire, établir des contacts avec des instituts de recherches et d’enseignement et réaliser mon rêve de connaître la France

Je suis partie d’Ilhéus le 9 avril 2009 à 12h32, à destination de Salvador de Bahia par le vol TAM 3680 (TAM LINHAS AERAS SA) puis de Salvador de Bahia à destination Paris par le vol TAM 8068, arrivée à l‘aéroport Charles de Gaulle à 14 heures le 10 avril 2009.

Au sortir de l’avion dans l’aéroport C.D.G. j’ai été retenue pour la vérification des documents. J’ai été conduite sans aucune explication dans une salle de la police française (DPAF de Roissy) ; une policière a alors demandé à vérifier mon passeport, mon billet d’avion de retour, l’argent disponible, l’attestation d’hébergement et mes assurances. Pour prouver mon hébergement j’ai présenté une attestation d’hébergement faite par Yves et Riviane, ce couple d’amis qui devaient m’héberger durant tout mon séjour à Paris.

Je lui ai expliqué que je n’avais pas d’assurances spéciales, mais j’ai présenté ma carte d’assurance privée brésilienne, un bulletin de salaire émis par le gouvernement de l’État de Bahia datant de mars 2009, montrant que je suis en activité à l’Université de Santa Cruz à Bahia (Brésil) comme enseignante-chercheur. Sans plus d’explications, j’ai été conduite avec deux autres personnes vers une autre salle de la police dans laquelle se trouvait déjà un Brésilien. J’ai demandé des explications au policier à l’accueil, mais il m’a dit de m’asseoir avec un ton de voix menaçant et agressif. A ce moment là j’ai réalisé que j’allais être expulsée de France et que je ne pourrais pas demander des éclaircissements, parce que je craignais d’être considérée comme « agressive » ce qui pourrait aboutir à des évènements plus graves comme par exemple être mise en prison sur le territoire français.

Plus tard un autre policier a mis des gants et a demandé au Brésilien de le suivre dans une autre salle. Dix minutes plus tard, un autre Brésilien a été aussi emmené. Après, deux policières ont demandé à deux autres filles qui nous avaient rejoint d’aller dans une autre salle. Après, ça a été mon tour.

Dans cette salle, il y avait mon sac à dos et mon sac à main. J’ai dû mettre tout sur une table et m’éloigner de mes affaires et les deux policières ont tout fouillé. Elles ont confisqué mon passeport et mon argent (200 réals, 100 dollars et 1800 euros). A ce moment-là, j’ai demandé à nouveau des éclaircissements sur l’expulsion mais une policière m’a dit de « fermer ma gueule » avec un ton menaçant.
L’autre policière s’est alors rendue compte que je ne constituais pas un risque pour la sécurité française et qu’ils avaient commis effectivement un excès de zèle en m’empêchant d’entrer en France. J’ai de nouveau présenté à cette policière mon bulletin de salaire mes trois cartes de crédit (Visa Ourocard Platinum, Mastercard Ourocard Platinum et Ourocard Gold toutes émises par la Banque du Brésil), l’attestation d’hébergement et des e-mails des professeurs et collègues de travail avec lesquels j’avais l’intention de m’entretenir durant mes vacances. En effet j’envisageais de faire un post-doctorat en France dans un futur proche. [2] Quand j’ai demandé à cette policière comment je pourrais inverser la situation elle m’a informé que ce serait seulement possible grâce à une intervention de l’ambassade du Brésil en France, et que dans la salle ou j’allais être « détenue » il y avait un téléphone et que je pourrais m’en servir. La même policière m’a donné le numéro de téléphone de l’ambassade (01 43 59 89 30).

J’ai été conduite dans une salle de détention ou il y avait déjà 5 autres personnes détenues. J’avais uniquement les vêtements que j’avais sur moi, un papier avec les numéros de téléphone de Henri et de Riviane et celui de l’ambassade. Mon sac à dos et mon sac à main sont restés par terre dans un couloir d’accès à cette salle et mon passeport et mon argent ont été retenus par la police française.

J’ai appelé le numéro de l’ambassade qui répondait seulement avec un répondeur indiquant un numéro à contacter pour les urgences (06 80 12 32 24). J’ai laissé un message sur un deuxième répondeur pour expliquer ma situation. « Détenue dans un aéroport d’un autre pays, désespérée, espérant une aide officielle du Brésil, je n’arrive à parler qu’avec un répondeur ».

Avec un unique téléphone dans une salle de détention où se trouvaient maintenant quinze autres personnes, j’ai enfin réussi à parler avec mon ami Henri qui état à Marseille en lui demandant de me venir en aide et de contacter l’ambassade du Brésil en France, et avec mes amis Yves et Riviane qui se trouvaient à l’aéroport Charles de Gaulle, essayant de résoudre le problème.

Le temps passait… quelques personnes désespérées, d’autres en larmes dans une salle pas propre et où il y avait seulement dix places assises avec un unique téléphone disputé par tous. L’énervement, le sentiment d’insécurité et le désespoir augmentaient.

Je crois vers 17 heures (je n’avais pas de montre) on nous a apporté de la nourriture dans un sac : une boite de salade au thon, un morceau de pain, un paquet de chips, une bouteille d’eau et un dessert crémeux de bananes et pèches qui a servi a écrire les numéros de téléphones que nous obtenions sur le mur de la salle de détention (nous n’avions ni papier ni crayon !).

Vers 18 heures nous étions tous conduits de nouveau dans la salle du département de police ou un interprète allait nous signifier notre expulsion. Plusieurs personnes désespérées voulaient des éclaircissements mais en réalité c’était une formalité de plus qui était destinée à nous informer que nous quitterions la France par le premier vol et que la seule solution était de signer les termes du « refus d’entrée en France » composé de 5 pages toutes écrites naturellement en français.

Puis on est retourné dans la salle de détention ou j’ai réussi à avoir au téléphone un fonctionnaire du consulat du Brésil qui était au courant de ma situation ayant lu le répondeur et ayant parlé avec mon ami Henri. Il m’a informée qu’il ne pouvait rien faire et que je devais retourner au Brésil. J’ai réussi à parler avec Yves et Riviane qui étaient toujours à l’aéroport et qui avaient déjà fait des tentatives inopérantes pour prouver qu’ils allaient m’héberger chez eux.

Vers 21 heures le 10 avril 2009 la police française m’a rendu mon argent et j’étais conduite avec 16 autres Brésiliens escortés par 10 policiers français, à la porte d’embarquement pour prendre le vol Tam JJ 8055 destination Rio de Janeiro. En arrivant à Rio le personnel de la TAM inefficace et avec des préjugés m’ont rendu mon passeport et j’ai été conduite à la police fédérale brésilienne pour ensuite prendre le vol TAM JJ 8068 destination Salvador de Bahia, et après le vol TAM JJ 3660 destination Ilhéus. J’aurais dû avoir mes valises à l’aéroport de Rio de Janeiro mais je ne les ai pas encore reçues (le 13 avril) ! Enfin après plus de 75 heures pénibles mon amie Anna Cristina m’attendait tendrement et avec solidarité dans l’aéroport d’Ilhéus

Je remercie beaucoup mes amis Henri Plana, Yves et Riviane qui en France ont essayé de résoudre cet énorme problème. Je remercie de leur solidarité mes amis français Yvonnick Le Pendu et Michel Jean Dubois et je remercie Anna Christina d’être toujours présente dans les moments difficiles. [...]

Ce message bien que long ne représente pas la grande frustration la peur, l’insécurité le manque de respect et les préjugés que j’ai vécus durant ces 75 heures.

Présentement je voudrais que les autorités brésiliennes et française prennent connaissance de « l’événement » que j’ai vécu et aussi donner des éclaircissements.

En fait, ce qui devait être un cadeau d’anniversaire a généré beaucoup de souffrances.

Cordialement

Solange


Notes

[1Voici les pièces que vous devrez fournir si vous souhaitez recevoir un étranger venant de l’extérieur de l’espace Schengen : votre avis d’imposition, trois quittances d’électricité, une quittance de loyer, l’état de salubrité du logement et la photocopie de la pièce d’identité, et 45 euros de timbres fiscaux. Et la mairie ou la préfecture peuvent ne pas autoriser l’accueil.

[2J’ai montré l’e-mail du professeur Henri PLANA (professeur français à l’UESC - Université de l’Etat de Santa Cruz à Bahia, Brésil) qui est en ce moment en stage post-doctoral au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille), de Michel Jean DUBOIS (français, biologiste, qui travaille à Intervivos (www.intervivos.fr) et de Marcelo DE PAULA CORREA chercheur brésilien, en stage post-doctoral au LATMOS (Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales). J’ai expliqué que je n’avais pas d’invitation officielle pour visiter ces laboratoires parce que j’étais en vacances, mais que, même en tant que touriste, et comme coordinatrice de recherches de l’Université j’allais aussi prendre des contacts professionnels pour envisager un post-doctorat et pour articuler avec des institutions françaises la soumission de projets dans le cadre du 7ème Programme pour l’Investigation et le Développement Technologique de la Communauté Européenne.


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