sécurité : Nicolas Sarkozy s’adresse aux préfets


article de la rubrique justice - police > le tout-sécuritaire
date de publication : mardi 13 septembre 2005
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Voici les extraits des interventions du Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire qui concernent la sécurité.

Les textes officiels de ces déclarations devant les préfets sont accessibles sur le site internet du ministère.


Seconde réunion, vendredi 9 septembre 2005 [1]

S’agissant de la sécurité, un point d’abord sur le contexte international et la menace terroriste.

Je vous le dis clairement : notre pays n’est pas à l’abri d’évènements comme ceux survenus en Grande-Bretagne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes revenus depuis le 7 juillet au niveau rouge du plan vigipirate.

Dans ce domaine le renseignement est essentiel et je veux que vous fassiez des points très réguliers avec vos interlocuteurs les plus concernés. Je demande notamment aux préfets de région de suivre de près le travail des pôles régionaux de lutte contre l’islamisme radical et de s’assurer de la circulation de l’information vers leurs collègues des départements, qui doivent pouvoir à leur tour sensibiliser les services de police et de gendarmerie.

Durant tout l’été nous avons travaillé sur le projet de loi antiterroriste qui sera présenté en Conseil des ministres début octobre et soumis au Parlement cet automne. Ce texte est évidemment une priorité. Il comporte des dispositions novatrices, notamment en matière de vidéosurveillance et de surveillance des déplacements aériens. Nous devons rattraper notre retard dans ce domaine, en autorisant les personnes morales à surveiller leurs abords immédiats et en obligeant un certain nombre d’acteurs publics et privés à s’équiper. Je vais également améliorer les capacités de ciblage et de traçabilité à l’égard de certains individus à risques et les services spécialisés verront leurs moyens d’investigations accrus.

***

En matière de lutte contre la criminalité, j’attends de vous tous un nouveau sursaut.

Ne nous y trompons pas : si les sondages semblent indiquer que l’insécurité est un problème moins présent à l’esprit de nos concitoyens, qui constatent les efforts réalisés depuis trois ans, cela ne signifie pas que la bataille soit gagnée sur tous les fronts, ni qu’on puisse considérer que le plus dur est derrière nous.

J’insiste pour qu’on poursuive et qu’on amplifie le travail engagé en profondeur, car il persiste des points durs bien identifiés. J’attends en particulier de chacun de vous une analyse au plus près du terrain et la mise en place de stratégies et de dispositifs pragmatiques qui collent à la réalité, qui soient pilotés et évalués...

Les résultats sont certes globalement en baisse mais ne me satisfont pas, d’abord parce qu’on observe un tassement et ensuite parce que la baisse globale masque des situations très contrastées. Des exemples :

- Les violences aux personnes : ce domaine n’est pas aujourd’hui maîtrisé. Je peux à la rigueur comprendre que les violences au sein de la sphère familiale soient un sujet délicat à appréhender, mais il faut aller plus loin dans les actions de prévention précoce et d’écoute des victimes. J’ai demandé en juin dernier aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie de mettre en place une délégation aux victimes et de spécialiser des enquêteurs. Je considère que ce dispositif doit être opérationnel dès cet automne et je vous incite à regarder de très près comment les choses se mettent en place dans votre département, en liaison bien évidemment avec l’ensemble des intervenants du champ de la prévention.

- Les violences aux personnes sur la voie publique et les violences urbaines : je ne peux pas me satisfaire de la situation actuelle, quelles que soient les raisons invoquées par ailleurs pour justifier qu’elles ne diminuent pas franchement, voire qu’elles augmentent en certains endroits. En fait les choses sont simples. Si la situation ne s’améliore pas radicalement c’est parce qu’on n’a pas encore suffisamment « mis le paquet. » Il faut prendre ces problèmes à bras le corps, cibler les secteurs difficiles, les équipes et les individus qui empoisonnent la vie des quartiers, et leur mettre la pression le temps qu’il faudra en changeant radicalement nos méthodes si elles sont peu adaptées ou peu efficaces.

Cet après-midi, j’entendrai 14 d’entre vous partager leur expérience en matière de lutte contre la délinquance et j’en attends des propositions précises qui vous seront répercutées. C’est d’ailleurs un exercice que je renouvellerai avec d’autres dans les prochaines semaines.

Les Français en ont assez des « petites terreurs » qui leur rendent la vie insupportable...qui ne vivent que de magouilles et de trafics et qui continuent à afficher leur mépris de l’autorité et de la règle. Ils en ont assez des familles à problèmes que tout le monde connaît mais que personne ne veut voir. Je vous ai donné des moyens, utilisez-les. Dopez vos GIR si c’est nécessaire, impliquez davantage encore les sous-préfets qui doivent créer localement les synergies avec les élus, l’ensemble des partenaires habituels, associations, bailleurs sociaux et services de l’Etat. Les sous préfets à la ville ne servent pas qu’à attribuer des subventions. Leur vocation est d’être des hommes de terrain qui doivent sillonner leurs quartiers. Assurez-vous que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance apportent un vrai plus. Elles ne sont pas à ranger au rang des instances qui ronronnent. Ce sont des outils, il faut les utiliser. Il faut leur donner un nouveau dynamisme.

J’ajoute qu’il convient d’inciter les collectivités locales à équiper les lieux les plus vulnérables aux violences urbaines en moyens de vidéosurveillance. La vidéosurveillance permet de déceler immédiatement ce qui fait l’essentiel des violences urbaines, à savoir les incendies de véhicules et de poubelles. De même, en installant des systèmes de lecture de plaques d’immatriculations (LAPI) couplés à l’identification des conducteurs sur les endroits stratégiques du réseau autoroutier et routier, nous serons mieux armés pour lutter contre la criminalité organisée.

Je présenterai également à la fin de l’année un texte sur la prévention de la délinquance. Notre action doit aussi être préventive, car c’est le seul moyen de faire chuter durablement et réellement la délinquance.

[...]

En ce qui concerne la gendarmerie, l’effort de sécurisation des espaces consenti depuis trois ans, de jour comme de nuit, avec l’aide des escadrons, et qui a permis d’obtenir des résultats probants, sera maintenu au même niveau. L’équipement en véhicules banalisés des pelotons de surveillance et d’intervention implantés dans les zones périurbaines sera intensifié. La mise en place de motos de petite cylindrée très maniables sera encore développée dans les quartiers sensibles pour accroître l’occupation du terrain et favoriser la réactivité face à des délinquants qui savent parfaitement utiliser l’environnement urbain pour se jouer des actions de surveillance traditionnelles. La constitution également d’un pôle de référents "immigration illégale" au sein de chaque escadron départemental de sécurité routière devra permettre d’intensifier les efforts engagés dans ce domaine.

Pour juguler une violence de plus en plus présente à l’égard des forces de l’ordre, j’ai fait conduire en juin une expérimentation de pistolets à décharge électrique. Dès octobre prochain les premières commandes seront livrées. En 2006, plusieurs centaines de TAZER seront mises en dotation et renforceront les capacités d’action des services. Les policiers et gendarmes bénéficieront ainsi de moyens efficaces et modernes leur permettant de mieux lutter contre la violence.

Les polices étrangères qui sont déjà dotées de ces équipements non létaux ont constaté non seulement une diminution significative des blessures occasionnées aux personnes interpellées mais aussi une baisse très nette du nombre d’agents blessés en service. Vous aurez enfin les moyens de faire respecter l’ordre et de ne pas perdre la face. Nos policiers et gendarmes n’encourront pas, quant à eux le risque, à l’occasion de chaque intervention difficile, d’être mis en examen pour violences illégitimes.

Dans le même temps et parce que je suis également soucieux de la professionnalisation des interventions, un premier programme d’une centaine de caméras embarquées dans des véhicules est en cours d’installation. Ces caméras permettront à la fois de mieux protéger les fonctionnaires contre les accusations mensongères et d’identifier les auteurs d’infractions.

J’avais dit que je donnerai les moyens de travailler, les voilà.

Pas de fatalité, pas de fatalisme, pas de réponse molle. Nous savons tous ici que les résultats obtenus sont d’abord le signe, à tous les niveaux, d’une implication et d’un engagement personnel. C’est dans cet esprit que la situation de chaque département doit être examinée. C’est avec cette priorité en tête que j’envisage, si le sursaut demandé ne venait pas, de relancer l’évaluation mensuelle des départements en difficultés.

Tout doit être très clair entre nous. Pour moi, les mesures mises en place ces dernières années sont aussi des investissements sur le long terme. Elles n’ont pas fini de produire leurs effets. En matière de baisse de la délinquance, nous sommes encore très loin d’un étiage. Je vous invite très clairement à un nouvel élan. Après les progrès déjà enregistrés, il faut que nous entamions une nouvelle phase de recul de la délinquance.

Première réunion, lundi 20 juin 2005 [2]

Je commencerai par notre politique de sécurité

Clairement la délinquance a reculé dans notre pays depuis 2001.

Clairement l’insécurité a diminué. Le nombre des faits criminels et délictueux a baissé de près de 300 000. Le nombre des faits élucidés s’est pour sa part continuellement accru. Nos concitoyens d’ailleurs ne s’y trompent pas. Toutes les enquêtes d’opinion, comme les enquêtes de victimation conduites sous l’égide de l’observatoire national de la délinquance montrent que les Français en sont conscients. Je sais quel a été l’engagement dans ce retournement de tendance des policiers, des gendarmes, de vous-mêmes.

Je veux tous les en remercier. Ensemble nous avons démontré qu’une politique publique volontariste pouvait rendre confiance.

Cela étant les attentes de nos concitoyens en matière de sécurité restent considérables. Et il nous revient par conséquent d’engager une nouvelle étape de notre action en faveur de la sécurité.

Cette nouvelle étape doit s’organiser dans quatre directions

- La première de ces directions est de tirer le meilleur parti du potentiel dont nous disposons. La mise en œuvre de la LOPSI, conformément aux engagements qui ont été pris, renforce année après année les ressources en personnel et en équipement.

Sans cesse il nous faut rechercher des moyens de leur meilleure utilisation. Les résultats de la main courante informatisée dont j’avais lancé la réalisation sont à cet égard précieux. Ils nous montrent bien le chemin qu’il nous reste à parcourir pour affecter les moyens aux missions prioritaires. Le chantier juridique et statutaire de la réforme des corps et carrières s’achève. Cette réforme je le rappelle a une justification fonctionnelle. Elle a pour objet de mieux responsabiliser en même temps que de renforcer l’encadrement de terrain. Elle a pour signification profonde de permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même. Encore faut-il cependant que l’organisation des services et l’exercice du commandement le favorisent. Vous avez à cet égard avec les chefs de service un rôle fondamental à jouer. Il faut aussi utiliser les moyens les plus adaptés. Je crois beaucoup par exemple au développement des armes non létales.

- La deuxième est celle du développement d’une véritable politique de prévention. Les démarches de prévention qu’à ma demande vous avez engagées en 2003 et 2004 dans 25 quartiers sensibles ont été le plus souvent couronnées de succès. Et ces démarches vous les avez conduites sans moyen juridique supplémentaire. J’ai bien l’intention de reprendre le chantier de la prévention que je n’avais pu mener à son terme. J’ai demandé la mise au point d’un plan national de la prévention qui sera décliné par les divers outils juridiques qui apparaîtront nécessaires, et qui sera prêt avant la fin de cette année. Il est clair en effet que pour inscrire dans la durée le reflux de la violence et de la délinquance, il nous faut nous attaquer aux racines du mal, aux dysfonctionnements de notre société qui, s’ils ne la justifient en aucune manière, sont objectivement des causes de la violence.

- La troisième orientation est de mettre les victimes au centre des préoccupations de la politique de sécurité.
Par nature, le travail du policier ou du gendarme est de mettre un terme aux agissements des auteurs d’infractions. Ce travail est conduit pour empêcher qu’il y ait davantage de victimes ou pour faire en sorte qu’elles obtiennent réparation.

Eh bien ce que je souhaite, c’est que nous allions plus loin. Je souhaite que dans nos services la victime soit accueillie autrement, que nous lui indiquions les démarches qu’elle doit accomplir, les adresses où elle doit les accomplir. Je souhaite que les victimes ne soient plus accueillies dans les mêmes locaux que leurs agresseurs, qu’elles ne soient plus à la rue, abandonnées à elles-mêmes après leur déposition. Je veux qu’on les informe des suites données à leur plainte.

Et c’est dans le même souci des victimes, qu’en accord avec le Garde des Sceaux, je souhaite proposer au Parlement de nouveaux moyens de lutter contre la récidive. L’exécution de la peine doit être la règle au lieu de l’exception. Et l’on ne peut traiter de la même façon la première infraction et la cinquantième.

- La quatrième orientation est d’ordre qualitatif. Elle a pour objet de passer d’une culture du résultat à une culture de la performance.

Les résultats ce sont les chiffres. Les chiffres sont importants. Il faut continuer bien sûr à les évaluer et à en faire des leviers du progrès vers davantage de sécurité. Mais les chiffres ne suffisent pas. Le comportement est un autre critère d’évaluation de l’action de la police et de la gendarmerie. Et le comportement ce n’est pas que le respect de la déontologie. Je crois beaucoup à la qualité de la relation entre la police et la nation. C’est en soi un facteur de sécurité. La sûreté du jugement, le discernement, l’attention à ses interlocuteurs font partie aussi de la qualité du service public. Tout comme une véritable politique en direction des victimes. Et désormais ces éléments feront partie de la performance policière globale et seront évalués en tant que tels.


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