construire des mosquées


article de la rubrique laïcité
date de publication : mars 2001
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éditorial du Monde le 9 mars 2001


Parkings souterrains, caves de HLM, garages à vélos : est-il admissible que les croyants de la deuxième religion de France, l’Islam, soient encore contraints de prier dans des lieux de culte exigus et inconfortables ? Et que les fidèles musulmans, trop nombreux pour entrer dans les salles de prière - peut-on parler de "mosquées" ? - déplient leurs tapis sur le trottoir de nos villes ? Au même moment, les églises, entretenues majoritairement sur le budget des communes, peinent à attirer des fidèles. Les édifices du culte bâti avant 1905 sont la propriété de l’État et des collectivités locales. L’Islam, arrivé trop tard, ne bénéficie pas de ces avantages.

Il n’est pas question, bien entendu, de transférer aux uns les lieux de culte des autres. Mais la construction de mosquées décentes et dignes de ce nom dans le respect de la laïcité, ne doit plus être un sujet tabou. En accord avec la loi de séparation des Églises et de l’État, plusieurs possibilités s’offrent aux communes.

Les maires peuvent donc jouer un rôle moteur. A l’inverse, l’expérience prouve qu’ils peuvent avoir une capacité de nuisance considérable, en bloquant tout achat de terrain ou en refusant de délivrer des permis de construire sous des prétextes dilatoires. Pourtant, les exemples de réussite ne manquent pas. A Lyon et à Strasbourg, les collectivités locales ont encouragé avec succès la construction d’une grande mosquée, clairement identifiée comme telle, avec coupole et minaret. Passé les premières oppositions, notamment des riverains, l’inscription dans le paysage urbain d’une telle "mosquée cathédrale" favorise l’intégration de l’Islam et des musulmans, dont beaucoup sont de nationalité française. Car, au-delà des besoins des fidèles, la construction d’une grande mosquée est surtout un symbole : elle représente l’intégration et la reconnaissance de l’Islam. Elle est aussi un pôle culturel d’ouverture et de dialogue avec la société civile et les représentants des autres religions. Les élections municipales sont l’occasion de lancer le débat public. Or ce sont principalement les candidats d’extrême droite qui abordent le sujet dans leur programme... pour en faire un épouvantail à destination d’une opinion encore frileuse. Seuls, des listes vertes et quelques candidats socialistes, comme François Simon à Toulouse, ont pris franchement position en faveur de la construction de mosquées. La plupart des candidats préfèrent ne pas s’exprimer publiquement sur le sujet, "pour ne pas faire le jeu de l’extrême droite". Quitte à entretenir avec certains représentants musulmans un clientélisme malsain, fait de bonnes paroles et de promesses verbales.

Les musulmans de France sont adultes. Il faut rompre avec une gestion sécuritaire ou paternaliste de l’Islam. Sur ce sujet, comme sur d’autres, l’opinion évolue. Les choses bougent, à Marseille notamment. Les tabous s’estompent. Le rôle de la classe politique est d’encourager cette évolution, et non d’agiter des peurs d’un autre âge.


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