la loi Carle : une mauvaise action


article communiqué de la LDH  de la rubrique laïcité
date de publication : dimanche 18 octobre 2009
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Une proposition de loi du sénateur Jean-Claude Carle, instaurant pour la commune de résidence une obligation de financer la scolarisation d’élèves dans le secteur privé en dehors de leur territoire, a été adoptée par le Sénat, le 10 décembre 2008.

L’Assemblée nationale l’ayant votée dans les mêmes termes, le 28 septembre 2009, la loi a donc été adoptée par le Parlement [1].

Des députés ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel [2] contre une loi qui privilégie les établissements privés au détriment des écoles primaires publiques [3].


Communiqué LDH

La loi CARLE : une mauvaise action contre l’école publique, contre l’égalité et contre la laïcité

Le vote de la loi Carle est un nouvel exemple de l’obstination avec laquelle les gouvernants actuels cherchent à détruire ou à fragiliser les bases du vivre ensemble démocratique que sont la laïcité, les services publics et le réseau de proximité des collectivités territoriales.

Obliger les communes à financer la scolarisation d’élèves dans le secteur privé en dehors même de leur territoire, c’est un nouveau cadeau à l’enseignement privé, une négation de toute différence entre service public pour tous et entreprise privée d’éducation, un pas vers le chèque éducation destructeur d’école publique et, pour couronner le tout, un « contre-transfert » vers les ménages et les collectivités qui en ont le moins besoin.

La Ligue des droits de l’Homme constate que même la faillite du tout-marchand ne décourage pas les démolisseurs de service public et que les préférences religieuses affichées jusqu’au sommet de l’Etat continuent à heurter frontalement le principe constitutionnel de laïcité de la République.

La LDH appelle la représentation nationale à revenir au respect des règles et des valeurs qu’elle a pour mission de protéger.

Paris, le 30 septembre 2009

« Cette loi met en danger l’école publique de proximité »

par Par Marie Piquemal, Libération, le 6 octobre 2009


Des députés divers gauche ont décidé ce mardi de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel contre la loi Carle qui favorise selon eux, les établissements privés au détriment des écoles primaires publiques.

Des enfants dans une cour d’école maternelle, le 31 août 2009. (AFP Mychèle Daniau)

Des députés divers gauche ont décidé ce mardi de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Ils s’opposent à la loi Carle adoptée par l’Assemblée le 28 septembre dernier sur la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat. C’était pourtant un compromis laborieusement trouvé, mais en France la guerre scolaire est toujours prête à se rallumer.

Le sujet n’est pas simple, carrément compliqué même. Il touche à des principes républicains fondamentaux : la laïcité, la liberté d’enseignement et la conception même du service public de l’éducation. Reprenons depuis le début.

Un vieux débat

Depuis la loi Debré, dont on célèbre cette année le 50e anniversaire, la commune doit assurer les frais de fonctionnement des écoles primaires installées sur son territoire, qu’elles soient publiques ou privées. Reste une question : qui doit payer pour les élèves scolarisés dans une ville voisine, et a fortiori dans un établissement privé ?

Un amendement de 2004 (article 89) a tranché maladroitement la question, estimant que la commune de résidence était tenue de payer sans condition pour les élèves résidant sur son territoire mais scolarisés ailleurs dans le privé. Aussitôt, tollé général dans les rangs laïques mais aussi des maires, de droite comme de gauche.

Du coup, cet article 89 n’a jamais été vraiment appliqué, de nombreuses municipalités refusant de payer par principe ou parce que la charge financière était trop importante. « La somme forfaitaire varie, selon les communes, entre 400 et 1400 euros par élève par année. Et il y a 400.000 élèves potentiellement concernés... Ce n’est pas rien », explique Laurent Escure, secrétaire général du Comité national d’action laïque (CNAL) qui regroupe plusieurs associations et syndicats comme l’UNSA-Education, la Ligue de l’enseignement et la FCPE.

La nécessité d’une nouvelle loi

De peur de voir la guerre public-privé se rallumer, tout le monde – y compris l’enseignement catholique – s’accordait sur la nécessité de revoir cet article 89 et de trouver un compromis applicable. De fait, l’adoption d’une nouvelle loi le 28 septembre dernier pour réparer la précédente allait plutôt dans le bon sens.

Texte de compromis, la loi Carle prévoit quatre cas dans lesquels la commune reste tenue de participer aux frais de scolarité d’un élève scolarisé dans le privé d’une autre ville : lorsque les capacités d’accueil de la commune de résidence sont insuffisantes, en l’absence de garderie ou de cantine, pour des raisons médicales, ou en cas de rapprochement de fratrie. « C’est bien plus restrictif que l’ancien article 89... Mais on préfère accepter ce compromis et qu’il soit appliqué », concède avec diplomatie Jean-Marie Lelièvre, secrétaire général de la Fédération nationale des organismes de gestion de l’enseignement catholique.

« Même si ce n’est pas favorable pour nous, nous estimons que c’est un bon compromis politique. Car nous avons le souci de ne jamais rallumer la guerre scolaire », renchérit Eric De Labarre, le secrétaire général de l’enseignement catholique, qui souligne par ailleurs l’état préoccupant de l’immobilier dans le privé sous contrat.

« Nos écoles vont continuer à se vider »

Si l’Association des maires de France estime « avoir obtenu gain de cause avec cet accord » (lire le communiqué), ce nouveau texte est loin de faire l’unanimité. Remonté comme une pendule, le député UMP Pierre Cardo juge les conditions permettant des dérogations pas suffisamment restrictives. « Vous savez comme moi qu’il n’est pas très compliqué d’obtenir un certificat médical... Au final, cette loi n’arrange rien, nos écoles publiques vont continuer à se vider au profit d’établissements privés plus réputés », regrette cet ancien maire de Chanteloup-les-vignes (dans les Yvelines).

Le problème se pose avec une extrême acuité pour les communes rurales qui ont parfois du mal à remplir leurs classes et à maintenir l’école ouverte. « Cette loi met clairement en danger l’école publique de proximité », estiment les Verts, dans un communiqué de presse qui voient dans cette loi une façon de « déshabiller Karima et Jacques pour habiller Saint-Paul ! »

Pour le parti socialiste, « c’est encore un exemple de la politique délibérée du gouvernement de favoriser l’enseignement privé », pointe du doigt Bruno Julliard, chargé des questions Education. « Il n’y a qu’à voir les suppressions de poste... Bien plus importantes dans le public que dans le privé ! » Plus grave, la conception même du service public de l’éducation est menacée. « Tout se passe comme si l’élève était un client à qui la commune délivre un chèque éducation qu’il est libre d’utiliser comme il le souhaite... »

Marie Piquemal


P.-S.

[Note ajoutée le 28 novembre 2009]

Après avoir examiné le recours dont il avait été saisi par plus de soixante députés à l’encontre de la loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, le Conseil constitutionnel a, le 22 octobre 2009, rejeté les griefs soulevés par les requérants et jugé cette loi conforme à la Constitution.
Décision n° 2009-591 DC.

Un site de combat pour la défense de l’école de proximité : http://ecoledeproximite.lautre.net/.

Notes

[1Voir le dossier législatif sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/1....

[2Le recours déposé par les députés des groupes Socialiste, radical et citoyen (SRC) et Gauche démocrate républicaine (GDR) : http://www.laicite-laligue.org/inde....

[3Voir cette page sur le site de la Ligue de l’enseignement.


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