à l’école comme ailleurs, pas d’égalité sans mixité


article communiqué de la LDH  de la rubrique laïcité
date de publication : jeudi 22 mai 2008
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La LDH, la FSU et la FCPE dénoncent l’adoption par l’Assemblée nationale d’un projet de loi autorisant des cours séparés pour garçons et filles.


Communiqué LDH

A l’école comme ailleurs, pas d’égalité sans mixité

L’Assemblée nationale vient d’adopter un projet de loi dont l’article 2 prévoit « l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe ».

Engagée de longue date dans la lutte contre les discriminations, la LDH demande fréquemment que soient prises des mesures de rattrapage en faveur de catégories discriminées, en l’occurrence les femmes, en vue d’une égalité réelle. Mais le gouvernement et sa majorité, en remettant en cause un principe aussi important que la mixité scolaire, nous renvoient plus de 30 ans en arrière. Et cela sans débat préalable, ni concertation avec les enseignants.

Prétendre protéger les filles par le retour au passé et par la ségrégation est absurde et inacceptable. A quand des autobus et des wagons réservés aux femmes ? En réalité, toute séparation renforce le sexisme. Et les élèves féminines, qui présentent en moyenne les meilleurs résultats scolaires, ont besoin de la mixité comme instrument du vivre ensemble et apprentissage de l’autre à la conquête de l’égalité.

Paris, le 20 mai 2008.

La mixité à l’école écornée en douce

par Véronique Soulé, Libération, le 22 mai 2008

La mixité scolaire vient d’essuyer un mauvais coup. Sans crier gare, le gouvernement a fait inscrire dans la loi l’autorisation d’avoir des enseignements séparés filles et garçons à l’école. Ce qui n’était jusqu’ici qu’une simple possibilité - pendant les cours de sports notamment - prend ainsi valeur légale, ce qui suscite de sérieuses craintes sur un retour en arrière.

Officiellement, assure-t-on pourtant, rien ne change. Adoptée le 15 mai par le Parlement, la loi en question - sur la lutte contre les discriminations -, permet, dans l’alinéa 4 de l’article 2, l’« organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe ». Mais il ne faut y voir aucun encouragement, souligne-t-on dans l’entourage du ministre de l’Education, Xavier Darcos : « Sans cet alinéa, la loi, qui est la transposition de directives européennes, aurait donné la possibilité à certains de contester les cas de non-mixité qui existent dans l’enseignement. Certaines écoles privées auraient pu être mises en difficulté. Nous avons simplement voulu préserver le statu quo. »

Piscine. Pour les opposants à cet alinéa, le gouvernement a bien ouvert « une boîte de Pandore » qui risque à terme de remettre en cause la mixité et même la laïcité du système français. « On peut attendre des demandes pour des séances séparées de piscine - notamment de communautés religieuses intégristes ; certains peuvent aussi réclamer des cours de maths séparés car les garçons sont déconcentrés par les filles, s’insurge la sénatrice communiste Annie David. Et pourquoi pas revenir au cours de couture pour les filles et de mécanique pour les garçons ? »

La mixité scolaire a été instaurée à partir des années 60 dans le primaire puis dans le secondaire. Aujourd’hui elle concerne plus de 90 % des établissements. Elle est régie par le code de l’éducation selon lequel les écoles « doivent contribuer à la favoriser ». Mais elle n’est pas un principe absolu ni une obligation, et souffre d’exceptions. Quelques écoles privées, notamment des internats - scolarisant guère plus de 10 000 élèves - n’accueillent que des filles ou que des garçons. L’enseignement public est mixte, excepté les maisons d’éducation de la Légion d’honneur, internats de filles au statut particulier.

Les professeurs peuvent toutefois décider de faire des groupes distincts, en éducation physique et sportive (EPS) et parfois pour les cours d’éducation sexuelle lorsque l’ambiance dégénère dans la classe. « Tout se passait bien, pourquoi dès lors imposer cet alinéa ? » s’interroge Annie David. Pour les élus socialistes et communistes, il était nul besoin de l’introduire à moins de poursuivre un but non avoué. Les directives européennes ne parlaient en effet nulle part d’éducation.

Toutes les hypothèses sont dès lors échafaudées. Le gouvernement est notamment soupçonné d’avoir voulu faire une fleur aux écoles catholiques les plus réactionnaires, dans la droite ligne du discours de Latran de Nicolas Sarkozy estimant que l’instituteur n’arriverait jamais au niveau du curé pour inculquer des valeurs aux enfants. Défendant le texte, la secrétaire d’Etat à la Famille Nadine Morano a, elle, affirmé qu’il fallait protéger des établissements comme la Légion d’honneur.

Loin des bruyantes réformes prisées par le gouvernement, l’histoire de cet alinéa ressemble à un coup en douce. Perdu à la fin d’un article, il est d’abord passé quasi inaperçu. Présentée en « urgence déclarée », la loi n’a eu droit qu’à une seule lecture dans chacune des chambres. C’est au Sénat que les débats ont été les plus vifs. La commission des affaires sociales, présidée par l’UDF Nicolas About, a même adopté à l’unanimité un amendement demandant la suppression de l’alinéa. La rapporteuse, l’UDF Muguette Dini, y était aussi hostile. Durant le vote le 9 avril, elle s’est toutefois prudemment abstenue alors que Nicolas About faisait volte-face. Comme si le gouvernement avait usé de tout son poids pour faire passer son alinéa.

Dès le 14 avril, la FCPE, première fédération de parents d’élèves, classée à gauche, a dénoncé la loi qui permet « aux particularismes religieux d’organiser la séparation des filles et des garçons pour tel ou tel enseignement » et qui va à l’encontre de « l’éducation à l’égalité ». Les syndicats enseignants, si chatouilleux sur la laïcité, sont restés étrangement silencieux. « On avait un peu la tête ailleurs, reconnaît Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen-CFDT, il peut être utile pédagogiquement, à un moment donné, de faire des groupes séparés. Mais ce texte ouvre des possibilités et le contexte est inquiétant. Une chose est sûre : on s’opposera à toute remise en cause de la mixité. » « Sur le principe, ça nous pose problème, explique Luc Bérille du syndicat SE-Unsa, nous allons attendre les décrets d’application qui parfois tempèrent les choses. »

Sirènes. Beaucoup s’interrogent : quelle mouche a donc piqué le ministre Xavier Darcos ? S’il a cédé aux sirènes conservatrices dans sa réforme des programmes du primaire, il a toujours manifesté sa volonté de combattre le sexisme à l’école et a pris des mesures. « Il est impossible que des individus se saisissent de la loi pour imposer des classes non mixtes, affirme-t-on au ministère, car seule l’institution peut décider d’un enseignement séparé. » « C’est vrai, réplique la sénatrice communiste Annie David, mais on a déjà vu des institutions céder sous la pression. »


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