rue Pétain, derrière l’église, à Dernancourt


article de la rubrique extrême droite
date de publication : dimanche 5 juin 2005
version imprimable : imprimer



A la Libération, les rues à son nom furent débaptisées. Pas dans ce village de la Somme.

par Emmanuelle PEYRET, Libération, samedi 28 mai 2005

Maréchal, toujours là. A Dernancourt, village de 452 âmes sis au coeur des champs de bataille de 1914-1918 dans la Somme, la petite rue derrière l’église porte depuis 1930 le nom du maréchal Pétain. Soixante ans pile après la fin de la Seconde Guerre mondiale et du régime de Vichy, c’est une curiosité, puisque, à la Libération, les rues Pétain furent débaptisées partout en France.

« Ça ne dérange personne dans le village », explique Jean-Pierre Lequeux, maire depuis 2001, qui assure ne pas faire de politique mais être « plutôt de droite ». « Ici, on n’en parle pas du tout. » Bref, assure l’élu, la rue fait partie du paysage, au même titre que les rues Foch et Clemenceau. Une citoyenne de Dernancourt a quand même écrit au journal le Courrier picard au début de cette année, relançant le débat : « Qu’attendent les édiles pour débaptiser cette rue qui fait honte aux citoyens qui réprouvent les thèses de Le Pen et anéantit les sacrifices de tous ceux qui ont combattu l’Allemagne nazie ? [...] Débaptisons la rue du Maréchal-Pétain. » Ces jours-ci, le maire se remet à plaider : « A l’époque, c’était le Pétain de 1914 qui était honoré. Après, en 1940, il a fait ce qu’il a pu, c’était un vieillard de 84 ans ».

Dernancourt (Somme) - AFP - Philippe Huguen

En 1970 éclate une polémique, au moment où la Poste décide d’apposer des plaques pour faciliter la distribution du courrier. Certains font signer des pétitions, d’autres se plantent devant la plaque afin qu’elle ne soit pas barbouillée, des associations de déportés exigent qu’on débaptise la rue. « Des gens n’étaient pas contents qu’on garde le nom de Pétain, mais les anciens de 14 étaient encore là et voulaient qu’elle reste, poursuit le maire. Un ancien prisonnier de 1940 s’est même fait photographier sous la plaque parce que Pétain avait fait envoyer des colis au camp. » Jacques Isorni, l’avocat du Maréchal, accourt soutenir les partisans de la rue du Maréchal-Pétain, dépose quelques fleurs, « et puis ca s’est tassé », se souvient le maire. En 1972, fin de l’affaire, l’édile de l’époque demande au conseil municipal de trancher, et la majorité décide de conserver le nom de la rue. « Moi, ça ne me gêne pas du tout, conclut le maire, mais peut-être va-t-on reposer la question au conseil municipal. » En attendant, il reste une rue du Maréchal-Pétain en France.

"Il n’est pas possible que 60 ans après, cette question soit encore polémique et que l’on s’interroge sur le rôle de Pétain. Débaptisons la rue du maréchal Pétain à Dernancourt. Faisons-le pour les générations futures qui n’auront plus de témoins pour leur raconter l’ignominie de l’extermination des Juifs et de tous ceux qui étaient indifférents", écrit Annick Tirache au Courrier Picard.


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP