Le site du FN a publié une vidéo contenant une nouvelle sortie antisémite de son président d’honneur. Deux associations ont annoncé leur intention de déposer une plainte. Des cadres du Front National l’invitent à prendre sa retraite.
Après le rappel des faits, nous reprenons quelques-unes des condamnations de Jean-Marie Le Pen pour antisémitisme ou un motif proche.
C’était dans une vidéo diffusée vendredi sur le site internet du FN et retirée depuis. Jean-Marie LePen évoquait les artistes qui s’étaient publiquement alarmés du score sans précédent du FN aux élections européennes en France. Il s’en est ainsi pris à la chanteuse américaine Madonna, à l’humoriste français Guy Bedos et à Yannick Noah et Patrick Bruel.
"M. Noah s’était engagé à ne plus chanter en France si le Front national arrivait en tête de l’élection. Cochon qui s’en dédit", dit-il, goguenard, aux côtés d’une intervieweuse qui lui rappelle que Patrick Bruel compte aussi parmi ses détracteurs. "Ça ne m’étonne pas. Écoutez, on fera une fournée la prochaine fois", répond Jean-Marie Le Pen en riant.
Le chanteur, de confession juive, a dénoncé dimanche sur Twitter et Facebook des propos à connotation antisémite qui montrent selon lui le "vrai visage" du FN, engagé dans une stratégie de normalisation sous l’égide de Marine Le Pen. Pour SOS Racisme, la déclaration de Jean-Marie Le Pen relève "du plus crasse logiciel antisémite et non du simple dérapage" et "renoue là avec ses sorties sur le ministre Durafour et sur la Shoah".
Jean-Marie Le Pen nie toute intention antisémite dans un communiqué. "Le mot ’fournée" que j’ai employé dans mon journal de bord hebdomadaire n’a évidemment aucune connotation antisémite, sauf pour des ennemis politiques ou des imbéciles". Mais sa défense ne semble pas convaincre, jusque dans les rangs du FN. Dans Le Parisien Dimanche, Louis Aliot, également vice-président de la formation, juge que "c’est une mauvaise phrase de plus. C’est stupide politiquement et consternant". Le député Gilbert Collard, secrétaire général du Rassemblement bleu Marine (RBM), a lui parlé d’un propos "inacceptable, intolérable" dont les directions du FN et du RBM ne sont "pas responsables". "Ça fait du mal au Rassemblement bleu Marine, ça fait du mal au Front national", a-t-il commenté sur BFM TV, se disant "fatigué" des "bourdes langagières" de Jean-Marie Le Pen. Gilbert Collard a fini par suggérer au président d’honneur de prendre sa retraite.
Une "mascarade" pour SOS Racisme
"Soit les responsables actuels du FN sont incapables de gérer leur parti alors qu’ils prétendent pouvoir gérer la France, soit, et de façon bien plus convaincante, il s’agit d’une hypocrite prise de distance face à la montée d’une polémique mettant à mal leur stratégie de dédiabolisation", écrit l’association dans un communiqué. SOS Racisme entend formaliser sa plainte contre "X" dans les prochains jours. "Cette vidéo a été retirée à la hâte, sans aucune forme d’explication, ce qui est une volonté pour le Front national et sa présidente d’éluder toute responsabilité", a estimé sur BFM TV l’avocat de SOS Racisme, Me Patrick Klugman. "Nous attendons à tout le moins des excuses et sinon, le Front national devra assumer sa responsabilité pénale pour la diffusion de cette vidéo". L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) annonce pour sa part porter plainte pour "injure à caractère racial" contre Marine le Pen, directrice de publication du site du FN.
Dans son communiqué, L’UEJF « dénonce avec force cette déclaration ouvertement antisémite et d’une extrême violence du Président d’Honneur du parti d’extrême-droite. L’UEJF voit dans cette attaque ad hominem et antisémite, caractéristique des l’extrême-droite, un rappel supplémentaire de la nature raciste et antisémite du Front National. »
Quelques déclarations de Jean-Marie Le Pen qui ont été condamnées en justice pour antisémitisme ou des motifs proches [1] :
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol, Jean-Marie Le Pen explique :
"En France du moins, l’Occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine, même s’il y a eu des bavures, inévitables dans un pays de 550.000 kilomètres carrés."
Condamnation le 16 février 2012, pour contestation de crimes contre l’humanité : trois mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende.
Lors d’une conférence de presse en compagnie de l’ex-Waffen SS Franz Schönhuber, Jean-Marie Le Pen récidive, dix ans après sa première sortie (condamnée) sur les chambres à gaz :
"Dans un livre de mille pages sur la Seconde Guerre mondiale, les camps de concentration occupent deux pages et les chambres à gaz dix à quinze lignes, ce qui s’appelle un détail".
Condamnations par le tribunal de Nanterre pour "banalisation de crimes contre l’humanité" et "consentement à l’horrible" : diffusion à sa ccharge du jugement dans les journaux, versement entre 1 franc symbolique et 5.000 francs de dommages et intérêts à 11 associations plaignantes et payer leurs frais de justice.
Lors d’un discours devant les militants du Front national réunis en université d’été au Cap d’Agde, Jean-Marie Le Pen tourne en dérision le patronyme de Michel Durafour, alors ministre de la Fonction publique, contre lequel il profère des injures :
Condamnation pour injure publique, par la cour d’appel de Paris, le 3 juin 1991 : 10.000 francs d’amende.
Invité du Grand Jury RTL - Le Monde, Jean-Marie Le Pen s’interroge à voix haute sur les chambres à gaz :
"Je me pose un certain nombre de questions. Je ne dis pas que les chambres à gaz n’ont pas existé. Je n’ai pas pu moi-même en voir. Je n’ai pas étudié la question. Mais je crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale".
Le 28 janvier 1988, la 14e chambre de la cour d’appel de Versailles confirme une ordonnance rendue le 23 septembre 1987, où il est alors souligné que l’expression de "point de détail" peut être considérée comme un "consentement à l’horrible" de la part d’un "homme politique rompu à l’art du discours et aux nuances de la langue française".
Toujours pour la même affaire, Jean-Marie Le Pen est condamné le 18 mars 1991 par la cour d’appel de Versailles pour "banalisation de crimes contre l’humanité" et "consentement à l’horrible". Il doit par ailleurs verser des dommages et intérêts à une dizaine d’associations qui se sont portées partie civile dont le Mrap, la Licra ou l’Union nationale des associations de déportés.
Lors d’un discours prononcé lors de la fête des Bleu-blanc-rouge au Bourget (Paris), Jean-Marie Le Pen s’en prend violemment à des journalistes juifs ou d’ascendance juive :
"Je dédie votre accueil à Jean-François Kahn, à Jean Daniel, à Yvan Levaï, à Elkabbach, à tous les menteurs de la presse de ce pays. Ces gens-là sont la honte de leur profession. Monsieur Lustiger me pardonnera ce moment de colère, puisque même Jésus le connut lorsqu’il chassa les marchands du temple, ce que nous allons faire pour notre pays".
Après ces propos, Jean-Marie Le Pen est condamné définitivement au franc symbolique par la cour de Cassation le 3 février 1988 pour "antisémitisme insidieux".
[1] Source des informations : « Oui, Jean-Marie Le Pen a bien tenu des propos antisémites dans sa carrière » par Jean-Luc Mounier – Le Nouvel Observateur