" Il ne faut pas vendre son âme sans savoir ce qui se passe en enfer. »
[Publié le 2 décembre 2005,
mis à jour, le 9 décembre.]
Quand M. Frêche entonne un chant colonial
par
François Martin-Ruiz, Le Monde du 2 décembre 2005Le conseil régional de Languedoc-Roussillon était en pleine discussion sur son budget, mercredi 30 novembre, lorsque Georges Frêche a pris la parole. Le président socialiste de la région a l’habitude de faire connaître ses avis, iconoclastes ou brutaux, sur à peu près tous
les sujets. Cette fois, revenant sur le débat parlementaire de la veille qui avait opposé les socialistes à l’UMP sur " le rôle positif de la colonisation française " [1], M. Frêche a lancé : " Il est juste de reconnaître le rôle positif de la présence française en Algérie. " Puis il a développé : " La colonisation, je veux bien qu’on la condamne. Mais on s’acharne sur rien du tout. Si je suis d’accord pour stigmatiser les gros colons, je salue le très bon boulot des instituteurs en Afrique du Nord. " Qualifiant de " gugusses du PS qui font une opération politicienne " les parlementaires montés au créneau pour faire abroger l’article de loi, M. Frêche a dû faire face au " grand malaise " de ses amis socialistes. Et a essuyé une bronca des élus communistes et Verts réclamant une suspension de séance.Profitant de l’interruption, M. Frêche entonna alors à tue-tête, du haut de son perchoir régional, le chant colonial C’est nous les Africains qui revenons de loin, repris en chœur par quelques élus du Front national. A la fin du couplet, le leader régional du FN, Jean-Claude Martinez, applaudit : " Bravo Frêche ! Et s’ils te virent, tu sais que tu as toujours une bonne soupe de côté au FN. "
Au déjeuner, M. Frêche a pris à partie le porte-parole du groupe communiste, Jean-Louis Bousquet : " Tu as eu raison de réagir comme cela. A ta place, j’aurais fait pareil. Mais moi, tu comprends, je ne suis pas à Nantes [comme le président du groupe PS de l’Assemblée nationale, le député et maire Jean-Marc Ayrault], où il n’y a pas l’ombre d’un rapatrié. Ici, à Montpellier, c’est eux qui font les élections. " [2]
Illustration : le second tour des élections législatives de 2002 dans l’Hérault [3]
A l’issue du second tour, Marcel Roques déclare : « il y a eu moins de votants qu’au premier tour [l’abstention a été de 33,75 % contre 31,78 % lors du premier tour ] et une des clés du scrutin a été l’abstention du côté du FN. Je note que les électeurs du CPNT se sont reportés à 75 % pour Mesquida et 25 % pour moi. »
Le soir de l’élection, déçu par sa défaite, François Commeinhes constate, parlant de Liberti : « Il sauve une nouvelle fois son siège grâce à un candidat Front national. Je savais que ce serait difficile de l’emporter dans une triangulaire. D’autant plus que Jean-Claude Martinez ne reviendra à Sète que dans cinq ans... »
Réactions
Elisabeth Guigou (elle-même pied-noir) : Georges Frêche « a toujours courtisé le vote pied-noir ». [4]
Jean-Claude Pérez, député PS de l’Aude, tout en déplorant « la crispation » autour du thème de la colonisation, a confié : « On blesse beaucoup de citoyens avec cette affaire ». [5]
Colette Tignères, conseillère régionale communiste, " touchée et affectée " par les propos de Georges Frêche, est " bien décidée à ne plus revivre la mauvaise journée de mercredi ". [6]
Conseil Régional Languedoc-Roussillon : Outrance, populisme et violence au menu
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DES VERTS DU 08 DÉCEMBRE 2005
La semaine dernière, l’ensemble des députés de gauche, socialistes, Verts et communistes, ont trouvé le ton juste en votant contre le projet de la droite d’enseigner dans les écoles de la République le "rôle positif" de la France dans ses anciennes colonies. En insultant ces représentants de la nation, qui plus est issus de son propre camp, Georges Frêche a une nouvelle fois montré son vrai visage, celui du populisme.
Ses convergences de vue et d’attitude avec le FN révélées à cette occasion à propos du colonialisme français appellent la plus vive réprobation de la part des Verts. On ne peut ainsi faire l’apologie d’une des pages les plus sombres de l’histoire de ce pays, faite d’impérialisme, de hiérarchie raciale et d’exploitation.
Certes, ceux que l’on a appelés les "rapatriés" ne peuvent être considérés comme responsables individuellement de cette politique de la France et le traumatisme d’avoir dû quitter un pays natal dans des conditions dramatiques mérite aussi le respect. Mais un homme de gauche doit s’interdire de souffler sur les braises de bas instincts de revanche. Et c’est aux historiens qu’il appartient, dans un contexte apaisé, d’écrire l’histoire, pas à des démagogues uniquement soucieux de se rallier une clientèle électorale.
Les Verts condamnent enfin avec la plus grande fermeté les insultes puis les menaces physiques reçues en réunion de majorité par Silvain Pastor, conseiller régional Vert, de la part de Georges Frêche pour s’être élévé contre lui à cette occasion. Et ils apportent leur soutien à Silvain Pastor et à l’ensemble des élus qui ont protesté contre le comportement du président de la Région.
[1] Lire : article 1047.
[2] Lire : article 975.
[3] Source : Le midi libre.
[4] [Le midi libre du 3 décembre 2005.
[5] Ibid.
[6] L’indépendant, 3 décembre 2005.