A Mantes-la-Ville et à Fréjus, il a fallu une décision de justice pour qu’un local leur permettant de célébrer la fête de l’Aïd soit mis à la disposition des musulmans.
Ces faits se sont déroulés dans deux villes gouvernées par le Front national de Marine Le Pen. Elle-même est poursuivie en justice pour incitation à la haine raciale envers les musulmans. Il y a peu, elle a tenté de nous convaincre que, sous sa gouverne, son parti était devenu respectable ... mais les faits montrent qu’il n’en est rien : les déclarations et actes anti-musulmans n’ont jamais été aussi nombreux, et ils sont encouragés par les discours xénopobes de l’extrême droite.
Les militants FN mettent souvent en avant la défense de la laîclté. Il s’agit là d’une tromperie : ont-ils vraiment lu la loi de 1905 ? savent-ils qu’elle affirme la liberté de conscience et assure la liberté de culte à l’ensemble des religions ?
En décembre 2010, pendant une réunion publique à Lyon, Marine Le Pen, alors en campagne pour la présidence du FN, avait dénoncé dans un discours les "prières de rue".
"Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’Occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c’est une occupation du territoire", avait-elle déclaré.
La chambre d’instruction de la cour d’appel de Lyon avait annulé en 2014 la procédure visant Marine Le Pen pour ces propos — les juges ont estimé que l’association qui avait déposé plainte était irrecevable à le faire. Mais le parquet a réussi à faire revivre la procédure : en juillet 2013, le Parlement européen s’était prononcé pour la levée de l’immunité de la présidente du FN, ce qui a ouvert la voie à une procédure judiciaire à Lyon.
Le 22 septembre 2015, la présidente du FN Marine Le Pen était renvoyée en correctionnelle pour ses propos sur les prières de rue musulmanes comparées à l’Occupation nazie. [1]
Le Conseil d’Etat a ordonné, mercredi 23 septembre, à la municipalité FN de Mantes-la-Ville (Yvelines) de mettre un local à la disposition des musulmans pour la fête de l’Aïd, qui aura lieu jeudi, alors que l’association cultuelle en conflit avec la municipalité avait été déboutée en première instance.
Dans son ordonnance, le juge des référés du Conseil d’Etat, statuant en urgence, a estimé que « le refus de mettre à la disposition de l’association […] une salle municipale afin de permettre d’accueillir la célébration de la fête de l’Aïd-el-Kébir porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés de réunion et de culte ».
L’association des musulmans de Mantes Sud (AMMS) avait demandé à la commune gérée par le Front national, la seule d’Ile-de-France, de pouvoir disposer d’un local communal pour accueillir un rassemblement d’un millier de fidèles, jeudi, de 7 heures à 11 heures. A trois reprises, les 6 mai et 3 juin puis le 1er août, l’association représentative des musulmans avait sollicité la mise à disposition gracieuse ou la location du gymnase municipal Aimé-Bergeal, habituellement utilisé pour la fête de l’Aïd.
Epreuve de force depuis 2014
Mais, face au silence du maire Cyril Nauth, considéré comme un rejet implicite par l’AMMS, cette dernière avait saisi le juge des référés du tribunal administratif de Versailles. Déboutée le 18 septembre de sa demande en référé liberté (procédure d’urgence), l’association avait fait appel devant le Conseil d’Etat.
Si le juge des référés du conseil d’Etat a relevé que le gymnase sollicité était occupé de 8 h 30 à 17 heures, jeudi, par des collégiens, il a revanche constaté que la salle de spectacle Jacques-Brel, proposée par l’association lors de l’audience en appel, n’était retenue que de 9 heures à 16 h 30 pour les besoins d’une formation d’agents communaux. Le juge a donc ordonné au maire de mettre à disposition la salle polyvalente de 7 heures à 9 heures, l’association ayant fait valoir que ce créneau horaire « serait de nature à permettre le bon déroulement de cette cérémonie », selon l’ordonnance.
La décision du conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative, est un énième épisode dans le bras de fer qui oppose l’association au maire FN depuis son arrivée en 2014. Le 21 août, le tribunal administratif de Versailles a suspendu la décision de l’édile d’installer le poste de police municipale sur l’emplacement d’une future mosquée dont la construction, validée par l’ancienne maire PS est ardemment combattue par son successeur.
Jeudi [24 septembre], le maire FN de Fréjus organisait une manifestation sur une plage de la ville. Un rassemblement pour dénoncer une décision de justice du 17 septembre, prise par le tribunal administratif de Toulon, qui a autorisé l’association El Fath à ouvrir la mosquée spécifiquement pour la fête de l’Aïd.
Quelque 200 personnes se sont rassemblées jeudi en fin de journée sur la plage de Fréjus dans le Var, à l’appel du sénateur-maire frontiste de la ville David Rachline pour dire non à la nouvelle mosquée dont l’élu conteste la légalité. Ce rassemblement intervenait alors qu’une décision de justice du 17 septembre, prise par le tribunal administratif de Toulon, a autorisé l’association El Fath, qui gère le lieu de culte musulman dont les travaux viennent de s’achever, à l’ouvrir spécifiquement jeudi pour la fête de l’Aïd.
Le juge a également donné 15 jours à la municipalité Front national pour reconsidérer sa décision de ne pas autoriser l’ouverture de la mosquée. Cette décision a été jugée illégale par le tribunal. Dans un discours, David Rachline a rappelé qu’en 2011, "l’ancienne municipalité UMP avait accordé à l’association El Fath, ce qui veut dire ’la conquête’, j’insiste là-dessus, un permis pour un édifice cultuel, puis en 2013 un permis modificatif".
"On est chez nous" scandent les partisans de Rachline
"Le problème", a souligné le jeune élu FN, "est que ces permis font l’objet de nombreux contentieux devant la justice. Comment voulez-vous que j’autorise l’ouverture d’un lieu recevant du public dans de telles conditions ?" "Que la justice française autorise l’ouverture d’une mosquée pour éviter une émeute, c’est intolérable", a-t-il lancé.
Armé d’une truelle et ceint de son écharpe tricolore, David Rachline a ensuite symboliquement posé la première pierre d’un lieu de culte sur la plage en posant un parpaing sur un muret. "Si la justice autorise des constructions illégales, alors nous allons symboliquement commencer la construction d’un lieu de culte sur le domaine public maritime, qui sera certainement autorisée par le même tribunal", a-t-il lancé.
Avant d’entonner la Marseillaise, sous les cris de "On est chez nous" de ses partisans, David Rachline a enfin indiqué : "Nous attendons les décisions de la justice sur le fond qui, j’en suis certain, nous seront favorables. Et nous donnerons la parole aux Fréjusiens en organisant un référendum avec une question : Voulez-vous ou non d’une mosquée à Fréjus ?"
Fréjus : L’extrême droite mariniste tombe le masque
Communiqué du PS, le 23 septembre 2015
Alors que le tribunal administratif a autorisé l’ouverture de la mosquée, bloquée depuis des mois, le temps de la fête de l’Aïd le 24 septembre, le maire frontiste de Fréjus, David Rachline, vient d’appeler à un rassemblement demain contre cette décision.
Non content d’appeler à manifester contre une décision de justice, le maire ne se prive pas d’utiliser pour ce faire, les moyens municipaux.
Après ses adversaires, c’est maintenant la justice qui est accusée par le maire de ne pas faire son travail. Pour la seule raison qu’elle contrarie sa seule obsession : empêcher les fréjusiens de confession musulmane d’exercer leur culte, fut-ce le temps d’une journée.Le Parti socialiste doit-il rappeler au maire de Fréjus qu’avec son obsession de vouloir interdire à tout prix l’ouverture de ce lieu de culte, on est bien loin du respect de la laïcité, valeur essentielle de la République, que son parti prétend défendre ? La laïcité n’est pas l’exclusion d’une religion mais le respect de toutes.
Chassez le naturel, il revient au galop ! L’attitude antirépublicaine du maire de Fréjus est une nouvelle démonstration de ce qu’est réellement la nature du Front national. Derrière les rénovations de façade, ce mouvement demeure un parti antirépublicain dès qu’il est aux responsabilités : ses élus dénigrent l’institution judiciaire, attaquent les principes de laïcité et multiplient les stigmatisations contre les citoyens de confession musulmane. Le Front national est un danger pour la République.
Marine le Pen s’inscrit-elle dans la droite lignée paternelle ? C’est une première. La présidente du FN est renvoyée devant le Tribunal correctionnel de Lyon le 20 octobre - à deux mois des élections régionales - pour avoir comparé des prières de rue à l’occupation allemande. Ses propos datent de 2010. Elle les a réitérés, par la suite.
Le 10 décembre 2010, Marine Le Pen se trouve à une réunion publique à Lyon, c’est-à-dire sur les terres de Bruno Gollnisch. Elle dit ceci : « Maintenant il y a dix ou quinze endroits où, de manière régulière, un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires. Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c’est une occupation du territoire. C’est une occupation de pans du territoire, des quartiers dans lesquels la loi religieuse s’applique, c’est une occupation. Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants ».
En condamnant les prières de rue des musulmans qu’elle compare à une « occupation », Marine Le Pen ne fait pas qu’adresser des signes aux partisans du lepéniste Bruno Gollnisch, en lice pour la présidence du parti d’extrême droite. Elle expose sa ligne politique, fondée sur le rejet de l’islam, assimilé en tant que culture et religion à un danger. À ce moment, elle se réapproprie une thématique laissée de côté par le FN depuis plus de vingt ans.
« Inch’Allah ! Dans vingt ans, c’est sûr, la France sera une république islamique »
C’est le premier support islamophobe du FN. En même temps, et c’est significatif, il n’est pas signé... Pas de flamme FN, ni de marque distinctive renvoyant au parti. Un autre, plus confidentiel (annonçant une réunion publique de Carl Lang et de Jean-Yves Le Gallou) suit.
En 1987, Jean-Pierre Stirbois imprime cette affiche anonyme sur laquelle se détachent ces quelques mots : « Inch’Allah ! Dans vingt ans, c’est sûr, la France sera une république islamique ». Elle est emblématique du glissement qu’est en train d’opérer le FN à la fin des années 1980 sur le sujet de l’immigration, plus précisément sur le thème de la « menace islamique ». Les Français, rapporte une publication interne du FN, découvrent que l’immigration a évolué. Ils assistent « aux premières tentatives orchestrées de colonisation, c’est-à-dire d’implantation en France de cultures étrangères autour de l’islam, devenue la deuxième religion du pays. L’ouverture de centres islamiques, la construction de mosquées, la volonté d’imposer le droit de vote des immigrés sont autant de projets allant dans ce sens, tous symbolisés par l’affaire du tchador [...] ».
Jusqu’en 2010, plus aucune affiche ne dénonçant l’islam ne sera éditée et diffusée par le Front national. Cette parenthèse d’une vingtaine d’années s’explique principalement par deux faits : l’analyse politique adoptée par Jean-Marie Le Pen après la première Guerre du Golfe (août 1990 - février 1991) et les années Mégret, suivies de la scission.
« Non à l’islamisme »
C’est un gain électoral potentiel. Marine Le Pen en est convaincue. À partir de mars 2010, la propagande du FN réinvestit le thème de l’islamisme. L’affiche « Non à l’islamisme » - diffusée par le FNJ lors des élections régionales de 2010 en PACA - suscite une demande d’interdiction. On y voit une femme portant le voile intégral. À côté d’elle est représentée la carte de France, recouverte du drapeau algérien, sur laquelle sont édifiés des minarets reprenant la forme d’un missile. Le message est clair : par ses marques distinctives, l’islam affiche sa volonté de ne pas vouloir s’assimiler.
Après les attentats du 11 Septembre, le FN ne sort aucune affiche contre l’islam. Pourquoi ne cherche-t-il pas à instrumentaliser les événements pour sa propagande ? La scission de 1998-1999 a conduit au départ des cadres « très hostiles au métissage » et a, sans aucun doute, modifié la donne. Une des différences fondamentales entre les stratégies mégrétiste et lepéniste se trouve certainement là.
La campagne de 2002 dénonce la « montée de l’islam, fédérateur de la majeure partie de la population immigrée, l’extension de la consommation des drogues et des pandémies [...], l’augmentation interrompue de l’insécurité [qui] sont autant de phénomènes qui participent à la décomposition, chaque année plus évidente, de la société française ». Cinq ans plus tard, pour la présidentielle de 2007, le FN ne réactive pas les mêmes marqueurs. Le parti de Jean-Marie Le Pen entend s’attirer des sympathies dans le monde arabe et dans certains milieux d’extrême gauche. Il affiche son « refus du communautarisme » et sa « réaffirmation du principe de laïcité ». D’un point de vue électoral, cette stratégie politique se révèle contre-productive. Ce sera le plus mauvais résultat de Jean-Marie Le Pen depuis l’émergence du FN : 10,44% des voix. Marine Le Pen est sa directrice de campagne.
Avant son accession à la présidence du FN, Marine Le Pen fait de la lutte contre l’islamisation et de la défense de la laïcité les articulations de son discours. Son message se résume à ce double thème : le danger islamiste s’oppose aux valeurs laïques véhiculées par la démocratie, fondements de la République française ; la stigmatisation des musulmans faisant de l’islam et de la République deux entités incompatibles. Si elle rompt sur ce point avec le lepénisme, la présidente du FN s’inscrit dans la filiation paternelle sur un autre. Depuis quelques semaines, et encore davantage avec la crise des réfugiés, Marine Le Pen radicalise son discours, inscrivant ses propos dans la sémantique frontiste. Surtout, lors de l’audience d’octobre (où elle assure être présente), la présidente du FN va être jugée pour son intervention du 10 décembre. Et là, incontestablement et même si elle s’en défend, elle renoue avec une des thématiques privilégiées du père : celle de la Seconde Guerre mondiale.
Mise à jour : le procureur a demandé la relaxe de Marine Le Pen
La présidente du Front national était jugée ce mardi à Lyon pour avoir comparé les prières de rue à l’Occupation nazie. Le procureur a demandé sa relaxe, en estimant qu’elle parlait « d’un certain nombre de personnes » et non « pas de toute la communauté » musulmane. La décision a été mise en délibéré au 15 décembre.
[1] On se rappelle qu’en 2005, Jean-Marie Le Pen avait quant à lui jugé que l’occupation allemande n’avait pas été « particulièrement inhumaine ».