taser : le ministre se moque de la sécurité des policiers mais met en danger celle des citoyens


article communiqué de la LDH  de la rubrique justice - police > police
date de publication : vendredi 28 mai 2010
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Le ministre de l’Intérieur a publié un nouveau décret permettant aux maires de doter leur police municipale du pistolet à impulsions électriques Taser, jusqu’ici réservé à la police nationale [1].

Certes, par rapport au précédent décret annulé par le Conseil d’État, l’usage de l’arme est un peu plus encadré (formation, caméra placée sur l’arme). Cependant, comme l’écrit Amnesty international « les missions d’ordre public et de maintien de l’ordre qui sont confiées à la police municipale ne peuvent justifier l’utilisation d’un tel équipement. En effet, elle a en charge la surveillance générale de la voie et des lieux publics. Son rôle est celui d’une police de proximité qui assure la sécurité, la sûreté, la salubrité et la tranquillité publiques ainsi que la bonne application des arrêtés municipaux. » [2]

Le 19 mai dernier, à l’occasion de la sortie de son rapport annuel, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) a rappelé les quatre affaires comportant une mise en cause du Taser dont elle a été saisie qui démontrent le caractère non anodin de son utilisation [3]. Le 14 mai 2010, le Comité contre la Torture des Nations unies a rappelé de son côté, à l’occasion de l’examen de la situation de la France, que « l’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que, dans certains cas, il peut même causer la mort ».


Communiqué LDH

Paris, le 27 mai 2010

Taser et police municipale : quand le ministre se moque de la sécurité des policiers et met en danger celle des citoyens...

Le ministre de l’Intérieur a obtenu hier du Premier ministre qu’un décret autorise l’usage du pistolet à impulsions électriques, dit « Taser », par les policiers municipaux, en utilisant la mort d’une fonctionnaire de police pour mettre en scène un nouvel épisode de la gesticulation gouvernementale sécuritaire.

La Ligue des droits de l’Homme n’ignore pas que les gouvernants actuels sont passés maîtres dans l’art de se servir des faits les plus odieux pour alimenter leurs stratégies politiciennes. Mais ce dernier exemple passe les bornes de la décence : si la policière, que des gangsters ont tuée, qui portait son arme de service, avait été en outre munie d’un « Taser », cela ne lui aurait évidemment pas sauvé la vie. Le prétexte est si grossier qu’il déchire le voile de la compassion officielle pour faire apparaître une stratégie de communication beaucoup plus froide.

Car le gouvernement a bel et bien saisi cette occasion pour tenter de corriger l’illégalité de son précédent décret autorisant, déjà, l’usage du « Taser » par les policiers municipaux, décret que le Conseil d’Etat avait annulé le 2 septembre 2009 pour « méconnaissance des principes d’absolue nécessité et de proportionnalité dans la mise en œuvre de la force publique ». Et le décret du 26 mai 2010 ne répond que très partiellement aux critiques de la haute juridiction administrative. En particulier, il ne réserve pas, comme c’est pourtant le cas pour la police nationale, l’usage de cette arme (que l’Onu demande aux gouvernements de ne pas autoriser en raison de sa dangerosité...) aux hypothèses de légitime défense, à l’encontre de personnes violentes ou dangereuses dont la neutralisation ne justifie pas le recours à une arme à feu. Ainsi le gouvernement laisse-t-il libre cours aux surenchères locales, comme si les élus, qui instrumentalisent les peurs, devaient être moins encadrés par la réglementation que la Police nationale.

Le meurtre de la policière municipale est bien loin de tout cela. Et la véritable sécurité des policiers ne l’est pas moins. Mais une fois de plus la « politique de la peur » fait flèche de tout bois et met en danger la sûreté des citoyens face aux conditions d’usage d’une arme dont les dangers ne peuvent plus être sérieusement contestés. Le maintien de l’ordre public mérite mieux que ces petites manœuvres.

Les policiers municipaux de nouveau autorisés à utiliser le Taser

par Jean-Baptiste Chastand, LEMONDE.FR, le 27 mai 2010


"A quoi un Taser peut-il bien servir face à une Kalachnikov ?" A l’image de Georges Moréas, ancien commissaire de police et blogueur sur Le Monde.fr, la proposition de Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, d’équiper à nouveau les policiers municipaux en Taser après la fusillade du jeudi 20 mai à Villiers-sur-Marne, durant laquelle une policière municipale a été tuée, a été fraîchement accueillie depuis son annonce, dimanche.

Les syndicats de policiers municipaux, qui doivent être reçus place Beauvau jeudi 27 mai, ne cachent pas leur énervement. "C’est se foutre de notre gueule", tonne Patrice Masante, du syndicat SNPM-CFTC. "Le Taser est un gadget ! Il faudrait plutôt que le ministère oblige tous les policiers municipaux à être armés", affirme-t-il.

Un décret de 2000 autorise justement les maires à équiper leurs policiers municipaux de certaines armes à feu. En 2009, 7 000 policiers municipaux sur 17 700 dans l’ensemble de la France étaient équipées d’armes de quatrième catégorie (principalement des armes à feu). Les policiers municipaux de Villiers-sur-Marne, dont la policière morte dans la fusillade, étaient d’ailleurs armés depuis juin 2009.

"En général, la décision d’armer les policiers municipaux dépend du positionnement du maire sur les questions de securité publique. Il n’y a pas de clivage droite-gauche sur cette question", affirme Virginie Malochet, sociologue à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France. Selon elle, la nature des tâches qui leur sont attribuées, qui varient largement d’une ville à l’autre, n’a pas non plus d’influence.

Même chez Taser, qui devrait pourtant engranger des commandes grâce au nouveau décret promis par Brice Hortefeux, on ne cache pas que le modèle classique, le X-26, n’aurait pas été d’une grande utilité. "Dans le cadre de la fusillade, un autre de nos modèles aurait pu servir : le fusil Xrep", glisse Antoine di Zazzo, l’importateur français du Taser. "Ce fusil lance des cartouches électrisées jusqu’à 35 mètres qui n’ont pas besoin d’être reliées au fusil pour délivrer leur décharge. Si le ministre avait dû autoriser une arme à la suite de cette fusillade, il aurait mieux valu que ce soit celle-ci", affirme-t-il.

L’annonce de l’autorisation d’équiper en Taser les policiers municipaux étonne d’autant plus que ce n’est pas une nouveauté. En septembre 2008, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur, avait ajouté décret de 2000 un alinéa autorisant les maires à équiper leurs policiers municipaux. Mais cette disposition avait été annulée par le Conseil d’Etat le 2 septembre 2009.

Sans remettre en cause le principe de l’équipement des policiers municipaux en Taser, les magistrats estimaient que le texte ne prévoyait pas "la délivrance d’une formation spécifique à l’usage de cette arme préalablement à l’autorisation donnée aux agents de police municipale de la porter", contrairement à celui destiné aux policiers nationaux et aux gendarmes. Dès le rendu de l’arrêt du Conseil d’Etat, le nouveau ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux avait expliqué qu’il signerait rapidement un nouveau décret pour prendre en compte ces griefs.

Il a fallu neuf mois et une fusillade pour que cette signature soit annoncée. Entre-temps, les villes qui avaient déjà équipé leurs policiers municipaux ont dû remiser leurs Taser à l’armurerie. A Nice, la mairie a affirmé mercredi à Nice-Matin que la quarantaine de policiers municipaux formés devraient rapidement récupérer leurs armes, dès le nouveau décret publié.

"Déjà signé" et annoncé pour cette semaine par Brice Hortefeux, il a été de nouveau autorisé aux policiers municipaux par un décret paru jeudi au Journal officiel. Il revient maintenant au maire de chaque commune d’autoriser ou non le Taser à ses policiers municipaux.

Le Comité contre la torture de l’ONU critique l’usage du Taser en détention [4]

30. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’annonce faite par l’Etat partie de sa volonté d’expérimenter l’usage du Pistolet à impulsion électrique (« PiE », parfois également appelé "Taser") au sein de lieux de détention. Le Comité note que le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 2 septembre 2009, a annulé le décret du 22 septembre 2008 autorisant son emploi par les agents de la police municipale. Le Comité relève en outre un manque d’information précise quant aux modalités précises de son utilisation, sur le statut des personnes l’ayant déjà utilisée, ainsi que les précautions spécifiques, telles la formation et l’encadrement du personnel concerné. (Articles 2 et 16)

Réitérant sa préoccupation, selon laquelle il s’inquiète de ce que l’usage de ces armes peut provoquer une douleur aigüe, constituant une forme de torture, et que dans certains cas, il peut même causer la mort, le Comité souhaiterait obtenir de l’Etat partie des données actualisées sur l’usage fait de cette arme dans les lieux de détention.

Notes

[1Le décret du 26 mai 2010 : http://www.legifrance.gouv.fr/affic....
L’arrêté du même jour concernant les « précautions d’emploi » : http://www.legifrance.gouv.fr/affic....

[2Le communiqué du 27 mai 2010 d’Amnesty international : http://www.amnesty.fr/index.php/amn...
Le dossier d’Amnesty international sur le Taser : http://www.amnesty.fr/index.php/amn....

[3Le rapport 2009 de la CNDS : http://www.cnds.fr/avis/RA_2009_com....
Un avis de la CNDS : http://www.cnds.fr/avis/avis_2010_4....


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