Mortels contrôles d’identité


article de la rubrique justice - police > police
date de publication : mardi 27 décembre 2005
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Bouna Traoré et Zyed Benna sont morts électrocutés en se réfugiant dans un transformateur EDF, le 27 octobre dernier à Clichy-sous-bois, parce qu’ils tentaient d’échapper à la Police. Le 3ème jeune, Muhittin Altun, 17 ans, a été grièvement blessé. C’est cet événement précis qui a déclenché “les émeutes “ des banlieues de novembre 2005.
Ces jeunes de 15 et 17 ans n’avaient pourtant rien à se reprocher. Ils tentaient simplement d’éviter un contrôle d’identité de la BAC (brigade anti- criminalité) car il semble que l’un des trois jeunes n’avait pas de titre de séjour régulier.
Avaient-ils des raisons d’avoir peur ?

par Evelyne Sire-Marin, co-présidente de la Fondation Copernic, membre de la Ligue des Droits de l’Homme.


Mourir en France en 2005 pour échapper à un simple contrôle de police...

Il faut revenir sur le comportement de la police envers la jeunesse des banlieues pour tenter de comprendre la fuite mortelle des 3 jeunes, et surtout les violences urbaines qui en ont résulté jusqu’à la proclamation pour 3 mois de l’état d’urgence par une loi du 18 novembre 2005.
Les jeunes, objets de ces contrôles répétés, ont le sentiment qu’ils sont discriminatoires et que leur objet est autre que celui que la loi prévoit. Cela n’est pas entièrement faux car de nombreux contrôles d’identité ne répondent pas aux critères légaux et sont en réalité un quadrillage policier de la population et l’affirmation d’une présence de surveillance et de contention des populations “dangereuses”. Il suffit d’examiner les critères légaux permettant à la police d’effectuer un contrôle d’identité pour se convaincre qu’ils ne sont pas toujours réunis lors des interventions de la BAC, alors que ces critères ont été élargis par la loi du 15 novembre 2001 dite “sécurité quotidienne” :
Un contrôle d’identité est justifié si une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction, ou pour prévenir un trouble à l’ordre public, ou sur réquisition du procureur de la République pour rechercher des infractions précises telles que détention d’armes, de stupéfiants, ou séjour irrégulier des étrangers.
Mais souvent en banlieue les BAC contrôlent l’identité de jeunes qu’elles connaissent sans qu’ils n’aient commis aucune infraction. Il arrive ainsi que la même personne soit contrôlée plusieurs fois par semaine par les mêmes policiers, ce qui génère un agacement compréhensible des jeunes.
La police est alors perçue comme hostile aux habitants, alors qu’elle devrait s’attacher à respecter le rôle qui lui est assigné, celui de maintenir l’ordre public lorsqu’il est perturbé (rôle de la police administrative) et de rechercher les délinquants lorsqu’une infraction est commise (rôle de la police judiciaire)

Des exemples “frappants”

L’émission de TF1 "7 à 8 "du 6 novembre 2005 a d’ailleurs diffusé une scène très éclairante sur un contrôle d’identité de la BAC dans la quartier de la Duchère à Lyon où un policier disait à un jeune :"tu veux que je t’emmène dans un transformateur ? Ramène ta gueule, on va t’y mettre".
De même lors de la fête du beaujolais nouveau à Grenoble, dans la nuit du 17 au 18 novembre 2005, un avocat décrit dans une lettre au Procureur de la République, l’attitude incompréhensible des policiers, qui ont gazé et matraqué des centaines d’étudiants éméchés et hors d’état d’agresser qui que ce soit.
Qu’il s’agisse de contrôles d’identité ou de contrôles routiers, c’est souvent à l’occasion d’une intervention courante de police administrative que se produisent les tutoiements, les remarques désobligeantes, les menottages et gardes à vue inutiles de citoyens inoffensifs. Deux arrêts de 2004 de la CEDH (cour européenne des droits de l’homme) qui condamnent la France pour avoir violé l’article 3 de la convention européenne(interdiction de la torture et de traitements inhumains et dégradants) illustrent ce propos :
Le premier arrêt du 19 mai 2004 est intervenu à propos d’une affaire ayant entraîné 10 jours d’arrêt de travail pour le requérant, à la suite d’une simple intervention de la police pour tapage nocturne.
Le second arrêt du premier avril 2004 constatait qu’un jeune homme de 17 ans avait subi en garde à vue, à la suite d’une tentative de fuite, un coup tellement violent qu’une intervention chirurgicale d’urgence fût nécessaire
La France a été à chaque fois condamnée car “les hématomes et contusions” (du requérant) “étaient trop importants pour correspondre à l’usage de la force strictement nécessaire”.
Un précédent arrêt de condamnation de la France par la CEDH du 28 juillet 1999 adoptait une motivation identique.
Même si cette agressivité des forces de l’ordre est minoritaire au vu du grand nombre d’interventions effectuées (380 000 gardes à vue en 2004), ces comportements alimentent un sentiment général de crainte et d’hostilité de la jeunesse issue de la colonisation et de l’immigration envers la police.
Cette crainte est sans doute ce qui explique en premier lieu la réaction des 3 jeunes de Clichy sous Bois préférant risquer l’électrocution plutôt que de s’exposer à un contrôle policier ; les violences urbaines qui ont suivi leur mort étant une identification manifeste des jeunes du même âge à cette réaction de peur panique de la police, suivie d’une colère dévastatrice.
Pourtant on ne peut pas dire que les autorités publiques n’ont pas été prévenues des problèmes de violences policières, notamment de la BAC, et des moyens d’y remédier.

De sérieuses mises en garde

Faut il rappeler que chaque année depuis 2002, le Comité Européen de prévention contre la torture (CEPT) dépendant de l’ONU, fustige la France pour le comportement de sa police et pour l’absence de contrôle réel des magistrats sur l’activité policière ?
Cette organisation officielle chargée de vérifier l’application de la convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et celle de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme (nul ne peut être soumis à un traitement inhumain ou dégradant) a qualifié"d’inacceptables"les conditions de détention des personnes dans les locaux de rétention de police, de gendarmerie, ou pénitentiaires. Constatant en 2005 que les problèmes qu’il dénonce depuis 5 ans ne font qu’empirer, le commissaire européen du CEPT , Gil Robles, s’est écrié, en parlant des locaux de garde à vue dans les commissariats parisiens : "sauf en Moldavie, je n’avais jamais vu ça !".
De même, les médecins du service des urgences médico judiciaires de l’Hôtel Dieu à Paris, qui voient jusqu’à 2000 gardés à vue par mois, ont estimé qu’environ 5% des personnes détenues présentaient en 2001 des lésions traumatiques, et que 1000 personnes par an avaient des blessures compatibles avec leurs allégations de violences policières.

Faut il rappeler que la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) rattachée au Premier Ministre, dont le rôle est de dénoncer les abus des forces de sécurité, épingle chaque année la police pour son comportement lors des contrôles d’identité et des interpellations. On a d’ailleurs voulu supprimer une partie de son budget 2005, sans doute en raison de sa trop grande efficacité à remplir sa mission ! Le nombre des plaintes qu’elle a traité en 2005 a augmenté de 38% et la publication de son rapport annuel est redouté du ministère de l’intérieur....

Dans le rapport 2005 de la CNDS, l’un de de ses membres, Catherine Wihtol de Wenden, chercheur au CNRS, a mis en évidence dans 36 cas, sur 78 traités par la CNDS, des discriminations policières à l’occasion des contrôles d’identité.
Les plaignants sont essentiellement des jeunes issus de l’immigration maghrébine, âgés de 18 à 35 ans, vivant en région parisienne, avant tout en Seine Saint Denis.

Mettant en exergue un encadrement déficient sur le terrain, l’auteur développe une analyse sévère sur les préjugés qui animent les policiers sur les habitants des banlieues. Souvent confrontés à de jeunes délinquants issus de l’immigration, hostiles aux forces de l’ordre, les policiers en déduisent "une relation de causalité entre immigration et délinquance", selon Mme Wihtol de Wenden. Leurs préjugés les "amènent à traiter systématiquement les interventions comme si elles se déroulaient en situation de crise face à des délinquants avérés : utilisation des armes de défense, violences, utilisation du menottage".
L’esprit de corps habite la police, selon la CNDS, et "conduit des fonctionnaires à se solidariser et à uniformiser leurs dépositions au risque de couvrir les actes illégaux de collègues".
Pourtant l’article 12 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 précise “La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique. Cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.”
Quant au dernier rapport 2005 d’Amnesty International, il a dénoncé l’"impunité de fait" dont jouissent, selon l’organisation, les policiers français .
On mesure, au vu de ces conclusions convergentes sur la détérioration des relations entre la police et la population, combien l’attitude du Ministre de l’Intérieur traitant de “racailles”certains jeunes des banlieues , loin d’être maladroite, est calculée et volontaire : Lorsque N Sarkozy prétend sans aucun élément de preuve que les jeunes de Clichy sous Bois qui viennent de mourir sont de petits délinquants, son objectif est de nier délibérément les problèmes de violence de la police lors des contrôles d’identité, pour n’avoir pas à les réformer.

De nombreuses solutions

Pourtant les solutions ne manquent pas. Tous les rapports évoqués plus haut avancent des propositions pour remédier à ces “bavures policières”:mieux former les jeunes policiers au respect des droits, mieux les encadrer, recréer la police de proximité et l’îlotage supprimés en 2002, filmer les auditions en garde à vue, permettre aux avocats d’accéder au dossier policier dès la garde à vue, instaurer un vrai contrôle médical de la compatibilité de la garde à vue avec l’état de la personne....
Ces solutions ne sont pas mises en oeuvre par le Ministre de l’Intérieur, car il a fait de l’insécurité son principal thème électoral, mordant sur l’électorat du Front National, dont les gouvernements auquel il a appartenu ont réalisé 16 propositions sur 30 en matière de police et de justice [1].
Depuis 2002, l’activité de la police répond à une logique de résultats selon une orientation de “tolérance zéro”à l’encontre des populations les plus démunies, dont l’existence même est pénalisée : étrangers, SDF, prostituées, nomades, jeunes des banlieues...
N Sarkozy n’a cessé de fixer des objectifs chiffrés aux policiers (400 000 gardes à vue par an, 25 000 expulsions d’étrangers en 2006, 400 000 fichages génétiques en 2007...). La notation et la carrière des policiers étant liées à la réalisation de ces objectifs
 [2], l’activité policière s’est naturellement concentrée sur les interpellations qui “font du chiffre”d’infractions : détention de stupéfiant (shit), port d’arme de 6ème catégorie (opinel ou bombe lacrymogène), outrages et rébellions
 [3] sont devenues les infractions les plus souvent jugées en correctionnelle. Elucidées dès leur constatation, elles ne nécessitent aucune recherche policière, mais seulement des contrôles d’identité, permettant surtout d’interpeller des étrangers en situation irrégulière et de remplir les centres de rétention [4].
En outre, les statistiques obtenues remontent un peu le taux d’élucidation des infractions par la police en France, qui est l’un des plus bas d’Europe (30%) : en raison de la diminution des effectifs de la police judiciaire au bénéfice de la police de maintien de l’ordre, la délinquance organisée, les infractions économiques et financières, le droit pénal du travail sont délaissés
 [5] et les enquêtes sont insatisfaisantes.
Cependant , quelles que soient les orientations données à la police par l’actuel gouvernement, on est en droit de se demander ce que fait l’autorité judiciaire devant cette situation, car dans une démocratie, la justice est l’autorité de tutelle de la police ; l’article 66 de la constitution ne prévoit-il pas que la justice “est le gardien des libertés individuelles” ?
 [6]

Que fait la justice ?

Force est de constater que la justice a le plus grand mal à remplir son rôle constitutionnel de contrôle de la police en raison des pouvoirs de plus en plus considérables donnés par le législateur à cette dernière.

La justice, une autorité marginalisée

La loi Vaillant sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001, élaborée sous le gouvernement Jospin, fut la première d’une série de lois sécuritaires que Nicolas Sarkozy s’apprête encore à allonger
 [7]. Tous ces textes augmentent les pouvoirs de police et limitent les contrôles judiciaires, notamment en généralisant des incriminations aux contours flous comme celle de criminalité “ organisée ”. Au fil des ans, sans vrai débat, sont ainsi devenus légaux : les contrôles d’identité dans les circonstances les plus larges, les interrogatoires à distance par vidéo-conférence, la fouille des véhicules lors d’un simple contrôle de police, la conservation des données de connexions sur Internet pendant un an, la possibilité de l’anonymat des témoins, les gardes à vue de 4 jours, les centres fermés pour mineurs, les sanctions éducatives dès l’âge de dix ans, la rémunération des indicateurs de police, la création de 3 fichiers de police concernant plus de 5 millions de personnes En outre, les possibilités de perquisitions et d’écoutes téléphoniques ont été étendues. Certaines de ces mesures rappellent et dépassent la loi “ sécurité-liberté ” de 1981 qui , elle, avait suscité de vastes manifestations de protestation et il est même aujourd’hui question de ressusciter la loi anti casseurs de Raymond Marcellin, qui, dans les années 1970, interdisait quasiment de manifester !
Si les compétences des magistrats se réduisent au profit de l’initiative policière, le fonctionnement même de la justice est en outre totalement orienté vers l’homologation du travail policier.

Sous la tutelle du parquet et de la police

Les violences urbaines de novembre 2005 ont puissamment démontré, tout comme l’affaire d’Outreau (que le calendrier de la cour d’assises d’appel avait programmé en même temps), la toute puissance du parquet dans l’institution judiciaire : Le procureur, magistrat hiérarchiquement soumis aux instructions du Garde des Sceaux, est celui qui poursuit, et presque celui qui juge.
Tout d’abord, il semble que le lien (appelé “chaîne pénale” depuis un discours de N Sarkozy du 26 juin 2002) entre la police et la justice soit désormais si important qu’une présomption de culpabilité pèse sur toute personne prévenue d’avoir porté atteinte à l’autorité de la police.
Ainsi, pendant les émeutes, le Garde des Sceaux
 [8] a donné l’ordre aux magistrats du parquet d’être présents “dans les postes de commandement de la police (sic !) afin d’apporter l’analyse juridique du parquet et d’informer en temps réel la hiérarchie des événements”.
Que reste-il dans ces conditions de la crédibilité (et de l’indépendance) de la justice ?
L’organisation même de la justice a été”exceptionnelle” pendant ces violences urbaines : dans certains tribunaux, plusieurs chambres de comparutions immédiates ont siégé simultanément et de manière continue, de jour comme de nuit ; des magistrats ont même été délégués en renfort dans les tribunaux concernés par les chefs de Cour d’appel.
Il est habituel de qualifier de justice d’abattage les comparutions immédiates, mais en l’espèce, il s’agissait d’une justice d’exception, et de formations spéciales,

Une justice d’abattage

Ainsi, pendant les 3 semaines de violences urbaines,, le Garde des Sceaux a demandé et obtenu des tribunaux correctionnels des peines très lourdes :
3mois d’emprisonnement ferme pour avoir montré ses fesses à un C.R.S. (Toulouse), 4 mois pour un incendie de poubelle (Bobigny), 5 mois pour outrage et rébellion (Paris), 4 ans pour l’incendie d’un magasin de meubles (Arras)
2787 personnes ont été interpellées, et plus de 600 ont été incarcérées, alors que les prisons sont déjà surpeuplées ( taux d’occupation de 130% en moyenne).
411 adultes ont été condamnés à des peines fermes d’emprisonnement, plus d’une centaine ont été placés en détention provisoire, tandis que 118 mineurs ont été incarcérés.
Plusieurs associations de défense des droits demandent aujourd’hui l’amnistie des lourdes condamnations prononcées par cette justice sous “état d’urgence”.

Sur instruction du Garde des Sceaux, le parquet a choisi systématiquement la voie la plus répressive, la comparution immédiate, pour juger ces infractions : alors que la majorité d’entre elles étaient des atteintes aux biens, et que 60% des prévenus n’avaient aucune condamnation à leur casier judiciaire [9], 600 personnes ont été envoyées en prison en 3 semaines.
Même si l’on considère qu’il était légitime que ces personnes soient poursuivies, si elles ont commis des délits, il faut observer que le mode habituel de jugement de ce type d’infractions n’est pas la comparution immédiate , mais le “rappel à la loi”.
Ainsi, les dégradations volontaires de biens publics (voitures de police, écoles, etc) ou privés (incendie de poubelles ou de voitures), qui représentent la plupart des infractions jugées pendant les événements de novembre, font normalement l’objet d’une convocation devant un délégué du procureur (composition pénale). Un rappel à la loi avec indemnisation de la victime est prononcé et l’affaire est classée sans suite par le parquet. S’agissant des mineurs, une admonestation par le juge des enfants est le mode de réponse pénale habituel, et non pas la comparution à délai rapprochée ou la détention provisoire, comme ce fut le cas en novembre.
Pour les autres infractions (outrages, rébellions), la procédure habituelle est la convocation à une audience ultérieure (2 à 4 mois plus tard), avec remise en liberté. Ce n’est que dans les cas de violences physiques contre des policiers que les personnes en garde à vue sont déférées devant un tribunal en comparution immédiate.

Enfin, ce sont essentiellement des personnes âgées de 16 à 25 ans qui ont été condamnées et qui rencontreront des difficultés dans leur recherche d’emploi en raison de la mention portée sur leur casier judiciaire, sans compter l’inscription de la plupart des condamnations au FNAEG (fichier national des empreintes génétiques) pendant 40 ans.
Il existe bien entendu la possibilité de faire appel de ces condamnations, mais il est rare que les Cours d’appels réduisent les peines prononcées, lorsqu’il s’agit de peines d’emprisonnement déjà exécutées.

Tant d’exceptions dans l’application de la loi pénale permettent d’affirmer que ces affaires ont relevés d’une justice d’état d’urgence.
Nul ne songe à prétendre qu’il ne fallait pas juger les personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions. Mais pour la plupart d’entre elles, le fonctionnement judiciaire ordinaire aurait abouti à des “rappels à la loi”, sous condition d’indemnisation des victimes, et non pas à des peines de prison ferme.
C’est pourquoi un certain nombre d’associations de défense des droits demandent l’amnistie des peines prononcées : puisque la plupart des peines ont été exécutées dès la condamnation, à la suite d’un mandat de dépôt à l’audience de comparution immédiate, cette amnistie ne reviendra pas sur l’exécution de la peine, déjà effectuée. En revanche elle permettrait l’effacement de ces sanctions du casier judiciaire, afin de ne pas obérer l’avenir des personnes jugées avec une rigueur excessive.

Ainsi, l’état d’urgence déclaré pour 3 mois par la loi du 18 novembre 2005 est à la fois la conséquence ultime et l’illustration du recul de l’état de droit en France depuis 3 ans.
Il donne encore plus de pouvoirs à la police, et cette fois sans même l’autorisation d’un magistrat du parquet : assignations à résidence, perquisitions de nuit, fermeture provisoire de salles de spectacles, de débits de boissons et de lieux de réunion, limitation de la circulation des personnes et des véhicules...
Tout est permis de la seule initiative du préfet sans aucun contrôle judiciaire. Plus rien ne borne les possibles excès du pouvoir exécutif.
Chacun a cependant pu constater que l’état d’urgence était parfaitement inutile pour rétablir la paix publique, puisqu’il a été proclamé 2 jours après l’arrêt définitif des violences urbaines.
Mais, comme les lois sécuritaires, comme les contrôles d’identité abusifs, l’état d’urgence n’a ,à l’évidence, pas pour objectif d’être nécessaire au maintien de l’ordre public.

Il s’agit d’agir dans l’ordre symbolique, et le rappel à la loi du avril 1955 sur l’état d’urgence pendant la guerre d’Algérie est révélateur : Il faut flatter une partie des électeurs en exacerbant les peurs, même si ce sont les électeurs du Front National, même si le prix a payer est l’étouffement progressif d’une partie de nos libertés individuelles

Evelyne Sire-Marin - 27 décembre 2005

Notes

[1cf site de la fondation Copernic : www.fondation-copernic.org ,Copernic Flash“à quoi servent les lois sécuritaires ?” et article du canard enchaîné du 14 décembre 2005 :"plus de la moitié du programme sécuritaire de Le Pen cannibalisé par la droite”

[2Le ministre convoque chaque mois les préfets des 5 départements où la délinquance a le plus baissé et ceux des 5 départements où elle a augmenté.

[3Les condamnations ont augmenté de 30% en 5 ans en matière d’outrages et de rébellion mainmise les dépositaires de l’autorité publique.

[4Les expulsions d’étrangers ont doublé depuis 2002.

[5Il n’est pas rare qu’un juge d’instruction attende 1 an ou plus pour qu’une commission rogatoire soit exécutée dans ces matières, tant les policiers sont débordés.

[6Art 66 de la constitution 4 octobre 1958 : le rôle de l’autorité judiciaire est d’être “gardienne de la liberté individuelle”.

[7Loi récidive du 12 décembre 2005, loi antiterroriste votée le 22 décembre 2005, nouveau projet “immigration”, projet “prévention” de la délinquance etc...

[8Le Ministre de l’Intérieur a pourtant continué à affirmer que les violences ont été commises par des délinquants chevronnés “agissant en réseau” (déclaration du 17 novembre 2005 à l’Assemblée Nationale) bien que même un rapport de la direction centrale des renseignements généraux dise le contraire.

[9Discours du 9 novembre 2005 aux procureurs généraux.


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