polémiques sur l’utilisation de pistolets à impulsion électrique de type Taser


article de la rubrique justice - police > police
date de publication : vendredi 25 juillet 2008
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A Winnipeg, un adolescent métis âgé de 17 ans meurt peu après avoir reçu une décharge d’un pistolet électrique Taser.
Selon Amnistie Internationale, depuis 2003, au moins 21 personnes seraient décédées au Canada dans des conditions analogues.

Amnesty International a pu étudier les dossiers de nombreuses personnes ayant trouvé la mort aux Etats-Unis depuis 2001 après avoir été touchées par un Taser de la police. Son rapport, publié en septembre 2007, mentionne plus d’une vingtaine de comptes-rendus d’autopsie où les coroners citent les pistolets électriques comme cause directe ou aggravante des décès.

Les pistolets Taser sont des armes capables de paralyser instantanément les personnes touchées en envoyant des décharges de 50 000 volts par le moyen de deux fléchettes qui traversent les vêtements ou la peau. Le décès en Louisiane il y a quelques mois d’un Noir qui avait été “tasé” 9 fois par un policier blanc rappelle qu’il y a lieu de s’interroger sur les risques liés à l’utilisation de ce type de matériel.

En France, la police et la gendarmerie sont équipées de pistolet à impulsion électrique de type Taser depuis deux ans. Mais le recours à ces armes vient d’être mis en cause dans un rapport concernant les incidents qui se sont déroulés au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes en février 2008. Ses auteurs demandent qu’une réflexion urgente soit entreprise « sur les conséquences physiques et mentales [de] l’usage des armes à impulsions électriques sur les personnes ciblées ».


Un homme meurt après une décharge de Taser

[LEXPRESS.fr, le 23 juillet 2008]

Un homme serait décédé, mardi 23 juillet, après avoir reçu au moins une décharge de pistolet à impulsion électrique Taser à Winnipeg (Canada). Ce fait divers s’inscrit dans la polémique autour de l’usage du Taser par les policiers municipaux au Canada, comme en France.

Un homme aurait trouvé la mort à Winnipeg (Canada) après avoir reçu au moins une décharge du pistolet à impulsion électrique Taser au cours d’un affrontement avec des policiers, selon la presse canadienne. Le lien entre l’usage du Taser et le décès de cette personne n’est cependant pas encore formellement établi.

L’an dernier, le Canada avait déjà été secoué par une précédente affaire de décès suite à l’utilisation du Taser. A l’aéroport de Vancouver, un ressortissant polonais, Robert Dziekanski, avait été immobilisé par un tir de Taser puis maintenu à terre par un policier à cause de son comportement agité. L’enquête a révélé qu’il attendait sa mère depuis une dizaine d’heures sans avoir réussi à la trouver. En juin 2008, Amnesty international Canada avait renouvelé sa demande de moratoire sur l’utilisation du pistolet électrique suite au décès d’un détenu en Ontario touché par une décharge de Taser.

Inquiétudes internationales

L’utilisation par les policiers américains, canadiens et européens, inquiète beaucoup les organisations des droits de l’homme, en particulier Amnesty international [1]. L’organisation avait appelé tous les Etats concernés à ne plus en faire usage jusqu’à ce que « des études exhaustives et indépendantes soient menées sur leurs usages et effets ».

Le Comité de l’ONU contre la torture, chargé de surveiller l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a publié, en novembre 2007, un rapport soulignant que l’utilisation du pistolet à impulsion électrique Taser constitue « une forme de torture » et « peut même provoquer la mort ».

En France, le pistolet électrique suscite tout autant d’émois. Lors de sa campagne pour la présidentielle de 2007, Olivier Besancenot, porte-parole de LCR, avait affirmé que cette arme était responsable de "150" décès aux Etats-Unis.

Les dirigeants de la société SMP Technologies, distributeur exclusif en France du pistolet à impulsion électrique Taser auprès de la police et de la gendarmerie, avaient alors intenté une procédure pour diffamation contre ce dernier.

Le 8 mai 2007, l’Express avait révélé que durant plusieurs mois, d’octobre 2007 à janvier 2008 au moins, Olivier Besancenot a été placé sous surveillance par une officine de renseignement privée. Selon les informations de l’Express, l’affaire trouverait son origine dans le contentieux opposant Olivier Besancenot à la société SMP Technologies.

Demande de moratoire en France

Alertée par les conclusion de l’ONU, la sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat avait adressé une demande de moratoire sur l’usage du Taser à Alain Marleix, secrétaire d’État, à l’intérieur et aux collectivités territoriales, le 20 mai au Sénat.

Ce dernier lui a répondu que le ministre de l’intérieur avait créé en octobre 2007, un groupe de travail associant des représentants de l’Etat, des maires et des syndicats des policiers municipaux. La conclusion de leur réflexion préconisait que l’utilisation du pistolet soit conditionnée à une formation complète et que l’usage du Taser X26 doit faire l’objet d’un agrément préalable par le préfet et le procureur.

Il avait également insisté sur le fait que « le modèle X 26, dont sont dotées les unités françaises, est nettement moins puissant que le M 26 utilisé par certaines polices, comme la canadienne. Les utilisateurs de cette arme sont spécifiquement formés et individuellement habilités ».

Au début du mois de juillet, Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, a signé un décret autorisant ainsi les 17 000 policiers municipaux français à s’équiper du fameux pistolet. Plus de 300 municipalités ont exprimé le désir de voir leur police s’équiper de Taser.

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Utilisation contestée du Taser au CRA de Vincennes en février 2008

Dans la nuit du 11 au 12 février 2008, des policiers ont utilisé le Taser pour réprimer des échauffourées à l’intérieur du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes. La Préfecture de police de Paris a confirmé, lundi 25 février, les informations rapportées par la Cimade et la Ligue des droits de l’homme. Elle a annoncé que l’inspection générale des services (IGS) avait été saisie.

Le 10 juillet 2008, la Commission nationale citoyens-justice-police, composée de la Ligue des droits de l’homme (LDH), du Syndicat des avocats de France (SAF) et du Syndicat de la magistrature (SM), a rendu public son rapport sur ces incidents, qui avaient opposé des policiers et des retenus, quatre mois avant l’incendie qui a détruit les bâtiments.

Selon la commission, la police se serait rendue coupable de deux abus de pouvoir :

  • une « absence de proportionnalité dans les moyens utilisés » : 60 policiers contre moins de 10 retenus impliqués dans les incidents ;
  • utilisation d’un Taser en dehors des instructions officielles (légitime défense, état de nécessité, crime ou délit flagrant) [2].

Dans son rapport, la commission rappelle les instructions du ministère de l’Intérieur concernant l’utilisation de PIE.

Les dispositions relatives aux armes à impulsions électriques

Extrait du rapport de la CNCJP [3]

Le pistolet à impulsions électriques (PIE), plus communément appelé Taser®, est une arme commercialisée par un fabricant américain. Il est implanté aux Etats-Unis et au Canada depuis 1999. En France, la police nationale et la gendarmerie en sont équipées depuis 2006. Ce sont aujourd’hui 3000 policiers et gendarmes qui utilisent le PIE sous le
modèle Taser X-26.

Cette arme a pour objectif d’immobiliser une personne située à sept mètres de distance maximum en lui envoyant, pendant au moins cinq secondes, une décharge électrique de 50 000 volts, qui va avoir pour effet "d’interrompre la liaison" entre son cerveau et ses muscles.

La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure prévoit d’étendre son utilisation, d’ici 2009, à 17000 hommes.

Le ministère de l’Intérieur, dans le cadre d’une note interne, a identifié trois cadres juridiques d’utilisation du PIE. Ainsi, l’arme ne doit être utilisée qu’en cas de légitime défense, d’appréhension de l’auteur d’un crime ou d’un délit flagrant, de nécessité ou de résistance manifeste à l’intervention légale d’un policier. Le ministère de l’Intérieur ajoute que la formation des forces de sécurité "insiste sur le discernement des cas où le tir sera fortement déconseillé (personnes cardiaques, femmes enceintes, influence de stupéfiants, imprégnation de liquides inflammables…)".

Il est à noter qu’en France aucune étude sanitaire n’a été effectuée, ni avant de doter les policiers et les gendarmes de cette arme ni depuis sa mise en service.

Une note d’instruction d’emploi relative à l’utilisation des pistolets à impulsions électriques émanant du directeur général de la police nationale en date du 9 mai 2007 a repris et développé les précisions déjà apportées lors de la mise en place des PIE, en soulignant :

"L’utilisation d’un pistolet électrique par un policier est assimilable à l’emploi de la force. Celui-ci n’est possible que lorsque les conditions requises par la loi l’autorisent. Il en est ainsi prioritairement lorsque le fonctionnaire de police se trouve dans une situation de légitime défense (article 122-5 du code pénal).

En dehors de cette hypothèse principale, l’emploi de cette arme, qui doit en tout état de cause rester strictement nécessaire et proportionnée [mis en gras par le rédacteur de la note ministérielle], peut également être envisagée :
- soit dans le cadre de l’état de nécessité (article 122-7 du code pénal) ;
- soit en cas de crime ou délit flagrant pour en appréhender le ou les
auteurs (article 73 du code de procédure pénale), mais sous certaines
conditions. Toujours strictement nécessaire et proportionné, l’usage ne
pourra en être fait qu’à l’encontre des personnes violentes et dangereuses.
Je rappelle également que les pistolets à impulsions électriques sont inscrits sur la liste européenne des matériels qui, en cas de mésusage ou d’abus, peuvent relever des cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants (annexe III du règlement CE n° 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005 concernant le commerce de certains biens susceptibles d’être
utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants)."

Dans ses conclusions, la commission recommande aux autorités françaises de
« renoncer à l’usage des pistolets à impulsions électriques ou à tout le
moins
[de] légiférer sur ces armes. A ce jour, il n’existe que des notes
ministérielles internes, sans force juridique. En outre, compte tenu des
préoccupations formulées par les organes des Nations Unies,
particulièrement par le comité contre la torture, une réflexion urgente
doit être entreprise sur les conséquences physiques et mentales
qu’engendre l’usage des armes à impulsions électriques sur les
personnes ciblées
 ».

Notes

[1Le rapport d’Amnesty International de septembre 2007 : http://www.amnistie.ca/content/view....

[2Selon L’Humanité du 11 juillet 2008, l’homme victime du tir de Taser a, depuis, été expulsé.

[3Le rapport de la commission nationale citoyens-justice-police est accessible dans son intégralité : http://www.ldh-france.org/media/act....


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