des défenseurs des droits de l’homme apportent leur soutien à Sandrine, grièvement blessée à Avignon lors de la Fête de la musique


article de la rubrique justice - police > police
date de publication : mardi 19 juillet 2011
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Le Festival d’Avignon est un lieu où se produisent régulièrement des incidents avec la police. On n’a pas oublié le cas en 2008 de Patrick Mohr qui, suite à son intervention pacifique lors d’un contrôle d’identité de musiciens africains, a été condamné pour « rébellion ». On se rappelle également les incidents qui avaient suivi en juillet 2009 ce qui n’était sans doute au départ qu’une plaisanterie.

En juin dernier, c’est à l’occasion de la Fête de la musique qu’une jeune femme, Sandrine Benet, s’est retrouvée à l’hôpital avec une double fracture du maxillaire consécutive à un incident qui avait pris une ampleur injustifiable.

Des militants du MRAP et d’autres associations ont décidé d’apporter aide et réconfort aux victimes de ces violences illégitimes en créant un observatoire des violences policières en Vaucluse (OVP), suivant l’exemple de ce qui existe dans le département voisin des Bouches du Rhône. Pour commencer, ils vont apporter leur soutien à Sandrine qui leur semble l’exemple même de ce qui ne doit plus se produire.


Libertés : un Observatoire des Violences Policières Illégitimes créé depuis hier à Avignon. Ils veillent sur nos droits.

par Christophe Coffinier, La Marseillaise, le 5 juillet 2011


La police, en tant que force de l’ordre est dépositaire de la violence légitime exercée par l’État. Enfin, c’est ainsi qu’en démocratie on définit la répression exercée au nom de la protection des personnes et des biens. Mais les policiers, « maîtres de la voie publique », depuis les consignes de N. Sarkozy ministre de l’intérieur, peuvent aussi déraper.

C’est une des raisons qui a motivé le MRAP et le collectif vauclusien contre la répression à créer un Observatoire des Violences Policières Illégitimes (OVPI). Pour le présenter hier, Bernard Senet, Françoise Darwiche et Madeleine Ould Aoudia du MRAP, André Mathieu de la LDH, Anette et Fred du comité 84 contre la répression, Florence Miller pour RESF, Hélène Bourchet, avocate, et Daniel Fallot, du syndicat de la Magistrature... L’initiative est aussi soutenue par les syndicats Solidaires du département et la maison Alternative et solidaire.

Bernard Senet président du MRAP Vaucluse en explique la genèse : « Cela fait plus d’un an que les associations sont en contact régulier pour mettre en place un tel observatoire. Cela existe dans les Bouches du Rhône depuis une dizaine d’années, avec édition d’un livre blanc chaque année, qui est un état des témoignages des violences policières. Dans le temps, ils ont obtenu des modifications de comportement, et même des mutations de policiers reconnus violents... Au vu de résultats au final positifs, nous avons pensé que cela valait la peine de le faire ici. » Mais attention, il ne s’agit pas pour les associations susdites de s’affronter aux autorités « nous voulons avancer et obtenir des résultats positifs. »

Car depuis des années, les associations reçoivent, consolent et aident juridiquement des personnes victimes dé violences policières, « les policiers portent plainte systématiquement pour outrage quand ils ont été violents. Cela nous a été confirmé par leur hiérarchie, qui reconnaît implicitement que le nombre de plaintes pour outrage correspond aux plaintes pour violences policières. »

Une violence de trop

Il aura fallu un débordement de trop lors d’un événement festif à Avignon pour précipiter les choses. Lors de la fête de la musique 2011, une jeune femme a eu la mâchoire fracassée par des policiers (lire ci-dessous) « et 5 policiers ont porté plainte contre elle pour outrage, rébellion et incitation à l’émeute. nous pensons que la gravité des violences subies et le nombre de plaintes sont liés...  ». Car loin de généraliser le comportement violent à tous les policiers, les fondateurs de l’observatoire n’en accusent pas moins des abus : « les plaintes des policiers sont assorties de demandes d’indemnités conséquentes, et il a été reconnu qu’en région parisienne cela permet à certains d’entre eux d’arrondir les fins de mois. » Il s’agit ici de dénoncer « des violences disproportionnées. Ils sont 5 en cause dans ce dernier cas...  » Les associations aident la jeune femme à recueillir des témoignages de cette soirée, et ont lancé un appel à témoins. Si ce cas est emblématique pour les associations, il n’est pas le seul.

Pour Daniel Fallot, vice président du TGI de Carpentras et représentant du Syndicat de la magistrature, « cette dernière histoire nous interpelle. Nous entrons dans la période du festival, et nous craignons qu’il y ait de nouvelles affaires de violences de la part de policiers. Pour ceux qui en sont victimes il est difficile d’apporter des éléments pour se justifier face à la parole de policiers. Nous voulons que la presse se fasse le relais de cet émoi, et prévenir par l’attention que nous portons à ces questions. Nous espérons que les autorités vont veiller à donner des instructions aux forces de l’ordre. »

En attendant, l’observatoire veille.

  • Observatoire des Violences Policières Illégitimes
    Maison IV de Chiffre - 26 rue des Teinturiers - Avignon
    tél. : 04 90 86 80 31

Appel à témoins, sur violences

C’est en quelque sorte la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et quelque part accéléré la mise en place d’un observatoire vauclusien des violences policières : une intervention de la police municipale puis de la police nationale qui se termine mal pour une jeune femme la nuit de la tête de la musique.

« A Avignon dans la nuit du 21 au 22 Juin aux alentours de 1h30 du matin, vers la porte St Lazare, le concert de Sound system venait de se terminer, lorsqu’une altercation à eu lieu entre la police municipale et quelques jeunes gens.
Une jeune femme été brutalement jetée au sol et frappée. Elle a subi de graves blessures : fracture de la mâchoire. »

Si vous avez été témoin de la scène, ou présent , le MRAP vous demande de prendre avec ses référents aux numéros suivants 04 90 86 80 31 / 06 21 04 37 49 / 06 13 20 44 37.

Sandrine Benet a fait une semaine d’hôpital pour sa mâchoire cassée. (DR)

Lettre de Bernard Senet
à
Mme la Procureure de Vaucluse

Madame la Procureure,

Notre association, dans le cadre de son activité au sein de l’observatoire des violences policières, a pris connaissance d’un acte grave commis le soir de la fête de la musique par des policiers municipaux à l’encontre d’une femme de 29 ans. Les conséquences médicales et psychologiques sont sévères pour elle. Son récit et les témoignages confirment que la "force opposée" a été injustifiée face à la résistance, qu’elle dit par ailleurs ne pas avoir opposée.

Sans surprise, l’importance de cette violence est confirmée par la plainte qu’ont déposée pas moins de cinq policiers contre elle, eux-mêmes indemnes de blessures, confirmant qu’une jeune femme ne pouvait les mettre en danger. A la douleur physique s’ajoute donc la souffrance morale de devoir se justifier, l’obligeant à trouver un avocat et des témoins, alors que le traitement de ses fractures nécessite surtout du repos.

Nous vous adressons ce courrier, en espérant une réponse, car l’insuffisance de formation de certains fonctionnaires de police devient de plus en plus dangereuse pour le maintien de l’ordre public. Si la solidarité entre collègues peut entraîner des mensonges condamnables de la part des policiers nationaux, OPJ assermentés, la protection dont ils font systématiquement l’objet par leurs supérieurs est inacceptable. Le policier est garant de la vérité, sa parole pèse devant les tribunaux, l’usage répété du mensonge ne peut que continuer à dévaloriser sa fonction et fragiliser l’équilibre républicain.

Comme les témoignages de provocations et d’agressions de la part des "gardiens de la paix" se multiplient, nous doutons de l’efficacité de la discipline interne et de leur auto-contrôle.

Veuillez croire, Madame la Procureure, ...

Bernard SENET
responsable fédéral du MRAP de Vaucluse

Sandrine après l’intervention chirurgicale (DR)

AVIGNON – LORS DE LA FÊTE DE LA MUSIQUE

Depuis l’hôpital, elle accuse : "Le policier m’a cassé la mâchoire"

Le Dauphiné libéré, le 28 juin 2011


« Le policier municipal m’a écrasé la tête par terre. Il l’a fait tellement fort qu’il m’a cassé la mâchoire. J’ai hurlé de douleur, mais ça n’a rien changé ». Hier, Sandrine Benet, une Carpentrassienne de 29 ans est sortie de l’hôpital Henri-Duffaut d’Avignon. Elle s’est vue prescrire 45 jours d’ITT.

La jeune femme a été hospitalisée la nuit de la Fête de la musique. Ce soir-là, avec des amis, elle fait la fête porte Saint-Lazare. « Vers, 1h30, les organisateurs discutaient avec les policiers municipaux et le son avait été coupé. Je me suis approché d’eux… », témoigne Sandrine Benet. Les forces de l’ordre font usage de gaz lacrymogènes. « J’ai pris des coups sur la tête…  » Seconde utilisation du gaz. La jeune femme est interpellée tout comme deux autres fêtards. Dont Nicolas, un Avignonnais de 33 ans : « C’est injuste et disproportionné. Ils nous ont attaqués comme si on était des terroristes. »

Dès sa sortie de l’hôpital, Sandrine Benet s’est engagée dans une après-midi marathon. Aidée dans ses démarches par Célia turel, de l’observatoire des violences policières en Vaucluse, la carpentrassienne a déposé plainte au commissariat central d’Avignon. Reprochant des brutalités policières et un vol, son portefeuille ayant disparu. Un dossier qui pourrait arriver sur le bureau du Procureur d’Avignon prochainement.

Chauffeur poids-lourd, elle est plutôt poids-plume. Alors comment expliquer une telle violence ?

La version policière est toute autre. « C’était une soirée très “chaude”. Beaucoup d’alcool et des gens très excités » précise Eric Peyriguey, patron de la police municipale d’Avignon. Les forces de l’ordre passent plusieurs fois à la soirée. « A la fin, tout se passait bien avec les organisateurs. un peu moins avec des jeunes qui ont conspué les agents », ajoute Eric Peyriguey. Selon lui, la victime prend à partie des jeunes pour qu’ils s’en prennent à la police. Ce sont eux qui l’auraient frappée. « Les policiers se sont juste interposés pour les séparer » ajoute le patron de la PM. Mais elle aurait continué.

Et un groupe d’une vingtaine de jeunes aurait fait face à la police municipale, rejointe par une équipe du Groupe de sécurité de proximité. « Elle a continué en jetant une canette de bière. Ils ont donc interpellé le leader de la rébellion », observe le fonctionnaire.

Le 22 juin, les deux agents qui ont pratiqué l’interpellation ont déposé plainte pour outrage et rébellion à l’encontre de Sandrine Benet.

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La jeune femme [...] accusait des policiers.
Le parquet envisage de classer l’affaire

par Riad Doua, Le Dauphiné libéré, le 5 juillet 2011


Y a-t-il réellement eu brutalité policière ce soir de Fête de la musique à Avignon ? Sandrine Benet, Carpentrassienne de 29 ans, a accusé un agent de la police municipale de la cité des papes de lui avoir cassé la mâchoire en voulant l’interpeller (lire notre édition du 28 juin). La jeune femme a passé la première semaine de l’été dans un lit à l’hôpital Henri-Duffaut d’Avignon. Elle s’en est sortie avec 45 jours d’ITT.

« Elle sera poursuivie pour "rébellion" et "outrages" »

Après plusieurs jours d’enquête, Catherine Champrenault, procureur de la République à Avignon, a donné hier soir la position du parquet sur cette affaire : « Nous envisageons de classer l’affaire. L’enquête a démontré que la personne plaignante portait des blessures au visage avant qu’elle soit interpellée. Et d’autre part, elle présentait un état d’excitation qui a nécessité des gestes d’interpellation à la mesure de la situation. Elle sera poursuivie pour “rébellion” et “outrages”. »

Les faits s’étaient déroulés à la fin de la Fête lorsque les policiers étaient intervenus pour vérifier que le son soit bien coupé à l’heure convenue. Une altercation avait opposé un groupe de jeunes et les forces de l’ordre. Les deux agents qui ont procédé à l’interpellation de Sandrine Benet avaient d’ailleurs déposé plainte pour rébellion et outrage contre la Carpentrassienne. Quant à celle-ci, elle aussi a déposé plainte, à sa sortie d’hôpital au commissariat d’Avignon, soutenue par l’Observatoire des violentes policières en Vaucluse.


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