contrôles d’identité : vos droits


article de la rubrique justice - police
date de publication : vendredi 12 avril 2013
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Edité pour la première fois en avril 2005 par le Syndicat de la Magistrature, le « Guide du manifestant arrêté » a été mis à jour, enrichi, illustré et mis en ligne en mars 2013. Pour tout savoir sur vos droits si vous êtes contrôlé, arrêté, accusé, jugé en comparution immédiate, fiché ...

Ci-dessous, la partie du guide consacrée aux contrôles d’identité. Parties à consulter si vous êtes :

Téléchargement du guide : http://www.guidedumanifestant.org/.


d’après Cabu

La question des contrôles d’identité et des fouilles est absolument stratégique pour la police et peut se révéler désastreuse pour les manifestants.

Stratégique parce que les fouilles et contrôles d’identité sont à la source de la constatation de très nombreuses infractions, en l’occurrence les plus « rentables » en termes de statistiques policières.

Ainsi, les infractions à la législation sur les étrangers, les petites détentions de stupéfiants, les ports d’armes (bombes lacrymogènes, couteaux), sont presque toujours révélés par des contrôles d’identité et / ou des fouilles.

Plus généralement, ces procédures peuvent être utilisées lors des manifestations, pour écarter ou isoler certains manifestants.

Désastreuse pour les manifestants parce qu’à n’en pas douter, pressée par une politique du chiffre, la police se distingue en ces matières par un respect variable des procédures, contrôlant parfois des individus en dehors du cadre posé par la loi.

Désastreuse aussi parce que fouilles et contrôles d’identité dégénèrent souvent en procédures d’outrages et de rébellion.

Désastreuse enfin parce que quelle que soit la façon dont se déroule votre contrôle ce sont les policiers qui rédigent la procédure, et vous aurez bien du mal à faire la preuve contraire de leurs déclarations.

Les contrôles d’identité

Les policiers ne peuvent pas contrôler les identités à leur guise, même si le cadre légal actuel – bien trop large – ne permet pas d’éviter des pratiques discriminatoires que le Syndicat de la magistrature dénonce, avec d’autres, depuis de nombreuses années.
L’article 78-2 du code de procédure pénale prévoit qu’un « contrôle d’identité est possible sur une personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

  • qu’elle a commis ou a tenté de commettre une infraction ou se pré-
    pare à commettre un crime ou un délit ;
  • qu’elle est susceptible de fournir des renseignements sur une enquête pénale en cours ;
  • qu’elle fait l’objet de recherches judiciaires.

Par ailleurs, le procureur de la République (art. 78-2 alinéa 2 du C.P.P.) peut aussi prescrire aux policiers, par des réquisitions écrites, de contrôler des identités pour des infractions précises : infractions à la législation sur les stupéfiants, ports d’arme… Dans ce cas, le procureur doit indiquer de façon extrêmement précise le lieu et l’heure à laquelle l’opération de contrôle se déroulera. Très concrètement, c’est la police qui demande au procureur de l’autoriser à pratiquer de tels contrôles et, dans certains parquets, le procureur de la République n’a plus qu’à signer la demande. Ce type de contrôle a été mis en place dans le cadre de la politique migratoire et près de 90% des procédures de reconduite à la frontière commencent par un contrôle d’identité.
Ces contrôles sont ciblés, les lieux susceptibles d’être fréquentés par telle ou telle population étant privilégiés (stations de RER, de métro, transports publics, mais aussi lieux de pèlerinage ou de culte).

Mais, l’identité de toute personne peut également être contrôlée, quel que soit son comportement, pour « prévenir une atteinte à l’ordre public » (article 78-2 alinéa 3 du code de procédure pénale) … critère très vague !

En outre, des dispositions sont prévues pour les contrôles d’identité aux abords des frontières ou dans les lieux ouverts au trafic international.

Les motifs du contrôle sont donc très larges, mais ils doivent nécessairement répondre à l’un de ces critères, sous peine d’annulation de la procédure. Par exemple, pour en revenir aux manifestations, le fait de porter un autocollant ou une banderole avec un sigle syndical ou associatif, ou une inscription licite quelconque, ne justifie en aucun cas un contrôle d’identité.

Plus généralement, la police n’a pas le droit de vous demander de retirer un autocollant que vous portez, car c’est une atteinte à la liberté d’expression. De même, vous avez le droit de photographier ou de filmer une manifestation et rien n’interdit de filmer les policiers dans des lieux publics. Ceux-ci n’ont pas le droit de confisquer votre matériel ou le film.

Enfin, en dehors de la procédure de contrôle d’identité précédemment évoquée, la jurisprudence encadre les possibilités de contrôle de la situation administrative d’un étranger en application des dispositions de l’article L 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d‘asile. Il faut alors que « des éléments objectifs déduits des circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé soient de nature à faire paraître sa qualité d’étranger ».

En un mot, la couleur de la peau, l’accent d’une personne, le fait qu’elle parle une langue étrangère ne permettent pas à eux seuls de vérifier la régularité de la situation administrative d’une personne. Toutefois, le juge admet comme valables des motifs de contrôle de plus en plus nombreux : le fait de circuler dans une voiture immatriculée à l’étranger, le fait d’entrer ou de sortir d’un foyer de travailleurs immigrés...

La procédure de vérification d’identité

Lors du contrôle d’identité, deux situations peuvent se présenter, selon que vous aurez ou non sur vous de quoi justifier de votre identité.

  • Si vous êtes de nationalité française, vous pouvez établir votre identité par tout moyen, il n’est en effet pas obligatoire d’avoir sur vous une pièce d’identité.
  • Si vous êtes de nationalité étrangère, vous devez, en principe, toujours avoir avec vous le titre ou les documents vous autorisant à circuler ou à séjourner en France (une carte de séjour, un passeport avec un visa datant de moins de 3 mois, un récépissé de demande d’asile ou de titre de séjour ou encore une convocation à la préfecture, etc...).

Mais, si vous ne possédez pas de document d’identité, les policiers pourront déclencher une procédure de vérification d’identité, prévue par l’article 78-3 du code de procédure pénale. Cet article précise que vous pouvez être retenu par la police qui souhaite vérifier votre identité pendant 4 heures au maximum à partir du début du contrôle.

Ce délai ne peut servir qu’à déterminer ou vérifier votre identité.Vous devez être remis en liberté dès que votre identité est certaine.

Au début de cette procédure, vous avez le droit de faire aviser le procureur de la République de votre rétention. Si vous êtes mineur, le procureur de la République doit être informé dès le début de la rétention et votre représentant légal doit vous assister. Par ailleurs, vous pouvez faire aviser un membre de votre famille ou la personne de votre choix.

Si vous refusez de collaborer à la vérification de votre identité (en faisant des déclarations manifestement fausses, par exemple), vos empreintes et des photographies peuvent être prises, sur autorisation du procureur de la République. Si vous refusez de vous soumettre à cette mesure,
vous pouvez être puni de 3 mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende (art. 78 5 du CPP).

La palpation de sécurité, les fouilles

Lors d’une interpellation et éventuellement d’un contrôle d’identité, la police peut seulement accomplir sur vous une palpation de sécurité.

Il s’agit d’une recherche extérieure, au-dessus des vêtements, d’objets dangereux pour la sécurité du porteur ou d’autrui. Cette palpation doit être accomplie par un policier du même sexe et ne peut en aucun cas consister en des attouchements ou une fouille à corps.

Le nouveau code de déontologie des forces de l’ordre, dont l’entrée en vigueur est prévue en avril 2013, précise que ces palpations de sécurité ne doivent pas revêtir un caractère systématique et doivent être réservées aux cas que les policiers et gendarmes « jugent nécessaires à la garantie de leur sécurité ou de celle d’autrui ».

La fouille, c’est-à-dire la recherche de preuves d’une infraction dans un sac ou dans des poches, ne peut être faite que par un officier de police judiciaire (et non par un agent de police judiciaire, tel qu’un agent de police municipale ou un gardien de la paix non habilité), pendant les heures légales et dans le cadre d’une enquête. Elle est en effet assimilée par la jurisprudence à une perquisition.

Mention à part doit être faite de ce que la loi appelle les « visites de véhicules ». En effet, sauf lorsqu’il s’agit d’un véhicule d’habitation (caravanes notamment), la police peut fouiller un véhicule y compris le coffre, si elle a des « raisons plausibles de soupçonner qu’un crime ou un délit flagrant a été commis par l’un des occupants » (art. 78-2-3 du C.P.P.).

La police peut aussi fouiller, avec l’accord du conducteur, tout véhicule « pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens ». En cas de refus du propriétaire, la police a le droit d’immobiliser le véhicule pendant trente minutes au maximum, en attendant les instructions du procureur de la République qui pourra autoriser la visite du véhicule (art. 78-2-4 du C.P.P.). Les contrôles des véhicules peuvent enfin s’effectuer sur réquisitions écrites du procureur de la République dans les conditions strictes de l’article 78-2-2 du C.P.P.

Les menottes

L’article 803 du Code de procédure pénale, issu de la loi du 4 janvier 1993, prévoit que « nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ».

Ainsi, un contrôle d’identité, s’il se déroule dans de bonnes conditions, ne devrait pas permettre le port des menottes. Toutefois, la pratique de la quasi-totalité des policiers consiste à mettre les menottes de façon systématique à toutes les personnes interpellées ou ramenées au poste de police. La raison en est simple : ces policiers craignent de voir leur responsabilité mise en cause, notamment par leur hiérarchie, en cas de fuite de la personne interpellée et jugent utile de prendre le moins de risques possibles.

La pratique en la matière est donc très loin d’être conforme à la législation.

Conseils

  • Si vous participez à une manifestation, il vous est évidemment conseillé d’avoir sur vous vos papiers d’identité, afin d’éviter d’être emmené au poste de police au moindre contrôle. N’ayez rien dans vos poches qui ressemble à une arme. N’oubliez pas que les couteaux, les bombes lacrymogènes sont considérés comme des armes.
  • Si les policiers sont agressifs lors d’un contrôle d’identité, restez poli, ne les tutoyez pas, même s’ils vous tutoient. Ne faites aucun geste violent à leur égard, car cela peut entraîner des procédures d’outrage, de rébellion ou de violences sur personne dépositaire de l’autorité publique. Sachez que la nullité d’un contrôle d’identité n’a pas d’incidence sur une procédure d’outrage ou de rébellion commis à l’occasion de ce contrôle. Prenez les coordonnées de toutes les personnes qui peuvent témoigner de la scène, ou distribuez des petits papiers avec vos coordonnées aux personnes qui pourraient témoigner en votre faveur.
  • Si vous êtes témoin d’un contrôle ou d’une interpellation où vous estimez que les policiers ne font pas correctement leur travail, n’hésitez pas à la filmer, notamment avec vos téléphones portables. Ce film est un mode de preuve tout à fait recevable devant un tribunal. Ne tentez pas de vous soustraire par la force à un contrôle d’identité, c’est un délit de rébellion.
  • Si la procédure de vérification a été enclenchée, donc que vous avez été emmené au commissariat, exigez une procédure écrite et le respect de vos droits. Exercez notamment le droit de faire prévenir le procureur de la République. Une copie du procès-verbal de contrôle d’identité doit vous être remise après les 4 heures de la vérification, s’il n’y a pas de garde à vue à la suite. Exigez ce document. Avant de signer un procès-verbal, relisez-le attentivement. Si vous n’êtes pas d’accord avec le contenu des procès-verbaux contenant vos déclarations, vous devez demander à ce qu’ils soient modifiés. En cas de refus, refusez de les signer et écrivez pourquoi au bas du procès-verbal.


Focus : Contrôles au faciès : la lutte continue !

Pour mettre fin au déni de la réalité de contrôles d’identité multiples et discriminatoires dont sont victimes certaines populations, des réflexions et des enquêtes ont été menées, de nature à objectiver ces dévoiements (étude d’Open Society Justice International et du CESDIP, rapport de Human Rights Watch, …).

Pourtant, malgré un engagement de campagne de François Hollande – qui avait suscité l’espoir – et un rapport du Défenseur des droits confirmant la nécessité d’une réforme, rien n’est à ce jour mis en oeuvre pour lutter contre ces pratiques.

De nombreuses organisations, dont le Syndicat de la magistrature, se sont donc mobilisées pour exiger le respect de cette promesse impliquant une réforme globale des contrôles d’identité (cadre légal plus restrictif, récépissé de contrôle, formation des policiers, mise en place d’un dialogue police/citoyens au niveau local, …).

Une initiative mérite également d’être soulignée, qui consiste dans la mise en place d’une action nationale contre les contrôles abusifs. Pour y participer, rien de plus simple : il suffit, si vous êtes contrôlé, d’envoyer « Contrôle » par SMS au 07 60 19 33 81.

Vous serez recontacté dans les 24 heures par une personne qui vous demandera de préciser la date, l’heure, le lieu, le contexte et le motif annoncé du contrôle et le comportement des policiers.
Pour plus d’informations, vous pouvez vous connecter au site : www.stoplecontroleaufacies.fr


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