simulacre de lit de justice lors de la séance de rentrée de la Cour de cassation


article de la rubrique justice - police > justice
date de publication : mardi 10 janvier 2006
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Incident de rentrée
à la Cour de cassation : Dominique de Villepin ouvre l’audience à la place du premier président.

« Ce qui s’est passé est scandaleux », tonne Côme Jacqmin, secrétaire général du Syndicat de la magistrature. « Cette intrusion dit tout du rapport de force et du sentiment de toute-puissance qu’entretiennent nos gouvernants, au mépris de la séparation des pouvoirs. »

Le discours de Guy Canivet
(format PDF - 7 pages).


Dominique de Villepin entouré du procureur général Jean-Louis Nadal (à droite) et du président Guy Canivet (AP)

Le Premier ministre semonce le plus haut magistrat de France

[ Extrait du blog Droit administratif. ]

Le quotidien Le Monde rapporte aujourd’hui que Dominique de Villepin a fait de sévères remontrances à Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation, à l’occasion de la séance plénière de rentrée de la juridiction (sorte de séance de vœux de l’institution judiciaire). Le Premier ministre aurait, en effet, pris ombrage de la publication par le même quotidien du discours du haut magistrat avant sa lecture et, incidemment, de son contenu. Le chef du gouvernement ne s’est pas contenté de faire part de son sentiment à l’outrancier juge. Il s’est livré à un simulacre de lit de justice [1]
enjoignant au magistrat de modifier son allocution et prenant publiquement la parole, en premier de surcroît. Or, comme l’avoue Dominique de Villepin, « il n’est pas dans les habitudes d’une séance plénière de rentrée que le premier ministre s’exprime ». Cet inquiétant incident illustre, à mon sens, le délitement du principe de séparation des pouvoirs, dont il était question dans le discours controversé (partie censurée par le Premier ministre). L’incident peut aussi être observé sous l’angle plus étroit de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Mais le problème est certainement plus profond.

Ce principe fondamental d’une démocratie, sans lequel, aux termes de la Déclaration des droits de l’homme et citoyen, le pays « n’a point de Constitution » ne semble plus compris. Il est relégué à un vague concept juridique, connu du seul homme de l’art, et que le politique ne reconnaît plus. Chaque jour nous en donne une illustration : le ministre de l’Intérieur qui réclame qu’un magistrat paie pour sa faute, le législateur qui censure des décisions de justice, le quasi-veto du gouvernement à une loi, le recours massif aux ordonnances et à la procédure d’urgence...

Communiqué de la LDH

Arrogance

La censure du discours de rentrée de Monsieur Guy Canivet, Premier Président de la Cour de cassation, à l’initiative du pouvoir exécutif, est un événement sans précédent et d’une grave portée symbolique.

En interdisant au plus haut magistrat de France d’exprimer son opinion, le Premier ministre manifeste le mépris dans lequel il tient l’indépendance de la magistrature et la séparation des pouvoirs.

Venant après diverses manifestations des gardes des sceaux successifs et les réformes qui ont conduit à mettre le Parquet sous tutelle et à intimider les juges du siège, cet incident n’a rien de protocolaire : il s’inscrit dans la volonté de mainmise du pouvoir exécutif sur l’institution judiciaire.

Réformer une institution qui subit depuis plusieurs années les conséquences de la politique sécuritaire suppose d’abord le respect de son indépendance.

Paris, le 7 janvier 2006

Communiqué de presse du SM

"Monsieur le premier ministre, puisque vous avez souhaité que je ne lise pas mon discours..."

Incident à l’audience de rentrée de la Cour de cassation

L’audience de rentrée de l’année 2006 de la Cour de cassation a été l’occasion d’un événement sans précédent, symptomatique de la volonté de main mise du pouvoir exécutif sur la magistrature. Le premier président de la Cour de cassation s’est vu enjoindre par le premier ministre de ne pas lire le discours qu’il avait préparé. De manière tout à fait inédite, le chef du gouvernement a pris la parole dès avant l’ouverture de l’audience.

Cet incident constitue au mieux une incivilité de la part du premier ministre et au pire, une tentative de censure de la parole d’un magistrat dont l’indépendance doit être respectée.

Cette intrusion dans le déroulement de l’audience solennelle de la Cour de cassation témoigne d’un sentiment de toute puissance qu’entretiennent actuellement nos gouvernants, au mépris du principe de séparation du pouvoir exécutif et de l’autorité judiciaire.


Notes

[1Sous la monarchie, un lit de justice permettait au roi de briser la résistance des parlements pour faire appliquer ses édits, en rappelant au nom de qui la justice était rendue.


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