les chiffres de la justice pour l’année 2003


article de la rubrique justice - police > justice
date de publication : mercredi 13 juillet 2005
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Entre l’horreur d’un fait divers et les déclarations fracassantes des politiques, pas toujours facile d’y voir clair.

Quelques chiffres concernant notre système judiciaire en 2003
par Stéphane Arteta - Nouvel Obs n°2122, jeudi 7 juillet 2005] [1]


Des moyens insuffisants

Part de la Justice dans le budget de l’Etat : 1,86%.
Nombre de magistrats : 8 779.
Personnel de surveillance : 23 065.

La fonctionnement de la justice est souvent décrié : lourdeur administrative, délais d’attente, erreurs judiciaires... Mais face aux millions de procès-verbaux, plaintes et dénonciations, ses moyens semblent bien faibles : la France y consacre 5,28 milliards d’euros par an (pénitentiaire compris) contre 9 milliards au Royaume-Uni et 10 milliards en Allemagne !

Pénal : trop d’affaires non élucidées

Affaires traitées par les parquets (procès-verbaux, plaintes, dénonciations...) : 4,7 millions.
Affaires poursuivies : 655 000.

La justice classe 86% des infractions constituées. Ce chiffre s’explique par de nombreux facteurs : inopportunité (le trouble causé par l’infraction ne nécessite pas de poursuivre, désistement du plaignant, responsabilité de la victime, préjudice ou trouble peu important...), recours à des procédures alternatives (rappel à la loi, médiation...). Mais il souligne aussi une vraie faiblesse : 64% des infractions ne sont pas jugées car elles ne sont pas élucidées. A noter : le taux d’élucidation des crimes les plus graves (meurtres, viols...) est plus élevé que pour la plupart des autres infractions, notamment le vol.

Une détention provisoire interminable

Personnes placées en détention provisoire : 36 455.
Durée moyenne de la détention provisoire criminelle : 23,9 mois.

Sur 11 000 personnes mises en examen pour crime en 2003, un quart ont été placées en détention provisoire. A l’arrivée, 2,7% ont été acquittées. Le risque d’être incarcéré par un juge avant d’être reconnu innocent d’un crime est donc faible. Mais le provisoire dure souvent trop longtemps : en 2003, 537 personnes étaient depuis trois ans ou plus dans cette situation ! Les prévenus (crimes et délits confondus) représentent un tiers de la population carcérale.

Condamnations : la prison une fois sur deux

Nombre de condamnations (toutes peines confondues) : 525 053.
Emprisonnement : 281 960, dont 76 154 condamnations fermes.
Part des mineurs condamnés : 6%.

Plus d’une condamnation sur deux est une peine d’emprisonnement. Tous les condamnés ne vont pas en prison pour autant. Certains bénéficient du sursis. D’autres ont déjà effectué leur peine compte tenu de la détention provisoire ou restent en liberté en attendant une décision d’appel. Les peines de substitution (reconduite à la frontière, déchéance des droits civiques, liberté surveillée...) représentent moins de 10% du total des condamnations, elles sont proches de zéro concernant les crimes.

Crimes : moins de 1% du total des condamnations

Nombre de condamnations pour crime : 3 945 (dont 2 063 pour viol, 780 pour vol aggravé et 577 pour homicide volontaire).
Réclusion criminelle à perpétuité : 29.

Les crimes ne représentent que moins de 0,5% du total des condamnations. Une fois sur deux, il s’agit d’un viol. En matière criminelle, un tiers des peines vont de 10 à 20 ans avec sursis partiel. La durée moyenne de la détention ferme (perpétuité exclue) est d’environ 9 ans, mais s’élève à 14 ans pour les condamnés pour homicide volontaire.

La libération conditionnelle au cas par cas

Nombre de libérations conditionnelles : 5 866.
Nombre de permissions de sortir : 35 589.

Les 295 juges d’application des peines accordent-ils trop facilement la libération conditionnelle ? Les chiffres montrent le contraire. En 2002, sur 18 667 condamnés susceptibles d’être libérés, seuls 26% d’entre eux en ont bénéficié. A noter : pour les détenus condamnés à des peines égales ou supérieures à 10 ans, un collège de trois juges se prononce.

Récidive : fréquente pour les délits, rare pour les crimes

Taux de récidive sur 5 ans après une condamnation pour un délit [2] : 31,7%.
Taux de récidive sur la période 1984-2001 suite à une condamnation pour crime : 4,7%.

La récidive des condamnés pour crime est rare. La récidive criminelle des condamnés pour crime (par exemple un nouvel homicide volontaire) l’est encore plus. On l’estime à moins de 1%
 [3]. A noter : le taux de récidive est de 1,8% chez les condamnés pour viol et de 42% chez les condamnés pour vol ou recel
 [4].

Des prisons surpeuplées et coûteuses

Population incarcérée : 59 246 (au 31 déc. 2003).
Taux d’occupation : 138,3% dans les maisons d’arrêt, 118% dans les centres pénitentiaires.

Le taux de retour en prison des détenus ayant effectué un peu plus des deux tiers de leur peine se monte à 28%. Il grimpe à 60% pour ceux qui ont purgé la quasi-totalité de leur condamnation derrière les barreaux
 [5] ! Ce phénomène s’explique en partie par le caractère parfois criminogène de l’incarcération, en particulier dans les établissements surpeuplés. En 2003, le rapport du député UMP Jean-Luc Warsmann soulignait que les peines de substitution à la prison coûtent trois fois moins cher à la société : 20 euros contre 60 euros par détenu sous écrou.

Stéphane Arteta

Notes

[1Sources : « Annuaire statistique de la Justice 2005 » (La Documentation française). En particulier
le rapport sur les condamnations en 2003.

[2Chiffres 2001.

[3Annie Kensey et Pierre Tournier, « la Récidive des sortants de prison », 2004.

[4Odile Timbard et Claude Lecomte, « les Condamnés de 2001 en état de récidive », Infostat Justice, 2003.

[5Pierre Tournier, « la Mesure de la récidive en France », 1997.


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