Depuis quelque temps des manifestations se multiplient
en souvenir de drames qui ont accompagné
la guerre d’Algérie. Les hommages aux victimes ne doivent plus être détournés au profit d’organisations se réclamant peu ou prou de l’OAS.
Hommages aux victimes
Des hommages sont rendus aux victimes de la manifestation de la rue d’Isly à Alger, le 26 mars 1962, où, peu après le cessez-le-feu consécutif aux accords d’Évian que combattait l’OAS (en s’appuyant sur la population européenne, tout en faisant taire par la terreur les voix favorables au dialogue), une manifestation interdite
s’est terminée tragiquement : l’armée française a tiré sur une foule de civils. Toute la lumière n’a pas été faite sur cet événement dramatique, en particulier sur le rôle qu’ont pu jouer des tirs de commandos de l’OAS depuis les toits [1].
Le 5 juillet 1962, c’est le drame d’Oran. Dans les mois précédents, l’OAS s’était livrée à des attentats aveugles contre des Algériens, ainsi qu’à des attaques contre des militaires, gendarmes et policiers français, tuant plusieurs d’entre eux. Ce jour-là, des centaines de milliers d’Algériens sont dans les rues pour fêter l’indépendance, et de nombreux civils européens sont en ville, en quête d’un moyen pour quitter l’Algérie. A certains moments des coups de feu éclatent, une traque aux Européens se déclenche... Certains parviennent à se réfugier à la base de Mers el-Kébir encore tenue par l’armée française. Mais de nombreux Européens sont arrêtés, regroupés, parfois très gravement maltraités ; un certain nombre ont disparu dans des circonstances que leurs proches n’ont jamais pu élucider. Toute la lumière n’a pas encore été faite sur les rôles respectifs des différents acteurs de l’époque : l’Armée française, l’ALN, le FLN, l’OAS ...
La demande de vérité exprimée par les familles sur la disparition de leurs proches est légitime et nous la soutenons, en dehors de toute instrumentalisation politique.
Le 26 mars dernier, des manifestations du souvenir en relation avec ces deux événements tragiques se sont déroulées en différents lieux. D’autres vont être organisées le 5 juillet prochain : une marche est prévue à Marseille, et, pour la première fois, une association [2] est autorisée à raviver la Flamme sous l’Arc de Triomphe, pour honorer les victimes du 5 juillet 1962. Cette manifestation semble avoir été organisée en concertation par plusieurs associations dont celle des anciens membres de l’OAS dénommée Adimad [3]. La mémoire des victimes mérite notre respect mais nous ne pouvons qu’être hostiles à la version de l’histoire que veulent présenter les nostalgiques de l’OAS.
Ne pas détourner les hommages
Toutes les amnisties qui ont suivi la guerre d’Algérie ne peuvent effacer les faits : l’OAS s’est livrée à un terrorisme aveugle contre des Algériens, des fonctionnaires et des soldats français, ainsi que des pieds-noirs qui n’épousaient pas leurs thèses jusqu’au-boutistes ; l’organisation avait pour but de renverser la République et d’assassiner le chef de l’Etat.
C’est pourquoi nous dénonçons les détournements dont certaines des cérémonies d’hommage aux victimes de la guerre d’Algérie ont été l’objet pour devenir des manifestations à la gloire de l’OAS. L’Adimad, en particulier, n’a négligé aucune occasion d’honorer la mémoire des quatre exécutés de cette organisation criminelle [4].
Le président de l’Adimad, Jean-François Collin, appelle à venir raviver la Flamme du Souvenir, le 5 juillet, à l’Etoile. Les organisateurs attachent la plus grande importance à cette manifestation, et ils précisent “nous sommes désormais autorisés à la répéter chaque année. Nous veillerons l’année prochaine à honorer la mémoire de nos compatriotes disparus en entourant cette cérémonie par d’autres manifestations [...]”.
C’est ce même Jean-François Collin qui, après avoir évoqué, le 13 mai dernier, à Théoule-sur-Mer, “nos camarades assassinés par la ténébreuse alliance des tueurs du FLN et de De Gaulle Charles”, persistait, le 7 juin à Perpignan, en dénonçant “le degaulleiter”,
“le traître en chef”, et “les forces militaires gaullistes alliées des terroristes FLN, les polices parallèles ou gaullâtres, la justice d’exception couchée devant le maître [...]”.
Devant le monument aux morts de la ville
La section de Toulon de la LDH souhaite s’associer aux hommages rendus à toutes les victimes, algériennes ou françaises, de la guerre d’Algérie ; sans oublier les harkis et les victimes de l’OAS, et notamment celles qui sont représentées par l’« Association des amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons », et par l’Anpromevo, « Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS ». Mais il est hors de question pour nous d’honorer des criminels.
Ainsi que nous l’avons exprimé récemment encore [5], nous attendons que la municipalité toulonnaise se décide à donner un sens nouveau à ces commémorations, en organisant les hommages aux victimes de cette guerre devant le Monument aux Morts de la ville - place Gabriel Péri.
[1] Voir article 104
[2] L’association ALLO : « Anciens du Lycée Lamoricière d’Oran ». Cette association, dont la constitution semble récente, est-elle bien représentative des personnels, des professeurs (l’historien Marc Ferro y a enseigné) et de l’ensemble des anciens élèves (parmi lesquels le journaliste Jean-Pierre Elkabbach et un certain nombre d’Algériens vivant toujours à Oran) de ce grand lycée ? On peut légitimement se poser la question.
[3] ADIMAD : « amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus politiques et exilés de l’Algérie française ».
[4] Roger Degueldre, chef des commandos « Delta » qui ont notamment assassiné le 15 mars 1962 six enseignants - trois Algériens et trois Français (dont Max Marchand et Mouloud Feraoun) - dirigeants des Centres sociaux éducatifs créés par la résistante Germaine Tillion, Albert Dovecar et Claude Piegts qui ont participé à l’assassinat du commissaire central d’Alger Roger Gavoury, et Jean-Marie Bastien-Thiry qui a dirigé l’attentat manqué du Petit-Clamart contre le général de Gaulle.
[5] Notamment le 25 mars dernier.