Le révisionnisme par les gerbes.
Les parties encadrées sont extraites des comptes-rendus publiés dans le journal Var-Matin le 27 mars 2005, au lendemain des commémorations évoquées.
Les photos (DR) ont été prises le mardi 29 mars 2005.
Le cessez-le-feu en Algérie a été proclamé, le 19 mars 1962, au lendemain de la signature des accords d’Évian. Cette année encore, à Toulon, la FNACA [1] a commémoré l’évènement qui marque la fin de la guerre d’Algérie, en appelant à un rassemblement devant le monument aux morts le 19 mars 2005 - "en mémoire de tous ceux qui ont donné leur vie pour la patrie, en Algérie, au Maroc et en Tunisie".
Quelques jours auparavant, le 15 mars 1962, à Alger, un commando de l’OAS [2], commandé semble-t-il par l’ex-lieutenant Roger Degueldre, avait assassiné de sang-froid Mouloud Feraoun et cinq de ses compagnons, tous inspecteurs des centres sociaux en Algérie. L’évènement a été commémoré à Alger, ce mardi 15 mars 2005, lors d’une cérémonie franco-algérienne, en présence de l’Ambassadeur de France et de plusieurs ministres algériens.
A Toulon c’est la fusillade de la rue d’Isly à Alger qui est commémorée. Au cours des jours qui ont suivi les accords d’Evian, des activistes de l’OAS avaient pris le contrôle du quartier de Bab-el-Oued. Le 26 mars 1962 au matin, l’OAS avait appelé les Européens à se rassembler pour gagner ensuite Bab-el-Oued, de façon à briser l’encerclement du quartier par l’armée française. Les militaires français ont ordre de ne pas céder ; à 14h45 une rafale part du barrage qui, rue d’Isly, interdisait l’accès du centre d’Alger vers Bab-el-Oued. On relèvera plusieurs dizaines de morts et de nombreux blessés.
Selon l’Union des Amicales Varoises des Français Rapatriés d’Outre-Mer (UAVFROM), ce jour-là, rue d’Isly, « une foule pacifique se dirigeait vers le quartier de Bab-Bel-Oued encerclé par les chars. Elle cherchait à venir en aide aux habitants et leur apporter des vivres. Cette foule a été fusillée. A bout portant. Par qui ? par des troupes composées d’on se sait trop quels éléments. »
L’UAVFROM se souvient : « ce jour-là, ces gens se sont levés pour dire "non" à l’ignominie d’un blocus, "non" à la honte d’une oppression exercée par des Français contre d’autres Français ».
Sinistre anniversaire pour les rapatriés. Et première cérémonie hier [samedi 26 mars 2005] à 11 heures, devant le monument « aux martyrs de l’Algérie Française », porte d’Italie à Toulon.
Une commémoration « digne et simple » selon la présidente de l’association. Pas de micros, pas de musique, juste un ou deux porte-drapeaux et des gerbes. Autour d’elles parmi les familles de rapatriés, la famille Mesquida qui a perdu dans le drame une maman, et l’association des familles de victimes du 26 mars 1962 qui se bat au quotidien pour obtenir une reconnaissance de ce drame par l’État [3].
Le même jour, mais à 17 heures, le Cercle national des rapatriés a commémoré devant le même monument - ils ne se mélangent pas avec l’UAVFROM. Le cercle national des rapatriés veut « garder sa dignité et ne pas cirer les pompes à son bourreau ». A cette cérémonie, ces derniers crient encore leur souffrance : « comment pouvons-nous pardonner tous ces crimes ? ». Ils refusent de chanter la Marseillaise et se proclament « témoins du grand génocide français ».
Ainsi les Toulonnais auront pu voir, l’une à côté de l’autre, plusieurs jours durant, deux gerbes : l’une d’un ancien ministre de la République, et l’autre d’une association l’ADIMAD dont le but affiché est de défendre la mémoire de membres d’une organisation qui a tenté de renverser la République. [4]
Pour être complets, rappelons que :
• le monument aux martyrs de l’AF devait représenter Roger Degueldre,
• nous demandons depuis des années au maire de Toulon de débaptiser le carrefour "général Raoul-Salan",
• l’ADIMAD a l’intention d’ériger un nouveau monument en hommage aux morts de l’OAS, qui serait inauguré le 6 juillet prochain à Marignane.
[1] Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie.
[2] L’OAS, Organisation Armée Secrète, était une organisation terroriste qui a tenté de s’opposer à la politique algérienne du général de Gaulle. Raoul Salan a été l’un de ses chefs après l’échec du putsch des généraux en avril 1961.
[3] L’association demande que les morts du 26 mars 1962 soient reconnus "morts pour la France" et qu’une stèle soit érigée pour leur rendre hommage.
[4] ADIMAD : Association amicale pour la Défense des Intérêts Moraux et Matériels des Anciens Détenus et exilés politiques de l’algérie française.
« L’Association a pour but de défendre, par tous les moyens légaux, la mémoire de tous les martyrs et de toutes les victimes des ennemis de l’Algérie française. [...]
L’Association œuvrera de toutes ses forces pour que tous les combattants de l’Algérie française morts au combat ou assassinés à la suite des jugements d’exception stalino-gaullistes soient reconnus comme "Morts pour la France". »
(Article 2 des statuts de l’ADIMAD).