Cette loi est la première de ce type à être proposée en France. Dans d’autres pays, le harcèlement de rue est pénalisé depuis plusieurs années. Quant à l’Europe, elle bégaie.
Le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, avait présenté en octobre 2017 les grandes lignes du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Le "Tour de France de l’Egalité Femmes/Hommes" a pris fin le 8 mars 2018 ; l’opération visait à "donner l’opportunité à chacune et chacun de s’exprimer sur la manière dont il appréhende la question de l’égalité femmes-hommes et sur ce qu’il attend des pouvoirs publics pour la faire progresser".
Le projet de loi présenté le 21 mars 2018 comporte une série de mesures qui seront défendues au Parlement :
* punir le harcèlement de rue, les interpellations insistantes, les insultes et intimidations à caractère sexuel dans l’espace public [1] ;
* allonger le délai de prescription de vingt à trente ans pour les viols sur mineur. La victime aura donc jusqu’à ses 48 ans pour porter plainte contre son violeur ;
* définir un âge minimum de consentement sexuel fixé à 15 ans, seuil en dessous duquel un mineur ne pourra être considéré comme consentant à un rapport sexuel avec une personne majeure.
Il devrait aboutir au cours du premier semestre 2018.
**En 1997, le commissaire européen chargé des Affaires sociales, l’Irlandais Padraig Flynn, soulignait qu’ « au moins 30% de la main-d’oeuvre féminine de l’Union a déjà été l’objet de harcèlement sexuel ». La Commission européenne sommait les « partenaires sociaux » - à savoir les syndicats et les chefs d’entreprise de chaque Etat membre - de mettre en place des mesures efficaces afin de prévenir et de condamner le harcèlement sexuel. (Cf. Note publiée le 5 mars 1997 par les services administratifs de la Commission, qui fait état d’une procédure disciplinaire contre l’auteur d’une... agression sexuelle). [2]
**En 2015, le gouvernement, en France, lançait une campagne nationale "contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles" dans plusieurs villes de France : "Se faire siffler, insulter ou violenter dans la rue reste le lot quotidien de trop de femmes en France". Pour rappeler aux victimes et aux coupables que le sexisme est un acte punissable par la loi, Pascale Boistard, secrétaire d’Etat aux Droits des femmes, la RATP et la SNCF inauguraient en novembre 2015 une campagne de sensibilisation. Avec une vidéo diffusée sur Youtube et différentes affiches placardées sur les réseaux de métro et de trains d’Ile-de-France pendant plusieurs semaines, le gouvernement a souhaité dire "stop" au harcèlement que subissent 100% des femmes.
**En 2016, le Sénat supprimait l’article 14 concernant le harcèlement sexiste dans les transports publics du projet de loi sur la sécurité dans les transports en commun. Cet article visait à renforcer "les obligations des services de transport en matière de formation, de prévention. Il leur imposait également un bilan annuel de leurs actions dans ce domaine". [3]
En Belgique : le texte législatif contre les comportements sexistes date de septembre 2012. « Toute forme d’insulte est désormais punissable, qu’elle soit sexiste, raciste, homophobe ou autre ». "Si une personne est prise sur le fait, elle encourt jusqu’à 250 euros d’amende. Encore faut-il pouvoir interpeller une personne en flagrant délit d’insulte…." [4] "Dès 2016, l’inefficacité du texte est constatée : seulement quelques plaintes et très peu de sanctions. Les réticences énoncées à l’encontre des Belges sont aujourd’hui destinées à Marlène Schiappa : comment prouver qu’une personne a effectivement harcelé sa victime, la police doit-elle prendre le coupable en flagrant délit, à quel montant l’amende doit-elle s’élever… autant de questions restées en suspens outre-Flandres. La France y trouvera, peut-être, des réponses." [5]
Au Portugal : Le harcèlement de rue est puni de 1 à 3 ans de prison après le vote d’une loi en décembre 2015 condamnant les insultes à caractère sexuel adressées aux femmes. A condition qu’elles les dénoncent...
En Amérique latine : " L’Argentine et le Chili ont commencé à débattre de projets de lois sanctionnant le harcèlement de rue en 2015, comme l’ont déjà fait le Mexique ou le Costa Rica.
Le Pérou s’est montré le plus sévère, approuvant, en mars 2015, une loi qui inflige jusqu’à 12 ans de prison dans les cas les plus graves.
L’ Argentine : La loi pénalisant le harcèlement de rue a été votée le 7 décembre 2016. Les propos, petites formules ou interpellations grossières et déplacées faites aux femmes croisées dans la rue, sont tout particulièrement dans le viseur de cette nouvelle loi.
[1] l’infraction “d’outrage sexiste” est défini dans le projet de loi comme “le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.” Elle sera punie d’une contravention de la quatrième classe, punie d’une amende maximale de 750 €, mais pouvant faire l’objet de la procédure simplifiée de l’amende forfaitaire, pouvant donner lieu à une amende minorée de 90 €