Pour le président turc Recep Tayyip Erdogan le rôle des femmes dans la société est de faire des enfants. C’est ce qu’il a doctement exposé le lundi 24 novembre 2014 lors d’une conférence officielle à Istanbul. Pour lui, les femmes ne peuvent pas être égales aux hommes, car ce serait « contraire à la nature humaine [1]
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M. Erdogan n’a été élu président de la République turque qu’en août dernier, mais ses convictions sur ce sujet sont bien connues, car il avait été auparavant premier ministre pendant onze ans : il est hostile à l’IVG qu’il assimile à un meurtre, il exhorte les femmes à avoir trois enfants ...
Il est intéressant de rapprocher le point de vue du président Erdogan de celui du Front national concernant la place qu’ils réservent aux femmes ...
Le 27 mai [2012], des féministes turques bloquent les rues principales du quartier de Besiktas d’Istanbul, en réaction aux propos du premier ministre Recep Tayyip Erdogan sur l’avortement.
Critiqué de toutes parts pour ses excès d’autoritarisme, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a ouvert un nouveau front, cette fois avec les organisations féministes, qui manifestent mardi 29 mai, dans la capitale Ankara. Vendredi, M. Erdogan a violemment pris position contre l’avortement, le comparant à "un meurtre", devant les sections féminines de son parti à Istanbul.
Pour lui, l’avortement relève même de la conspiration contre les intérêts de la Turquie. "Je m’oppose aux naissances par césarienne et aux avortements, et je sais que c’est pratiqué à dessein. Ce sont des mesures destinées à empêcher la population de ce pays de s’accroître. Je vois l’avortement comme un meurtre. [...] Chaque avortement est un Uludere", a-t-il déclaré, faisant allusion au raid aérien turc qui a tué 34 contrebandiers kurdes, à Uludere, en décembre 2011, et pour lequel son gouvernement est mis en cause ces jours-ci.
M. Erdogan avait déjà pris l’habitude d’intervenir pour exhorter les femmes à "faire trois enfants", afin de relancer la natalité turque. L’indice de fécondité est tombé à 2,09 en 2011. Mais c’est la première fois qu’il s’en prend publiquement à l’avortement, légalisé en Turquie depuis les années 1980.
"Il doit cesser de se comporter comme le gardien du vagin des femmes turques. Le régime totalitaire en est arrivé au point où il intervient dans la vie privée", a protesté la députée du parti républicain du peuple (CHP, opposition), Aylin Nazliaka. "Dans un congrès consacré aux femmes, le premier ministre aurait dû parler de chômage, de violence domestique, ou de leur place dans la vie politique, plutôt que de faire de la politique sur le corps des femmes", estime pour sa part, Canan Güllü, la présidente de la fédération des associations féministes.
Mais la lutte contre l’avortement est un vieux cheval de bataille au sein de la mouvance islamiste turque, dont M. Erdogan est issu, qui constitue le socle de l’AKP (Parti pour la justice et le développement).
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Pour s’informer sur les intentions du Front national, il suffit de lire ses publications et les déclarations de ses leaders. A cet égard, l’interview donnée par Marine Le Pen au journal Présent le 21 décembre 2010 est très instructive. On la complétera avec le “Projet complet”,
programme politique du Front national, publié pour la campagne électorale de Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2012 [2].
Pas de surprise, le Front national continue à prôner une politique familiale “nataliste”, et il le marque en n’abordant la place de la femme qu’à la rubrique “famille” de son programme. Un choix éloquent qui laisse deviner ses intentions pour le cas où il arriverait au pouvoir : réduire le rôle des femmes à celui de mère.
Un revenu parental... pour les « femmes au foyer »
Le projet de programme du FN évoque la création d’un “revenu parental”, qui permettrait aux parents “de choisir librement entre l’exercice d’une activité professionnelle et l’éducation de leurs enfants” ... Présenté comme étant destiné aux pères comme aux mères, il s’adresse en réalité aux seules “femmes au foyer”. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les déclarations de Marine Le Pen à Présent.
Dans cet entretien, elle n’évoque jamais un “revenu parental” mais elle précise la notion de “salaire maternel”. Interrogée sur le point de savoir si elle est “pour le salaire maternel ?” elle répond “Oui absolument. Je suis pour le droit des femmes de choisir de ne pas travailler pour élever leurs enfants. [...] On doit mettre en place la possibilité pour les femmes de pouvoir choisir. Elles doivent avoir un salaire maternel”.
Déclarations qu’elle a d’ailleurs confirmée sur RMC, le 9 janvier 2012 : “un salaire minimum serait accordé aux femmes qui font le choix d’élever leurs enfants”.
Le déremboursement des « IVG de confort »
Sur le sujet de l’avortement, la femme est renvoyée à son statut de reproductrice : Marine Le Pen affirme que “le libre choix pour les femmes doit pouvoir être aussi celui de ne pas avorter”. Et c’est précisément “au nom du droit à ne pas avorter” qu’elle s’est toujours déclarée opposée aux subventions aux centres IVG. (Cherchez la logique ...)
S’appuyant sur une soi-disant multiplication des avortements “de confort”, Marine Le Pen a déclaré jeudi 8 mars 2012 sur France 2 qu’elle prendrait la décision de dérembourser l’interruption volontaire de grossesse en cas de besoins budgétaires, pour privilégier les actes médicaux “qui ne peuvent pas être évités”. “A un moment donné, il faut dire stop”, a-t-elle conclu. [3]
Il y a quelques années Toulon a été “gouverné” par l’extrême droite. Voici un extrait d’une déclaration d’un élu d’alors, le Docteur V, adjoint en charge de la mer et des cimetières dans l’équipe frontiste de Jean-Marie Le Chevallier :
« On a des ordres intimes... Des ordres biologiques... Des ordres génétiques... Des ordres immunologiques... Et il faut obéir à ces ordres. Je vais peut-être vous choquer en vous disant qu’il me semble que l’ordre intime d’une femme, c’est de mettre au monde un enfant... Et apparemment, apparemment elle serait programmée pour en mettre une vingtaine au monde, entre sa première puberté et sa ménopause. C’est aussi écrit dans la Loi des hommes, dans la Bible... Et je pense qu’une femme qui est chef d’entreprise ou avocate, c’est une sorte de mutation interne, de mutation qui désobéit à la physiologie. » [4]
Quelle belle vie serait celle des femmes si elles étaient plus à l’écoute des « ordres intimes, biologiques, génétiques et immunologiques » !
[1] Lire : « Pour Erdogan, l’égalité homme femme est "contre nature" » : http://tempsreel.nouvelobs.com/mond....
[2] Référence : http://www.frontnational.com/pdf/Programme.pdf
[3] Pour en savoir plus : http://www.lexpress.fr/actualite/politique/marine-le-pen-veut-dire-stop-aux-ivg-de-confort_1091130.html#uMpUb5Jp7dxXMbDE.99
[4] Cette déclaration mémorable figure dans un reportage sur Toulon diffusé le le 21 août 1997 sur Arte.
Référence : le n° 18, octobre 1997, du mensuel toulonnais Cuverville, page 8.